Sufetula : une ville romaine de l’Afrique antique (Tunisie)


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L’ancienne cité de Sufetula est un important site archéologique de la ville actuelle de Sbeïtla, au centre de la Tunisie.

Les Romains fondent Sufetula vers le milieu du Ier siècle ap. J.-C. et la ville prospère jusqu’à être abandonnée peu après une bataille majeure de la conquête arabe en 647. Cette longue occupation permet de porter un regard sur l’évolution de la vie urbaine au cours des siècles.

Depuis 2022, une mission tuniso-française dirigée par Nicolas LAMARE (UR 4284 TrAme, Université de Picardie Jules Verne) et Mohamed BEN NEJMA (Institut national du patrimoine de Tunisie) reprend l’étude de ce site emblématique avec le soutien du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, de l’Ambassade de France en Tunisie (Service de coopération et d’action culturelle) et de l’École française de Rome.

Le site archéologique de Sbeïtla est inscrit sur la liste indicative des sites candidats au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Relevé du forum par scanner laser 3D (© N. Lamare. Mission archéologique à Sbeïtla).
Relevé du forum par scanner laser 3D (© N. Lamare. Mission archéologique à Sbeïtla).

Si le site a été abandonné à une période encore difficile à préciser, ses vestiges n’ont jamais entièrement disparu. Peu de temps après le début du Protectorat, René Cagnat et d’Henri Saladin mènent les premiers travaux archéologiques en 1883. Les recherches se poursuivent jusqu’en 1922 puis de façon sporadique à partir de 1941, avant les premiers travaux de Noël Duval sur les basiliques chrétiennes, dans les années 1950 et 1960. Par la suite, les recherches sont menées dans les années 1990 par Fathi Bejaoui de l’Institut national du patrimoine de Tunisie. La mission archéologique tuniso-française a engagé un nouveau projet de recherches en 2022 visant à mieux comprendre l’évolution urbaine et environnementale de la ville antique.

Dans une approche pluridisciplinaire qui dépasse la seule fouille stratigraphique, tout en portant un regard sur la longue durée (Ier-VIIe siècle ap. J.-C.), une équipe de chercheurs tunisiens et français étudie l’évolution de la ville antique avec un intérêt particulier pour la transformation d’un quartier, dans l’objectif de comprendre les mutations des modes de vie urbains au fil des siècles.

Vue du site vers l’Est (© N. Lamare. Mission archéologique à Sbeïtla).
Vue du site vers l’Est (© N. Lamare. Mission archéologique à Sbeïtla).

On ne dispose que de peu d’indices pour situer la naissance de Sufetula. La plus ancienne inscription mentionne les empereurs flaviens (69-96 ap. J.-C.) mais aucun vestige de cette époque n’a encore été identifié.

La ville nouvelle, caractérisée par son plan en quadrillage régulier, prospère puis le christianisme y connaît un développement important dès le IVe siècle, comme en témoignent les nombreuses basiliques chrétiennes. Malgré cela, la situation de Sufetula aux époques vandale et byzantine (Ve et VIe siècles) reste mal connue mais certaines basiliques sont aménagées et des thermes sont encore en usage.

Lors de la conquête arabe, la cité est au cœur d’une bataille importante en 647 : la victoire arabe signe la fin de la prospérité de la ville qui continue cependant d’être habitée pendant quelques temps.

La rue principale Est-Ouest à l’arrière du forum (© N. Lamare. Mission archéologique à Sbeïtla).
La rue principale Est-Ouest à l’arrière du forum (© N. Lamare. Mission archéologique à Sbeïtla).

La ville a été très tôt équipée des principaux monuments attendus dans une cité romaine :

  • un forum avec un capitole, formé ici par trois temples distincts, une spécificité rare ;
  • un aqueduc ;
  • des thermes ;
  • un théâtre ;
  • un amphithéâtre ;
  • des arcs de triomphe.

Au fil des siècles, la ville s’est étendue en surface et plusieurs édifices ont été restaurés, d’autres nouvellement construits. Ainsi, au IVe siècle, les Grands Thermes sont agrandis, des fontaines sont aménagées et les premières basiliques voient le jour pour célébrer le culte chrétien désormais autorisé.

Dans le cadre de la mission tuniso-française, une visite virtuelle des grands thermes a été réalisée à partir de photos 360°.

Les grands thermes s’élevaient à l’ouest de la ville romaine, non loin du théâtre et dateraient du IIIe siècle. Ils couvrent une surface considérable et s’organisent atour d’espaces communs (vestiaire, palestre) au centre du complexe.

Au sud-est, se déploient les thermes dits « d’été » et au nord-ouest les thermes dits « d’hiver ». Ils comprennent un ensemble de salles et des bassins froids (frigidarium), tempérés (tepidarium) et chauds (caldarium).

On peut observer dans différentes salles des sols en mosaïque particulièrement bien conservés.

Le projet archéologique fait l’objet d’une convention entre l’Université de Picardie Jules-Verne / Unité de recherche 4284 TrAme et l’Institut national du patrimoine de Tunisie.

Il manque beaucoup d’éléments pour obtenir une image complète de la ville antique : divers temples, un marché mais surtout des maisons, des boutiques et des ateliers. Le projet de recherche entend explorer cet facette domestique de la vie urbaine en l’inscrivant dans une problématique plus vaste qui concerne la notion de « quartier », son organisation et son évolution au cours du temps. Il s’agit de comprendre comment certaines zones de la ville se construisent et comment d’autres se recomposent. La fouille stratigraphique d’un îlot urbain ouvrira une fenêtre sur l’histoire de la vie urbaine et permettra de répondre à ces questionnements.

L’archéologie ne se limite pas à la fouille. Une prospection magnétique, destinée à identifier des vestiges enfouis, a permis de repérer des rues et plusieurs édifices encore inconnus. Parallèlement, des relevés par scanner laser 3D documentent tous les vestiges visibles. Ces derniers sont financés par le CPER « Anamorphose ».

En complément, des levés topographiques sont effectués et l’ensemble de ces informations sera rassemblé dans un système d’information géographique (SIG) afin d’obtenir un plan renouvelé de la cité antique.

Les problématiques environnementales sont également prises en compte. Des prélèvements de dépôts carbonatés, c’est-à-dire de concrétions de calcaire laissées par le passage l’eau, ont été effectués dans l’aqueduc, une fontaine et des thermes : leur analyse nous renseignera sur l’évolution du climat et des ressources en eau dans l’Antiquité.

  • N. Duval, « Sufetula : l’histoire d’une ville romaine de la Haute Steppe à la lumière des recherches récentes », dans L’Afrique dans l’Occident romain, Ier siècle av. J.-C. – IVe siècle ap. J.-C., Rome, 1990, p. 495‑536. URL : www.persee.fr/doc/efr_0000-0000_1990_act_134_1_3889
  • N. Lamare, « La fontaine à cour et l’hydraulique tardive de Sbeïtla. Nouvelles observations », Antiquités africaines, 53, 2017, p. 95‑114. DOI : 10.4000/antafr.644
  • F. Bejaoui, Z. Lecat, « Les “salles à auges” et les édifices dits fortifiés dans les Hautes Steppes tunisiennes », dans F. Baratte, P. Piraud-Fournet, E. Rocca (dir.), Les « salles à auges » : des édifices controversés de l’Antiquité tardive entre Afrique et Proche-Orient, Madrid, 2022, p. 69‑84. DOI : 10.4000/books.cvz.33745