Constituant le plus grand massacre de Juifs depuis la Shoah, l’attaque du 7 octobre 2023 a paradoxalement suscité un déchaînement du discours contre les Juifs à la faveur de l’amalgame entre « juif » et « sioniste ». La guerre en cours n’a pas « libéré » la parole antisémite, mais l’a légitimée en permettant l’expression combinée de l’antisionisme et de l’antisémitisme articulée à la lutte contre un État qualifié de « raciste », « fasciste », voire « nazi » par une partie de l’opinion mondiale, y compris dans des discours politiques, qu’ils soient de partis ou d’États.
En effet, nous avons constaté en peu de temps un effet d’escamotage de la réalité politique et historique : d’une part, l’occultation du fait pogromiste initial avec plus de 1250 personnes massacrées ; d’autre part, le renversement des victimes en agresseurs, selon une logique qu’Albert Camus avait vue à l’oeuvre dès 1948, le persécuté muté en persécuteur oblitérant alors la culpabilité de la Shoah.
Ce double phénomène idéologique de réécriture dont l’inversion est le trope caractéristique, s’est produit en particulier sur les campus universitaires et notamment en France. Trois présidentes d’universités américaines ont ainsi pu soutenir devant le Congrès que l’appréciation des appels au génocide des juifs survenus sur leurs campus « dépendait du contexte ».
Devant l’abolition du discernement dont témoignent ces propos cyniques émanant de représentantes des élites intellectuelles, nous proposons de décrypter la mythologie antijuive recomposée à partir de l’antiracisme né des idéologies décolonialistes, racialistes et identitaristes qui pratiquent un pseudo pacifisme et alimentent un discours parfois violemment antisioniste au nom de la « cause palestinienne » déshistoricisée et absolutisée. Ainsi, nous avons pu observer des glissements et des confusions aussi graves que délétères entre « antisémitisme » et « antisionisme » à l’université comme dans l’arène politique.
Ce cycle de conférences s’attachera à comprendre les logiques qui sous-tendent une telle polarisation idéologique et s’efforcera d’analyser l’expression exacerbée de passions politiques que nous observons, y compris dans les universités qui devraient être le lieu même de la raison et de la réflexivité critique.