Université de Picardie Jules Verne /Jacques Beauchamp
QUALITE ET POLLUTION DES EAUX SOUTERRAINES
1. MINERALISATION DES EAUX SOUTERRAINES
L'eau de pluie est légèrement acide du fait de sa teneur en CO2 dissous. Au cours de son infiltration dans le sol et le sous-sol, elle se charge en ions et acquiert des propriétés physiques et chimiques qui caractérisent l'eau de la nappe qu'elle forme. Les eaux souterraines sont plus ou moins minéralisées en fonction:
* de la nature des roches traversées et des minéraux rencontrés au cours de l'infiltration;
* du temps de contact de l'eau avec les minéraux, donc de la vitesse de percolation de l'eau dans le sous-sol;
* du temps de renouvellement de l'eau de la nappe par l'eau d'infiltration.
On voit l'importance des minéraux solubles des roches et de la perméabilité de l'aquifère dans la minéralisation de l'eau.
Dans l'aquifère, il s'établit un équilibre entre la composition chimique de l'eau et celle des roches: l'eau prend une minéralisation qui demeure stable dans le temps et sert à caractériser un faciès hydrochimique.
* Dans les terrains cristallins (granitiques), sableux et gréseux -c'est à dire riche en minéraux siliceux et silicatés - les eaux sont douces: elles sont peu minéralisées mais acides et agressives pour les conduites: c'est le cas ds eaux des réservoirs sableux de l'Albien et de l'Oligocène dans l'Oise.
* Dans les réservoirs calcaires, les eaux sont dures, moyennement à fortement minéralisées en sels de calcium et magnésium; elles entartrent les conduites. C'est le cas des eaux de la nappe de la craie. Dans les réseaux karstiques, l'eau peut se charger de particules argileuses en suspension au cours des fortes pluies.
* Au contact du gypse, fréquent dans les terrains tertiaires du Bassin de Paris, l'eau se charge en sulfate de calcium et devient dure (séléniteuse) et impropre à la consommation.
* En bordure de mer, les aquifères peuvent être en contact avec l'eau de mer: échange au niveau du biseau salée, contamination de l'eau d'infiltration par les embruns salés. L'eau de la nappe devient plus ou moins saumâtre. L'invasion de la nappe d'eau douce par l'eau salée est accélérées par les pompages et le rabattement de la nappe (cas de la nappe de la plaine du Sous au Maroc).
* L'eau des nappes alluviales a une qualité qui dépend de celle de la nappe qui l'approvisionne et de celle de la rivière.
En Picardie, les principaux faciès hydrochimiques sont les suivants.
* faciès bicarbonaté calcique: le plus fréquent; c'est celui de la nappe de la craie.
* faciès sulfaté calcique: fréquent dans les nappes de l'Eocène moyen et supérieur.
* faciès bicarbonaté sodique: c'est celui de l'aquifère profond des sables verts (Albien); le sodium est libéré par les minéraux argileux qui fixent à sa place le calcium.
* faciès chloruré sodique: dans les aquifères en bordure de mer.
Certains aquifères peuvent présenter des faciès mixtes.
Figure 8-1a: Salinité des eaux de l'aquifère des grès
permo-triasique
en Lorraine (adapté de MANIA): la salinité augmente avec la profondeur.
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eaux minérales |
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Vittel |
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Evian |
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Volvic |
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2. PARAMETRES DE QUALITE
2.1 Principaux paramètres de potabilité
La qualité d'une eau souterraine est caractérisée par un certain nombre de paramètres physiques et chimiques, déterminant à leur tour des caractères organoleptiques seuls immédiatment perceptibles pour l'usager.
Les paramètres pris en compte sont:
* la dureté de l'eau correspondant à sa minéralisation en calcium et magnésium
* le pH qui dépend de la teneur en ions;
* la teneur en gaz dissous issus de l'atmosphère (O2et CO2 );
* la teneur en substances minérales disoutes généralement sous forme ionique: anions (bicarbonates, chlorures, sulfates, nitrates, fluorures) et cations (calcium, magnésium, sodium, potassium, fer, manganèse, ammonium);
* la turbidité, produite par des matières en suspension (argiles)
dans
les aquifères karstiques.
A ces paramètres physico-chimiques s'ajoutent des paramètres microbiologiques souvent déterminants dans les aquifères calcaires.
Une teneur trop élevée d'un ou plusieurs composants chimiques cause des désagréments au consommateur (saveur, risques sanitaires) et aux canalisations (corrosion, entartrage...) L'eau est alors jugée impropre à la consommation (et à sa distribution) à moins de subir au préalable un traitement aproprié (cas des eaux chargées en nitrates). D'autre part, une teneur élevée d'un élément chimique peut être l'indice d'une pollution par d'autres substances toxiques: les résidus de pesticides accompagnent généralement la migration des nitrates d'origine agricole à la nappe (atrazine, simazine employées en particulier comme déserbants des cultures de maïs).
Les paramètres qui déclassent une nappe pour l'eau potable ou
impliquent
un traitement correcteur pour sa potabilisation sont dans la pratique:
la
dureté, le pH, la teneur en sulfates, la turbidité, la teneur en Fe, Mn
et
F.
2.2 La dureté
La dureté totale d'une eau est produite par les sels de calcium et de magnésium qu'elle contient. On distingue:
* une dureté carbonatée qui correspond à la teneur en carbonates et bicarbonates de Ca et Mg;
* une dureté non carbonatée produite par les autres sels.
La dureté est mesuré par le titre hydrotimétrique exprimé en °F (degré français); 1 °F correspond à 10 mg de carbonate de Ca dans 1 litre d'eau..
Des valeurs faibles correspondent à des eaux douces: dans les sables du Crétacé inférieur du Pays de Bray, l'eau à un titre hydrotimétrique compris entre 5 et 20 °F. Les eaux dures ont un titre compris entre 20 et 35 °F: c'est le cas de l'eau de la nappe de la craie dans la Somme. Des valeurs supérieures indiquent des eaux trés dures (nappe captive de la craie, nappes de l'Eocène...)
La dureté de l'eau influe essentiellement sur l'état des canalisations et des appareils de chauffage, et sur le lavage du linge. Une eau dure donne des dépôts de tartre dans les canalisations, les bouilloires et chauffe-eau, ainsi que dans les filtres des robinets. D'autre part, ces dépôts carbonatés ont un effet bénéfique en protégeant les conduites de la corrosion. Ces eaux dures pourront être adoucies par le distributeur ou par l'utilisateur (échange d'ions sur résine dans l'industrie ou chez le particulier).
En revanche, une eau trop douce est agressive vis-à-vis des
canalisations;
en particulier la corrosion des canalisations en plomb devient
dangereuse
pour la santé du consommateur. Un traitement par reminéralisation est
indiqué.
2.3 Le pH
Le pH de l'eau conditionne les équilibre physico-chimiques, en
particulier
l'équilibre calco-carbonique et donc l'action de l'eau sur les
carbonates
(attaque ou dépôt). Le pH est acide dans les eaux des aquifères sableux
ou
granitique. Il est alcalin dans les calcaires. Le pH est corrigé selon
le
cas par élimination du CO2 dissous en excès ou par
correction
de la dureté carbonatée.
2.4 La turbidité
La tubidité peut être importante dans les aquifères karstique. Elle occasionne des désagréments dans l'aspect de l'eau et sa saveur (goût de terre). Les pics de turbidité suivent les fortes précipitations; ils sont fréquents dans l'aquifère crayeux de Normandie. Les eaux de ruissellement chargées de particules argileuses - et d'autres matières indésirables- s'engoufrent dans les bétoires. La vitesse de circulation de l'eau dans le réseau souterrain en crue ne permet pas leur décantation.;de plus des particules déposées précédemment sont arrachées aux cavités et augmentent la charge en suspension que l'on retrouve à l'exutoire.
Toute aménagement augmentant le ruissellement superficiel et
l'érosion
des sols accentue la turbidité: remembrement agricole supprimant les
haies
et talus, pratiques agricoles laissant les sols à nu pendant l'hiver,
drainages
des eaux superficielles vers les gouffres et bétoires, comblement des
mares
stockant les eaux de ruissellement.
2.5 Les sulfates
Les sulfates contenus dans l'eau souterraines sont fournis par la
dissolution
du gypse. Le gypse est un sulfate de calcium hydraté qui est faiblement
soluble
(7 g/l dans les conditions normales). Les nappes de l'Eocène ont des
teneurs
fréquentes comprises entre 25 et 100 mg/l mais qui peuvent localement
dépasser
250 mg/l (valeur limite admissible, voir paragraphe 4) et même 1 g/l
dans
les formations à veines de gypse, valeurs qui rendent cette eau non
potable.
Les nappes captives en terrains calcaires sont moyennement à trés
sulfatées
(30 à 200 mg/l, parfois supérieures à 250 mg/l). Les autres nappes de
la
région , comme la nappe libre de la craie, ont des teneurs en sulfates
inférieures
à 50 mg/l.
2.6 Le Fer
Le fer est un élément assez abondant dans les roches (quelques %)
sous
forme de silicates, d'oxydes et hydroxydes, de carbonates et de
sulfures.
La craie contient des nodules de marcasite (sulfure); les terrains
jurassiques
présentent un niveau d'oolithes en oxydes de fer. Le fer est soluble à
l'état
d'ion Fe++ (ion ferreux) mais insoluble à l'état Fe+++ (ion ferrique).
La
valeur du potentiel d'oxydo-réduction (Eh) du milieu conditionne donc
sa
solubilité et la teneur de l'eau en fer. Les nappes captives isolées
des
échanges avec la surface sont en conditions réductrices: leur eau est
ferrugineuse.
Ce fer dissous précipite en mileu oxydant, en particulier au niveau des
sources
et à la sortie des conduites. La présence de fer dans l'eau peut
favoriser
la prolifération de certaines souches de bactéries qui précipitent le
fer
ou corrodent les canalisations. L'eau est ferrugineuse notamment dans
les
nappes captives de la craie et des sables de l'Albien. Un traitement
spécifique
est alors nécessaire (précipitation en milieu oxydant).
2.7 Le Manganèse
Le manganèse accompagne généralement le fer dans les roches. comme
le
fer, sa solubilité dépend de l'Eh. Il est peu abondant dans les eaux de
la
région.
2.8 Le Fluor
La teneur en fluor dépend beaucoup du temps de contact de l'eau avec
les
minéraux fluorés de l'aquifère. Elle est plus élevé dans les nappes
captives.
Dans la nappe de la craie, l'ion F est fourni principalement par les
minéraux
phosphatés (apathites). Sa teneur ne doit pas excéder 1,5 mg/l (voit
paragraphe
4).
3. DETERIORATION DE LA QUALITE
La qualité naturelle des eaux souterraines peut être altérée par
l'activité
humaine. La détérioration de la qualité de l'eau est appréciée par
mesures
des paramètres physico-chimiques et bactériologiques. Dans le cas d'une
détérioration
jugée importante, l'eau ne sera plus considérée comme potable pour la
consommation
humaine. Elle pourra être telle quelle utilisée à d'autres fins
(irrigation...)
ou devra subir un traitement appropriée pour retrouver sa potabilité.
L'eau
des nappes n'est donc pas à l'abri de la pollution et l'auto-épuration
naturelle
n'est pas complète dans toutes les nappes et vis-à-vis de certaines
substances.
3.1 Vulnérabilité des nappes à la pollution.
La vulnérabilité dépend du type de nappe, libre ou captive, et du mode de circulation de l'eau dans l'aquifère. Les nappes libre sont les plus vulnérables: les polluants d'origine superficielle peuvent diffuser librement dans le sol et la zone non saturée jusqu'au niveau pièzométrique; d'autre part, la fluctuation verticale saisonnière du niveau piézométrique aboutit à 'rincer' les particules de la zones non saturée et entraîner les substances qui y sont adsorbées. Les nappes captives en revanche sont mieux protégées par les couches imperméables qui les surmontent. Leur alimentation en eau superficielle est plus circonscrite, donc plus aisée à protéger. Leur pollution apparaît lorsque le niveau protecteur imperméable est percé par un ouvrage (ancien forage, fouille profonde...) Enfin, la percolation de l'eau dans un milieu poreux peut produire une fixation des substances sur les particules et donc une épuration de l'eau. Ce phénomène n'existe pas dans les milieux fissurés où la circulation est bien plus rapide.
Figure 8-1b: Causes possibles de pollution de la nappe de la craie.
Pour atteindre une nappe libre en milieux poreux, les polluants transportés par les eaux d'infiltration doivent franchir de nombreux obstacles:
* le sol
L'activité chimique et microbiologique est intense (oxydation, réduction...) De nombreux corps sont modifiés chimiquement, les polluants organiques peuvent être métabolisés et minéralisés. Néanmoins, cette biodégradation peut aboutir à des métabolites au moins aussi toxiques que les polluants d'origine. Les complexes argilo-humiques peuvent fixer de nombreux corps minéraux et organiques par adsorption.
* la zone non saturée
Comme le sol, elle joue un rôle dans la filtration et la rétention de certaines substances. Cette action est d'autant plus efficace que la granulométrie est plus faible.
* la zone saturée
La filtration se poursuit dans le milieu poreux de la nappe; le
polluant
est diluée dans la masse d'eau.
On voit que la protection de la nappe sera d'autant meilleure que le sol et la zone non saturée sont épais, que leur granulométrie est fine, que la vitesse de percolation de l'eau dans la nappe est faible. En revanche, ce type de nappe une fois contaminée par un polluant le reste longtemps.
Dans les nappes libres en milieu fissuré, la vulnérabilité à la pollution dépend de leur recouvrement. Les aquifères en terrains anciens (granites, schistes...) sont généralement recouverts par des formations meubles d'altération qui jouent le rôle de filtre. Ces matériaux meubles peuvent d'ailleurs remplir les fissures de la roches et prolonger ainsi leur action de protection. Il n'en est pas de même dans les aquifères calcaires: les polluants s'infiltrent dans les fissures, y circulent rapidement et réapparaissent en l'état dans les sources et les forages. La pollution apparaît sous forme de pics de courte durée; elle disparaît rapidement si l'apport de polluant cesse.
Les nappes alluviales sont en connexion hydraulique avec le cours d'eau; la qualité de leur eau dépend de celle de la rivière. Comme pour le sol, les matériaux couvrant le fond de la rivière jouent le rôle de filtre. En Picardie, ces nappes sont également soutenues par l'apport des eaux de la nappe de la craie qui influent sur leur qualité. Ces nappes sont particulièrement vulnérables: elles sont de faible étendue, dans des lieux d'urbanisation et d'industrialisation où les sources de pollution sont nombreuses (villes, routes, exploitation des granulats...)
Dans tous les cas, la pollution des eaux souterraines est favorisées par certains aménagementset pratiques:
* interventions qui favorisent l'infiltration dans la nappe: forages de puits sans précaution, ouverture de gravières, puits perdus pour infiltrer les eaux usées...
* mauvaise gestion des eaux de ruissellement, suite à l'imperméabilisation des surfaces (ville, routes), aux drainage agricole, et des eaux usées.
* modification des pratiques agricoles: remplacement de la prairie par des cultures intensives (remembrement, suppression des haies, du bocage, sols à nu pendant l'hiver). En 25 ans, la surface de la prairie bretonne a été réduite de moitié au profit du maïs fourrage gourmand en herbicides mais exportant peu d'azote et laissant le sol nu pendant l'hiver.
* élevages intensifs 'hors sol', nourris de farines de soja ou animales et de maïs fourrage, produisant une accumulation locale d'excréments difficiles à gérer.
3.2 Principaux types et origine des pollutions (voir aussi le chapitre suivant)
a) Pollution temporaire et pollution chronique
L'émission exceptionnelle de matière polluante à la suite d'un incident (mauvaise manoeuvre en usine, accident de la circulation...) peut entraîner un transfert à la nappe et sa pollution dont la durée dépend de son pouvoir d'auto-épuration et de sa vitesse de percolation .
Les pollutions chroniques sont plus insidieuses et dommageables;
moins
spectaculaires, elles peuvent passer inaperçues (pollution agricole par
les
nitrates; contaminations par hydrocarbures à partir de sols pollués).
b) Pollution ponctuelle et pollution diffuse
Le polluant émis sur une faible surface n'affectera qu'un secteur limité de la nappe, qui pourra s'étendre par diffusion. Seuls les captages à proximité de la zone polluée et en aval seront affectés. selon la densité et la solubilité du polluant, la zone polluée sera circonscrite ou diffuse, à la surface ou à l'intérieur de la nappe.
L'épandage de produits polluants sur une grande surface en revanche
affecte
l'ensemble de la nappe; elles sont de plus souvent chroniques et
déclasse
l'ensemble de la nappe pour la production d'eau potable, à moins de
traitements
adaptés (cas ces pollutions agricoles par pesticides).
c) Pollution linéaire
Elle accompagne le trajet des routes et autoroutes, des canaux, des cours d'eau, des voies ferrées.
d) Pollutions historiques
De nombreuses zones polluées l'ont été à une époque où les préoccupations environnementales étaient inconnues ou sommaires: pollution par les terrils de mines, les décharges non contrôlées...
e) Origine de la pollution
* origine domestique
Dans le cas d'un assainissement, collectif ou individuel, défectueux, des substances indésirables contenues dans les eaux vannes et les eaux ménagères peuvent être transférées à la nappe (matières organiques, détergents, solvants, antibiotiques, micro-organismes...) Le cas se produit avec les puits perdus, l'assainissement individuel avec infiltration dans le sol mal conçue ou mal dimensionnée, les stations d'épuration urbaines surchargées... Les ordures ménagères accumulées dans des décharges sauvages ou non mises à la norme (centre d'enfouissement technique) libèrent également des lixiviats riches en polluants.
* origine industrielle
Les polluants d'origine industrielle sont trés variés selon le type d'activité: substances organiques banales, produits organiques de synthèse, hydrocarbures, sels minéraux, métaux lourds...Les pollutions sont exceptionnelles (incident dans un process) mais encore trop souvent chroniques (fuite de réservoirs, de canalisations...) Un cas particulier est celui des exploitations minières. L'extraction des granulats en plaine alluviale met en contact l'eau de la nappe avec les polluants éventuels.
* origine agricole
La pollution est étendue dans l'espace et dans le temps; elle est chronique et concerne de grandes surfaces. En effet, les pratiques actuelles des cultures et de l'élevage influencent fortement le régime et la qualité des eaux. 'L'utilisation masive des engrais et des produits chimiques de traitement des plantes détruit la vie dans les rivières et rend impropres à la consommation humaine, et parfois animale, les eaux superficielles et souterraines' (La Lettre Eau, 1998), alors que les professionnels agricoles ont longtemps nié l'impact de leur activité sur la qualité de l'eau et refusé la moindre contrainte (influence du fameux 'lobby agricole' et de la première place de l'agro-alimentaire dans les exportations françaises.) Le transfert des engrais et pesticides à la nappe se fait soit par infiltration sur l'ensemble de la surface cultivée, soit par rejet dans des puits perdus, des gouffres et bétoires. La pratique de l'irrigation accélère le transfert. Une pollution ponctuelle commune est fournie par les eaux de rinçages des récipients et appareils d'épandage. L'épandage des boues de stations d'épuration pose problème par leur charge possible en métaux lourds et germes, en plus de leur richesse en azote résiduelle après culture.
Les élevages intensifs de porcs, bovins et volailles produisent une grande quantité de déjections azotées qui doit être stockées en réservoirs étanches avant d'être utilisée comme engrais (ou comme aliments...) Les lisiers sont responsables de la charge en nitrates des nappes de Bretagne.
* origine urbaine et routière
Les risques de pollution apparaissent à la construction des réseaux routiers puis à leur exploitation (salage en hiver, hydrocarbures, métaux lourds libérés par les véhicules, substances dangereuses échappées par accident...) En ville, on trouve, en plus des polluants de la voirie, la contamination possible des nappes par les eaux usées (raccordement incomplet ou défectueux, mauvais état des réseaux, surcharge ou mauvais fonctionnement des Stations d'épuration, en particulier absence de traitement tertiaire) par les fuites de cuves de carburants (essence, fioule), par les cimetières.
L'imperméabilisation des surfaces (routes, rues, parkings, toits) produit une forte quantité d'eau de ruissellement chargée en produits polluants divers( hydrocarbures, déjections d'animaux...) Ces eaux pluviales polluées ne doivent en aucun cas être transférées à la nappe.
* injection de produits toxiques dans le sous-sol
Cette méthode est utilisée aux U.S.A. pour se débarasser de produits
indésirables.
Les risques de pollution des nappes profondes sont grands. En France,
la
méthode d'injection n'est utilisée que pour stocker le gaz.
3.3 La pollution minérale
* Composés azotés
L'eau d'une nappe ne contient naturellement pas de composés azotés:
ceux-ci,
provenant de la décomposition de la matière vivante par les
micro-organismes;
sont minéralisés en azote gazeux ou restent en faible quantité dans le
sol.
C'est l'augmentation artificielle de la quantité d'azote combiné
disponible
dans le sol qui crée un déséquilibre entre l'apport et la consommation
et
produit un excès d'azote qui est finalement entraîné vers la nappe. Cet
azote
se trouve sous forme de nitrates et d'ammonium.
Figure 8-3: variation de la teneur en nitrate d'une eau souterraine
en
fonction des pratiques culturales.
* métaux
La pollution par composés métalliques est généralement d'origine
industrielle
mais elle peut également provenir de la lixiviation des déchets solides
ménagers.
Des métaux ne produisent que des inconvénients d'aspect ou de goût
(Fer,
zinc, manganèse...); l'eau doit être traitée pour être potable, ou
utilisée
en l'état pour d'autres usages. Les métaux lourds, comme le Mercure, le
Cadmium,
le Plomb, le Chrome, sont toxiques et rendent l'eau inutilisable pour
l'usage
domestique et l'agriculture.
* autres corps
De nombreux corps minéraux , toxiques ou non, produits par
l'industrie
et utilisés par l'agriculture peuvent être des polluants ponctuels des
nappes:
chlorures, sulfates, cyanures, sels d'arsenic... En Alsace,
l'exploitation
de la potasse a produit la pollution par les chlorures et les sulfates
de
l'eau des nappes. Les activités d'une usine chimique à Chauny (Aisne)
depuis
1820 jusqu'à 1985 a laissé un sol pollué à forte teneur de chrome,
cadmium,
cuivre, plomb et arsenic interdisant tout exploitation de la nappe
sous-jacente.
3.4 La pollution organique
* produits de dégradation de la matière vivante
La décomposition de la matière organique par les micro-organismes libère des nitrites, nitrates, ammonium, méthane et hydrogène sulfuré; la matière organique résiduelle persistant dans l'eau constitue un milieu favorable au développement des germes qui peuvent être pathogènes.
* hydrocarbures
La contamination de la nappe est généralement accidentelle (fuite de cuve d'essence, de mazout, rupture de canalisation...) Les hydrocarbures légers, non miscibles à l'eau, s'étendent à la surface de la nappe; ils confèrent à l'eau un goût caractéristique même à trés faible teneur qui la rend imbuvable. Les hydocarbures lourds se rassemblent à la base de la nappe; ils diffusent moins.
* substances de synthèse
Les détergents sont en général biodégradés dans le sol ou adsorbés sur les argiles. Certains atteignent la nappe à partir des puisards ou à partir des rivières polluées dans les nappes alluviales. Leur toxicité est faible mais en tant que produits mouillants ils favorisent la dispersion d'autres produits indésirables comme les pesticides.
Les pesticides sont en partie métabolisés ou retenus dans le sol et dans la zone non saturée. Leur transfert à la nappe est faible. Les plus fréquents sont deux herbicides, l'atrazine et la simazine, employés à forte dose dans les cultures de maïs. Les fortes teneurs sont dûes à des pollutions ponctuelles: produits de rinçage des cuves rejeté dans un puits, fuite d'une citerne...)
Les polychlorobiphényles (PCB) et les phtalates se retrouvent rarement dans les nappes. Les solvants chlorés (trichloréthylène, tétrachloréthylène, tétrachlorure de carbone) sont peu biodégradables et peu retenus dans le sol: leur transfert à la nappe est donc aisé. Ce type de pollution est observée dans les zones urbaines et industrielles et dans les décharges non contrôlées.
3.5 La pollution microbiologique
Les micro-organismes sont peu nombreux
dans
les eaux de nappe du fait des conditions généralement anaérobies et des
faibles
quantités de nutriments disponibles. Le transfert de matière organique
dans
la nappe favorise leur prolifération. Les milieux fissurés, surtout
karstiques,
présentent des conditions favorables à la survie et la multiplication
des
germes: pénétration facile de matière organique, conditions aérobies,
pas
de filtration. Les germes pathogènes sont généralement associés aux
coliformes
et streptocoques fécaux: la présence de ces derniers indique une
pollution
par les eaux vannes, les eaux de station d'épuration, les rejets
d'élevages
industriels... et la possibilité d'occurence de germes pathogènes.
annexe: pollution des
fleuves côtiers
4. DEFENSES NATURELLES CONTRE LES POLLUTIONS
4.1 Rôle protecteur des sols
Le sol constitue un puissant moyen d'épuration et de recyclage des eaux. Les argiles, les hydroxydes et la matière organique adsorbent les cations ( Ca, Mg, K, Na, métaux lourds) et certaines molécules organiques. Les molécules à moins de 6 carbones sont entraînées vers la nappe mais les cycles benzèniques sont retenus. Les phosphates et les atrazines sont bien fixés par les particules du sol; ils peuvent être néanmoins entraînés avec ces particules (érosion des sols à nu).
Le contenu microbiologique du sol peut épurer le sol de ses
substances
indésirables: minéralisation des composés azotés, dénitrification,
dégradation
des micropolluants organiques (pesticides). Les germes pathogènes
introduits
dans le sol sont éliminés quand les conditions de survie sont
défavorables:
UV, compétition avec la microflore indigène du sol.
4.2 Rôle épurateur du couvert végétal et des organismes
Les plantes accumulent des éléments minéraux et servent donc de zone de stockage, en particulier pour les nitrates. La déforestation, le retournement des prairies libèrent une quantité importante d'azote. Les cultures d'hiver permettent de stocker l'excès d'azote, donc à éviter son transfert à la nappe. La végétation des zones humides et des bords de rivières (ripisylve) ont un effet épurateur remarquable (dénitrification dans les zones hydromorphes anaérobies). L'accumulation des polluants se poursuit le long de la chaîne alimentaire (bioaccumulation) chez les animaux. Il peut se produire une biotransformation qui peut être bénéfique (destruction des hydrocarbures) ou non (transformation du mercure en méthyle-mercure trés toxique).
4.3 Auto-épuration biologique des eaux souterraines
Les organismes vivants et non toxiques (bactéries, petits
invertébrés)
sont présents dans les eaux souterraines même à grande profondeur. Ils
peuvent
métaboliser les polluants introduits dans la nappe. Les polluants
organiques
toxiques comme les polychlorobiphénols (PCB) sont lentement
transformés.
Les nitrates sont détruits en milieu anaérobie (cas des nappes
captives).
5. NORMES DE QUALITE DES EAUX POTABLES
L'eau destinée à la consommation humaine doit respecter un certain nombre de paramètres qui définissent sa potabilité et qui ont été définis dans le décret du 3 janvier 1989. Les eaux minérales naturelles font l'objet d'une autre réglementation publiée dans le décret du 6 juin 1989. Chaque paramètre ne doit pas dépasser une valeur limite qui est égale généralement à la 'concentration maximale admisible' de la directive européenne correspondante. En revanche, la réglementation française ne reprend pas la notion de 'niveau guide' qui correspond à un niveau de qualité à atteindre. Ces dispositions réglementaires sont reprises dans le code de la santé publique. Elles ont été récemment modifiées par le Décret du 2 décembre 2001 relatif aux eaux destinées à la consommation humaine. Ce décret précise que les limites et références de qualité doivent être respectées à la sortie du robinet du consommateur. Les nouveaux paramètres sont applicables à compter du 25 décembre 2003, sauf pour les bromates, la turbidité et le plomb.
1. Paramètres organoleptiques.
L'eau ne doit pas présenter de coloration, de trouble, d'odeur et de saveur. Ces paramètres sont les seuls directement accessibles au consommateur.
2. Paramètres physico-chimiques en relation avec la structure naturelle de l'eau.
La tempéature ne doit pas dépasser 25°C, le pH doit être compris entre 6,5 et 9, la teneur en chlorures, sulfates, magnésium, sodium, potassium et aluminium doit être inférieure à des valeurs déterminées (par exemple > 250 mg/l de sulfates). Le résidus sec à 180°C doit être inférieur à 1,5 g/l.
3. Paramètres concernant les substances indésirables.
Des valeurs limites sont fixées pour les nitrates, les nitrites, l'ammoniaque, l'azote Kjeldahl, pour l'H2S, les hydrocarbures, les phénols. De plus, des valeurs limites sont arrêtées pour Fe, Mn, Cu, Zn, Ag et le Phosphore. La teneur en Fluor ne doit pas dépasser 1,5 mg/l pour une température de l'aire géographique comprise entre 8°C et 12°C; cette valeur diminue avec l'augmentation de la température.
4. Paramètres concernant les substances toxiques.
Les valeurs limites sont définies pour des toxiques minéraux (arsenic, métaux lourds) et organiques (cyanures, Hydrocarbures Polycycliques Aromatiques, benzo-pyrènes...)
5. Pesticides et produits apparentés.
Cette rubrique a été ajoutée par le décret du 10 avril 1990. Elle mentionne les insecticides organo-chlorés persistants, organo-phosphorés et carbamates, les herbicides, les fongicides, les P.C.B. et P.C.T. Des val.eurs limites sont établies pour chaque catégories. La teneur totales de l'ensemble de ces substances ne doit pas dépasser 0,5 µg/l.
6. Paramètres microbiologiques.
Ce sont les germes indicateurs d'une pollution fécale (coliformes, streptocoques), certains germes pathogènes (salmonelles, staphylocoques, bactériophages fécaux, entérovirus) et des bactéries sulfito-réductrices dont la présence indique une mauvaise filtration. La méthologie à suivre pour leur dénombrement est indiquée.
En outre, les eaux adoucies ou déminéralisées livrées à la
consommation
humaine doivent satisfaire à une valeur minimale de dureté et
d'alcalinité.
Le décret précise également les modalités du contrôle sanitaire, en
particulier
sa fréquence en fonction de la polulation désservie. Les eaux minérales
ne
sont contrôlées que du point de vue microbiologique puisque les
paramètres
physico-chimiques sont trés variables et souvent en dehors des valeurs
maximales
admises pour les eaux dites potables.
Tableau 8-I:
paramètres de qualité
des eaux destinées à la consommation humaine (page 1)
Tableau 8-I: paramètres de
qualité des eaux destinées
à la consommation humaine (page 2)
(Décret modifié 89.3 du 03/01/1989)
REFERENCES
Code de la Santé Publique; Eaux destinées à la consommation humaine. Ministère des Affaires Sociales et de la Solidarité, mars 1991.
DESBORDES A. (2000) - Pollution des eaux souterraines en Picardie. Mém. Maîtrise B.G., Fac. Sciences Amiens, 46 p. + annexes.
FURRY V. (1997) - Les eaux souterraines en Picardie. Mém. D.E.S.S. Environnement, univ. Picardie Jules Verne, 30 p. + annexes.
GUILLEMIN C. et ROUX J.C. (1992) - La pollution des eaux souterraines. Manuels et Méthodes n° 23, éd. BRGM
Journal Officiel du 4 janvier 1989 et du 10 juin 1989.
La Lettre Eau, mai 1998, n° 7. France Nature Environnement, Paris.
MANIA J. (1999) - Cours d'hydrogéologie. Univ. Besançon.
PROERES O. (2000) -Les ressources en eaux souterraines du
département
de l'Aisne. Mém. DUESS "Eau et Environnement", D.E.P., univ. Picardie,
Amiens.
Jacques Beauchamp
juillet 2006