La crypte de l’église de Ham (Somme) : un patrimoine gothique méconnu


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La ville de Ham est une commune qui se trouve à l’est du département de la Somme en région Hauts-de-France. La ville s’est développée sur un méandre du fleuve Somme.

Cet édifice est un des seuls vestiges de cette époque encore en élévation et la crypte est un des éléments remarquables de l’époque gothique.

L’ancienne église abbatiale Notre-Dame se situe au nord de la ville fortifiée médiévale, non loin de la porte de Saint-Quentin.

Recueil des plans des places du Royaume, divisées en provinces, faits en l’an 1693

Les sources concernant la création et l’histoire de l’abbaye sont assez lacunaires. En effet, plusieurs incendies ont détruit les archives au fil du temps. Cependant quelques textes ont été copiés au XVIIIe siècle par Dom Grenier ce qui permet d’établir une chronologie de l’histoire de l’abbaye.

Très peu de connaissances sur la première implantation religieuse subsiste. C’est au début du XIIe siècle que se développe l’abbaye. L’acte de fondation de l’abbaye date de 1108, dans lequel le seigneur Odon II et sa femme donnent à l’évêché de Noyon leur église. Baudry, en sa qualité d’évêque de Noyon, reçoit l’église qui est peu après transformée en abbaye. Les chanoines séculiers sont alors remplacés par des chanoines réguliers appliquant la règle de Saint-Augustin et dépendant de l’évêché de Noyon. C’est à cette époque que l’église actuelle et la crypte sont érigées ainsi que le premier monastère. Il semble que l’église soit finie vers la fin du XIIe siècle, puisque l’abbé Jean a authentifié les reliques de Saint-Vaneng avant le dépôt de ces dernières dans le chœur. L’édifice est incendié au XVe siècle, puis pillés et détruit par les espagnols au XVIe siècle.

Au XVIIe siècle, il semble que le monastère soit transféré au sud de l’église. C’est à cette période que des travaux dans l’église sont engagés afin d’en modifier le décor. Au XVIIIe siècle de nouveau un incendie endommage l’église. Un rehaussement du chœur et un nouvel accès à la crypte font partis des travaux menés pour réparer l’édifice. En 1790, la communauté est supprimée lors de la révolution française. Les bâtiments servent alors de caserne et d’hôpital militaire.

Au XIXe siècle, retrouvant sa fonction, l’église est restaurée. En 1862, la crypte est classée au titre des monuments historiques et en 1888 l’ensemble de l’église est protégé. Durant la première Guerre Mondiale, la voûte de l’église est détruite. Depuis, des travaux et des diagnostics ont lieu régulièrement afin de préserver la structure de l’édifice.

Il est probable que les travaux de construction de l’église commencent par la partie occidentale. Le pignon se compose d’éléments architecturaux datés de l’époque romane notamment au niveau du portail. L’église s’organise selon le plan d’une croix latine de 60 m de long pour 28 m de large au niveau du transept. La nef se compose de huit travées bordées de part et d’autres par des bas-côté simples. Le transept saillant est pourvu de deux chapelles. À la suite se développe le chœur long de trois travées se terminant par une abside divisée en cinq pans. Cette partie de l’église est de style gothique

Coupe longitudinale de l’église de Ham
Coupe longitudinale de l’église de Ham. Extrait du modèle 3D (nuage de points) obtenu par numérisation de l’édifice (réalisé par le laboratoire MIS, UPJV)

La crypte de Ham fait partie des 16 cryptes répertoriées en Picardie plus particulièrement dans l’Aisne et dans l’Oise. Ces structures se développent dès le IXe siècle à Saint-Médard de Soissons jusqu’au XVe siècle Saint-Quentin ou Saint-Léger de Soissons. Elles se caractérisent par le modèle à couloir transversal, comme c’est le cas à Ham.

La crypte se trouve sous le chœur. La similarité et la régularité de la construction entre la crypte et le chœur indiquent que cette partie de l’édifice a été construit lors d’une seule campagne. Le plan de la crypte est similaire au plan du chœur en une salle centrale de trois travées, séparée en deux rangées par trois colonnes monolithiques et se terminant par une abside percée de baies au niveau des cinq pans. Les baies ébrasées assurent la luminosité du lieu. Les collatéraux simples, se terminant par des pans droits également éclairés par une baie, entourent la salle principale. La crypte est donc semi-enterrée, profitant de la pente du terrain. Elle permet de donner une stabilité au chevet de l’église, qui est renforcée par la présence des colonnes dans la salle centrale.

De l’extérieur, l’accès à la crypte se fait actuellement par une porte située dans le collatéral nord. Présente dès la construction, il est probable que cet accès permettait la communication avec les bâtiments monastiques. Initialement, l’accès se faisait de l’intérieur de l’église, depuis les collatéraux. Ces escaliers, bouchés lors des travaux du XVIIIe siècle, se trouvaient à 1,90 m de hauteur dans le mur occidental de la crypte. La présence de gonds dans les montants des portes indique que l’accès de la crypte pouvait être clos. Les marches sont abîmées ce qui prouve qu’ils ont été utilisés. Néanmoins les parties basses des escaliers sont inconnues. De même, les fondations débordantes gênent la circulation dans la crypte, notamment entre les collatéraux et la salle centrale. Il se peut que le niveau du sol ait été plus élevé.

Les voûtes d’ogives, présentes dans toute la crypte, sont à pans coupés ou ont un profil d’amande. Elles retombent sur des piliers de formes différentes. Certains se composent d’un noyau muni de colonnes engagées, d’autres ont des angles rentrants et des colonnettes correspondant à la nervure des voûtes. Dans l’abside, des colonnes engagées sont également présentes au niveau de contrefort extérieurs. La présence de moulures identiques assure la transition visuelle entre les chapiteaux et les nervures des voûtes. La multiplication des colonnes, les socles, les bases des chapiteaux travaillés et les colonnes monolithiques accentuent la monumentalité de la crypte.

Seuls les chapiteaux et les socles ont un décor sculpté. Les chapiteaux sont tous à crochets, composés de feuilles lisses ou côtelées se terminant par des boules ou des volutes, typique des années 1170-1190. Il y a aussi des chapiteaux munis de feuilles polylobées se superposant aux feuilles portant les crochets, très courant dès 1170. Les bases se composent d’un tore supérieur arrondi et régulier, avec une scotie profonde bordée de filets et un tore inférieur en forte saillie par rapport à la plinthe. Quasiment toutes les bases sauf celles des colonnes monolithiques portent des griffes aux angles. Le décor se limitant à ces éléments donnent une certaine simplicité à la crypte.

Deux gisants du XIIIe siècle

Parmi les éléments remarquables, la crypte abrite deux gisants du XIIIe siècle : Odon IV, seigneur de Ham, mort en 1234, et sa femme, Isabelle de Béthencourt, .

Les sources ne mentionnent pas de vénération de reliques, comme c’est le cas à Saint-Quentin pour Saint-Vaneng. Néanmoins, la présence de piscines au nombre de 7, desservant 3 autels, laisse penser que des offices y étaient célébrés.

En parallèle à la visite virtuelle, un modèle 3D de l’église et de la crypte a été réalisé par le laboratoire MIS (UPJV).

Nous vous proposons une vidéo réalisée à partir du nuage de points.

Cette visite virtuelle a été réalisée en 2020 avec le soutien de la DRAC des Hauts-de-France, la plateforme Humanités Numériques et le laboratoire MIS (UPJV) ont créé la première visite virtuelle de la crypte de Ham (Somme).

À l’heure actuelle, pour des raisons de sécurité, la crypte est ouverte uniquement sur réservation. De plus, elle n’est pas accessible aux personnes à mobilité réduite.

Des visites guidées sont réalisées par l’office de tourisme de Haute-Somme (Péronne).

  • Augé (P.), La ville de Ham à l’époque médiévale : approche historique et archéologique, mémoire de recherche, master, Amiens, 2011.
  • Brassart (P.), Restauration de l’église Notre-Dame – diagnostic, mars 2020, Amiens, 2020.
  • Capronnier (J.-Ch.), Corvisier (Ch.), Fournier (B.), et (al.), Picardie gothique, Tournai, 1995.
  • Decagny (P.), Ham et ses environs, Paris, 1992.
  • Fleury (E.), Danicourt (E.), Histoire populaire de la ville et du château de Ham, Ham, 1881.
  • Gillon (P.), Sapin (Ch.) dir., Cryptes médiévales et cultes des saints en Île-de-France et en Picardie, Villeneuve d’Ascq, 2019.
  • Gomart (Ch.), Ham, son château et ses prisonniers, 2000.
  • Tricoit (M.), « Ham. La crypte de l’église Notre-Dame » dans Cryptes médiévales et cultes des saints en Île-de-France et en Picardie de P. Gillon et Ch. Sapin dir., Villeneuve d’Ascq, 2019, p. 407-415.