Le parc du château de Villers-Cotterêts relie la forêt de Retz au château, un joyau de l’architecture de la Renaissance. Ce dernier abrite désormais la Cité internationale de la langue française, tandis que la forêt de Retz a été reconnue comme « forêt d’exception » en 2022.
Bien que de nombreux randonneurs et vététistes parcourent le parc du château, connaissent-ils vraiment son histoire ?
Une équipe de l’Université de Picardie Jules Verne tente d’y répondre entre autres par l’utilisation du LiDAR (projet ANTILOPE, CPER Anamorphose). Cette technologie apporte un éclairage inédit sur les aménagements historiques de cet espace et son évolution au fil des siècles.
Résidence royale, le château de Villers-Cotterêts permet aux princes de s’adonner à leur activité favorite : la chasse !
Dès le XVIe siècle, François Ier entreprend le rétablissement du domaine. Le roi reconstruit le château et crée un grand parc dans la forêt de Retz, dédié à la chasse. Il transforme également le « parc aux daims » initial en petit parc, selon les limites que nous lui connaissons aujourd’hui (zone hachurée en jaune sur le plan ci-dessous).
Le premier plan connu de cet espace est celui de Jacques Androuet du Cerceau, réalisé vers 1570.
Cet ensemble se divise en plusieurs espaces clos. Aux abords directs du logis, se trouvent les jardins, les arbres fruitiers et les prés. Une grande allée centrale, l’actuelle allée Royale, et des allées plus petites traversent le petit parc. Les murs du parc sont percés de portes permettant d’accéder à la forêt.
En 1770, un plan du grand parc de chasse montre l’emplacement et l’organisation du petit parc.
Les sources historiques mentionnent différentes installations dans le petit parc. Ce dernier était également le lieu de fêtes et de réceptions à l’époque moderne. Mais leurs localisations et leurs chronologies restent encore mal connues.
Pour retrouver les anciennes traces, parfois ténues, l’UPJV procède à des levés LiDAR du petit parc.
Depuis 2021, l’Université de Picardie Jules Verne (UMR 7058 Edysan et la plateforme Humanités Numériques) dans le cadre d’un partenariat avec le Centre des monuments nationaux (CMN, gestionnaire du château et du parc de Villers-Cotterêts) et l’Office national de Forêts (ONF), mène une étude sur l’histoire de l’occupation du sol en forêt de Retz.
Tout naturellement, l’occupation du petit parc par sa position stratégique entre le château, ses jardins et la forêt, interroge. Pour y répondre, l’UPJV a déposé un projet financé par la région Hauts-de-France et l’État (contrat plan État-Région, CPER 2021-2027) dans le cadre d’« Anamorphose. Le patrimoine sous le territoire, le territoire sous le patrimoine ».
Ce projet d’ANalyse et Traitement d’Images Lidar sur l’Organisation des Parcs et Enclos de la forêt de Retz (ANTILOPE) a pour but de découvrir, sous la canopée du petit parc, les traces des anciens parcs depuis la fin du Moyen Âge.
En archéologie, l’innovation technologique de ces deux dernières décennies a notamment permis de mettre la technologie LiDAR (Light Detection and Ranging) au service d’opérations de prospection.
Le LiDAR peut être embarqué sur un avion ou un drone ou encore reposer au sol sur un trépied. Ces différentes solutions dépendent de l’étendue concernée par l’étude que ce soit, par exemple, un département, un champs de quelques hectares ou une structure bâtie.
Les différents capteurs du LiDAR partagent un fonctionnement identique. Ils produisent un laser (dans le visible ou dans l’infrarouge) qui balaie une scène à l’aide d’un dispositif rotatif (miroir pivotant). Les retours renvoyés par les obstacles rencontrés sont enregistrés et analysés, recréant la scène en 3 dimensions sous forme d’un nuage de points.
Ces données constituent un apport important pour l’archéologie car elles permettent d’allier une grande précision (centimétrique) à une grande souplesse d’exploitation. En effet, chaque point peut être manipulé de façon indépendante, ce qui permet de classer, de filtrer voire d’éliminer des éléments de la scène (végétation, bâti actuel, etc.). Il est possible aussi de produire des coupes selon n’importe quelle direction.
Dans le cadre d’analyses de prospection archéologique, l’exploitation des données LiDAR se traduit fréquemment par l’extraction des points du sol pour recréer un modèle numérique de terrain (MNT). À partir de ce MNT très précis, nous identifions et interprétons les anomalies et irrégularités de surface.
Sur le parc du château de Villers-Cotterêts, le levé se fait à l’aide d’un drone équipé d’un capteur LiDAR (boitier jaune). Le miroir pivotant est le dispositif qui permet au laser du LiDAR de balayer la scène sur un angle de 120 degrés pour acquérir une grande densité de points sur une bande de sol survolée par le drone (voir la vidéo de mise en route du miroir rotatif). C’est l’assemblage de toutes ces bandes de survol qui permet de reconstituer la scène entière !
Cette technique d’analyse est très utile pour étudier de façon fine et non destructrice le sol des boisements du site, denses et difficiles d’accès pour une prospection.
A Villers-Cotterêts, le drone a survolé le petit parc en 4 vols distincts, couvrant la majeure partie de ces boisements. Ils se sont déroulés à des périodes de l’année où le feuillage est le moins développé possible, afin de permettre la meilleure précision au sol.
Chaque vol se planifie minutieusement afin de garantir la sécurité de tous et d’obtenir un levé optimal.
A l’issue du vol drone sur petit parc de Villers-Cotterêts, nous analysons les données LiDAR. Nous extrayons les points du sol pour recréer un modèle numérique de terrain (MNT), identifier et interpréter les anomalies et irrégularités de surface.
Plusieurs traitements s’appliquent sur le MNT afin de visualiser les micro-reliefs. Ci-dessous, nous avons appliqué au même extrait du MNT les traitements suivants :
Selon les traitements appliqués, les anomalies sont mises en évidence et permettent une analyse des micro-reliefs qui sont alors digitalisés. Ces « creux » ou « bosses » peuvent correspondre à d’anciennes limites, des accès, des traces de bâti…
Une prospection pédestre permettra de vérifier ces anomalies sur le terrain, offrant ainsi une meilleure compréhension de l’histoire du parc.