Pédologie
LES ARGILES
1.1. Définition
Roches composées principalement de silicates en
feuillets
(Phyllosilicates) d’ Al, plus ou moins hydratés.
Les plus abondants des roches sédimentaires: 50% des
sédiments
(69 % des sédiments continentaux). Constituants principaux des
sols.
Formées de particules fines, de l'ordre du µm;
techniques
d'étude et de caractérisation délicates (RXD, MEB,
ATD)
1.2. Propriétés et utilisation
absorption d’eau
plasticité: déformation souple sous l'effet des
contraintes,
rôle de couche savon pour glissements des matériaux
à
toute échelle (glissement de terrain, nappe tectonique)
compaction importante: expulsion d'une grande quantité
d'eau.
Les pores diminuent, la roche devient imperméable
pouvoir adsorbant
dispersion dans l'eau et floculation: les particules fines restent en
suspension
dans l'eau agitée; elles décantent dans l'eau immobile
avec
une vitesse de chûte trés faible (Loi de Stockes). En eau
salée,
elles s'agglomèrent (floculation) et précipitent plus
rapidement.
Loi de Stockes:
v: vitesse de chûte
d: diamètre de la particule
C: constante de Stockes dépendant de la différence de
densité
entre particule et liquide, de la viscosité du liquide et de
l'accélération
de la pesanteur
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1 m (à 20°C) |
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Tableau I: application de la Loi de Stockes à des
particules
sphériques.
Intérêt économique:
* ciment (avec calcaire)
* céramiques: poteries, briques, tuiles
* pharmacie, cosmétique: excipient neutre, absorbant.
* pigments: ocres (argiles + oxydes de fer)
1.3. Terminologie
* Lutites: Sédiments fins (grains < 64 µm):
- limons de 1/16 mm à 1/256 mm, soit de 64
à
4 µm; surtout quartz
- argiles: > 1/256 mm
* siltites: limon (silt) induré (grés à
grains
trés fins)
* argilites: argiles compactées
* shales: argiles compactées fissiles
2. COMPOSITION MINERALOGIQUE
2.1 Principaux composants
- Minéraux argileux (phyllosilicates) dominants
- Quartz: microquartz d'origine éolienne; jusquà 30% de
la roche
- calcédoine, opale: forme mal cristallisée et
hydratées
de la silice; origine organique (plantes, plancton)
- oxydes et hydroxydes de fer: hématite, goethite
- sulfure de fer (pyrite) en milieu réducteur
- gibbsite (oxyde d'aluminium) sous climat chaud et humide)
- carbonates (calcite, dolomite)
- matière organique:
éléments figurés: pollens, spores, débris ligneuxLa quantité de matière organique intervient est associé au degré d'oxydation du fer, donc la couleur:
matière amorphe (décomposition par bactéries)
M.O. abondante, milieu réducteur, fer réduit (ferreux), couleur noir, gris, vert.
M.O. absente: fer oxydé rouge.
Les argiles trés riches en M.O. évoluée en
profondeur
(kérogène) forment les roches mères
d'hydrocarbures.
2.2. Méthodes d'études
On sépare la fraction < 2 µm des particules plus grosses par décantation (loi de Stokes). On caractérise les minéraux argileux par diffractométrie aux RX.
Tout corps cristallisé peut être analysé par diffraction de RX, car ses atomes sont arrangés selon des plans cristallins spécifiques. Un faisceau de RX est diffracté sur un plan cristallin selon la loi de Bragg :
l
= longueur d'onde de la source
d = espacement entre 2 plans
parallèles
successifs du réseau cristallin
q=
angle
entre le faisceau incident et le réseau de plans
Sur un diffractogramme, les pics correspondent aux
différents
rayons diffractés en fonction de l'incidence du faisceau de RX.
L'identification
du minéral est donnée par la position d'un certain nombre
de
pics caractéristiques qui permettent de calculer la distance
entre
les plans de diffraction. La forme du pic renseigne sur l'état
de cristallisation
du minéral (cristallinité). Pour un mélange
de
plusieurs minéraux, la hauteur des pics est grossièrement
proportionnelle
à leur quantité.
Pour des minéraux ayant des distances interfoliaires
proches,
on fait subir des traitements aux échantillons afin de les
différencier.
Un traitement classique consiste à imprégner
l'échantillon
de vapeurs d'éthylène-glycol. Cette molécule
organique
est adsorbée dans les espaces interfoliaires des smectites qui
gonflent.
D'autre part, le chauffage à 550 °C entraine la disparition
de
la kaolinite.
2.3. Les minéraux argileux
Ce sont des phyllosilicates d'aluminium dont les feuillets
sont
constitués de couches d'octaédres Al(OH)6 et de couches
de
tétraédres SiO4 reliées par les atomes O et OH mis
en
commun. La distance inter-réticulaire d sépare 2
feuillets
successifs. Les substitutions d'atomes sont fréquentes dans les
feuillets.
L' édifice cristallin peut être désorganisé
(la
cristallinité est moins bonne). D'autre part, il y a des
déséquilibres
au niveau des charges; ce déséquilibre est
compensé
par adsorption de cations dans l'espace interfoliaire (capacité
d'échange
des argiles).
Daprès la structure du feuillet, on distingue
principalement
les argiles 1/1 (1 couche tétraédrique+1 couche
octaédrique)
et les argiles 2/1 (2 tétra. pour 1 octaédrique).
Figure 1: structure des minéraux argileux.
a) la Kaolinite ( 1/1, d=7A°).
Pas de substitution dans les couches. Le feuillet est neutre. La
kaolinite
se forme dans les sols bien drainés, par pH acide, surtout en
climat
subtropical et tropical. Ses cristaux sont souvent grand
(jusqu'à 15
µm).
b) les Illites (2/1, d=10A°)
Association d'une CO (alumineuse) et deux CT (siliceuses). Mais
il
peut y avoir des substitutions (remplacement de Si par Al). Des cations
(K+)
sont adsorbés dans l'espace interfoliaire afin de compenser le
déséquilibre
des charges. C'est le minéral ubiquiste par excellence. Sa
structure
est proche de la muscovite (plus d'eau, moins de K+).
c) les Smectites (2/1, d= 14 A°).
L'empilement des feuillets est désordonné; chaque
feuillet
est tourné dans son plan par rapport au précédent.
Les
substitution d'atomes sont importantes. Ce désordre et la faible
charge
des feuillets facilitent leur écartement et l'adsorption des
molécules
variées (eau, cations, molécules organiques) au niveau de
l'espace
interfoliaire qui s'écarte (d = 18 A°). Les smectites, ou
montmorillonites,
sont généralement calciques, plus rarement sodiques.
Elles sont
formées dans les sols mal drainés plutôt alcalins.
Les
feuillets de smectites peuvent s'intercalés
régulièrement
ou irrégulièrement avec d'autres feuillets argileux,
souvent
illitiques. L'ensemble forme des interstratifiés.
d) la Glauconie
minéral vert ferrifère proche de l'illite
exclusivement
formé en milieu marin peu profond.
e) les Chlorites (2/1, d= 14 A°).
L'espace interfoliaire est garni par une couche composée
de Mg
et OH. L'Al est remplacé localement par le Fe. Les chlorites
existent
en plus grands cristaux dans les roches magmatiques; elles sont
également
formées pendant la diagénèse des roches
sédimentaires.
On les retrouvent en éléments détritiques dans les
sols
sous climat peu agressif.
Figure 2: cristaux de chlorite et de kaolinite vus au microscope
électronique
à balayage.
f) la Vermiculite (2/1, d= 12 A°)
Fréquente dans les sols de la zone
tempérée.La
couche octaédrique contient du Fe et du Mg. La vermiculite est
proche
des illites et chlorite mais montre des propriétés
gonflantes.
g) Les argiles fibreuses
Les feuillets sont discontinus et forment des rubans. Les
principaux
types sont la sépiolite et l'attapulgite ou paligorskite. On les
trouve
dans les milieux confinés.
3. ORIGINE DES ARGILES
3.1 Héritage et altération
Les minéraux argileux résultant de la
destruction
des roches, peuvent soit rester sur place (argiles résiduelles,
ex:
argiles à silex, argiles de décalcification) soit
être
transportées sur de longues distances (ex: argiles des fonds
océaniques).
En fonction des roches mères et du climat, les
minéraux
argileux résultant sont différents. En climat froid :
l'altération
est faible, les minéraux sont argileux sont identiques ou peu
différents
des minéraux de la roche (illite et chlorite), ils sont
hérités
de la roche d’origine. En climat chaud et humide, l'hydrolyse est
poussée,
la kaolinite se forme en milieu drainé, les smectites en milieu
confiné.
En climat tempéré, humide, l'altération est
modérée,
il apparaît des interstratifiés, des illites et chlorites
dégradées,
de la vermiculite.
3.2 Néoformations en milieux confinés
Les argiles fibreuses se forment dans des croûtes
calcaires,
dans des zones à climat à saison sèche
marquée,
dans des milieux évaporitiques sursalés:
* néoformation de sépiolite par concentration des ions
par évaporation
(bassin lacustre actuel de Sommières, de Ghassoul au Maroc).
Certains minéraux argileux se forment en dehors des
sols
à partir des ions en solution.
* néoformation de glauconie (illite
ferrifère)
dans les vases littorales.
* néoformation des "argiles rouges des grands fonds"
(smectites
ferrifères provenant des vases calcaires et siliceuses et des
cendres
volcaniques).
3.3 Transformations des minéraux argileux
Les minéraux néoformés ou hérités peuvent évoluer pour prendre un nouveau statut en équilibre avec le nouveau milieu. On distingue les transformations par dégradation (soustraction d'ions) et par agradation (par fixation d'ions supplémentaires). Ces transformations ont lieu aussi bien au cours de l'altération que de la diagénèse.
Ex.: Kaolinite -----> Chlorite
Smectites ------> Illite
4. LES ARGILES DU SOL
4.1 Nature des minéraux argileux.
Selon le climat, l'origine des minéraux est variable:
* héritage: à partir de la roche-mèreLa nature de la roche-mère joue un rôle:
* transformation: à partir d'autres minéraux argileux
* néoformation: formés à partir des ions transportés par l'eau du sol.
* l'altération d'une roche acide, comme le granite, donne plutôt de la kaoliniteLa topographie, qui commande le drainage, intervient également:
* l'altération d'une roche basique, comme le basalte, donne plutôt des smectites.Figure 3: Types de phyllosilicates formés au cours de l'altération.
* sur une pente, où le drainage et le lessivage sont bons, la formation de kaolinite et favorisée.Tableau II: occurence des minéraux argileux dans le sol en fonction du climat.
* dans une cuvette, milieu confiné où se concentrent les solutions, se forment plutôt des smectites.
CLIMAT VEGETATION et SOL ORIGINE desARGILES MINERAUX FREQUENTS Glaciaire toundra héritage illite
chlorite BoréalTempéré Taiga et ForêtPodzol, Sols Bruns transformationhéritage vermiculite, interstratifiés,
illite, chlorite, smectites MéditerranéenSubtropical Steppes, savaneFerSiAlitique transformation néoformationhéritage smectites Désertique néant héritage illite,
chlorite Equatorial ForêtFerralitique néoformation gibbsite,
kaolinite
4.2 Propriétés et rôle des minéraux argileux
Les propriétés bien particulières des minéraux argileux sont dûes à la petite taille, la structure en feuillets et la charge négative des particules. Elles forment avec l'eau des solutions colloïdales qui floculent lorsque les charges de surface des particules sont neutralisées par des ions. Ce phénomène est réversible: les particules retrouvent l'état dispersé lorsque les ions sont éliminés par rinçage. Les argiles fixent l'eau par adsorption à leur surface et augmentent de volume par gonflement. Elles constituent ainsi une réserve d'eau. L'argile sèche développe une tension de succion importante pour l'eau qui peut s'opposer à celle des racines des plantes.Avec adjonction croissante d'eau, la tension de succion diminue, l'ensemble eau-argile devient plastique, puis visqueux et finalement les particules d'argile se dispersent dans l'eau en formant une solution colloïdale. L'argile imprégnée d'eau qui se déssèche se rétacte et se casse par des fentes de retrait.
Les argiles confèrent au sol sa structure et ses
propriétés
mécaniques. Elles sont associées au autres composants et
constituent
les complexes argilo-humiques (ou organo-minéral); leur
teneur
peut atteindre 50%. Elles sont généralement à
l'état
floculé , généralement par l'action des ions Ca++ et H+, ce
qui
donne au sol ses qualités agronomiques: bonne aération
entre
les agrégats, retrait modéré à la
dessication,
bonne perméabilité à l'air et l'eau. En revanche,
les
sols dont les argiles sont dispersées, et non floculées,
présentent
des caractères défavorables à la culture:
mauvais
état structural, mauvaise circulation de l'air et de l'eau,
retrait
important à la dessication, forte adhérence aux outils
travaillant
le sol. Les mêmes inconvénients se retrouvent dans les
sols saturés
par l'ion sodium, comme dans les polders; leur mise en culture exige au
prélable
un lessivage du sol par les eaux douces, de façon à
éliminer
le Na+qui est remplacé par
l'ion
Ca++ fourni sous forme de sulfate
(gypse).
Minéral | Surface interne (m2/g) |
Surface externe (m2/g) |
Surface totale (m2/g) |
C.E.C. (milliéquivalent/100g) |
kaolinite | 0 | 10-30 | 10-30 | 5-15 |
illite | 20-55 | 80-120 | 100-175 | 10-40 |
smectites | 600-700 | 80 | 700-800 | 80-150 |
vermiculite | 700 | 40-70 | 760 | 100-150 |
chlorite | - | 100-175 | 100-175 | 10-40 |
MOREL R. (1996) - Les sols cultivés. Lavoisier, Paris.
TUCKER M.E. (1981) - Sedimentary petrology. An introduction. Blackwell.