Quand le sol nous révèle le passé : rétrospective de l’archéologie à l’UPJV


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Affiche de l'exposition 50 ans d'archéologie à l'UPJV
Affiche de l’exposition 50 ans d’archéologie à l’UPJV (1969-2019)

Cette exposition réalisée à l’occasion des 50 ans de l’Université de Picardie Jules Verne (1969-2019) revient sur les principales opérations archéologiques menées par l’Université depuis sa création.

L’objectif de cette exposition est de faire un état des lieux des activités archéologiques (fouilles, étude du bâti, missions à l’étranger…) menées par des enseignants-chercheurs et des ingénieurs de l’UPJV, jusqu’en 2019. Cette rétrospective porte sur les projets menés en France, notamment dans les Hauts-de-France, mais aussi à l’étranger.

C’est également l’occasion de faire un focus sur des fouilles menées par des partenaires comme les fouilles du Service régional d’Archéologie à Vendeuil-Caply et celles de la citadelle d’Amiens menées par le service archéologique d’Amiens Métropole.

Cette exposition a été présentée du 14 novembre au 14 décembre 2019 dans la salle des expositions du pôle universitaire Citadelle à Amiens. Elle a été inaugurée le 21 novembre 2019, en présence du président de l’université, Mohammed Benlahsen.


Comité d’organisation 

  • Michela Costanzi (enseignante-chercheuse, unité de recherche TRAME),
  • Sandrine Mouny (ingénieure d’études, unité de recherche TRAME)
  • Sara Nardi Combescure (enseignante-chercheuse, unité de recherche CRAE).

Conception et collaboration aux posters 

Pauline Augé, Jean-Louis Cadoux, Julie Colaye, Michela Costanzi, Lucie Degroisilles, Gerard Fercoq du Leslay, Richard Jonvel, Vincent Legros, Sandrine Mouny, Sara Nardi Combescure, Maia Pomadère, Gilles Prilaux, Isabelle Queyrat, Philippe Racinet.

Infographie des posters

Mégane Vialle

Crédits

Université de Picardie Jules Verne

Localisation des sites archéologiques dans les Hauts-de-France
(Émilie Gallet - Pauline Augé, Plateforme Humanités Numériques)
Localisation des sites archéologiques dans les Hauts-de-France (Émilie Gallet – Pauline Augé, Plateforme Humanités Numériques)
Fouille de la motte de Boves cl. S. Charrier 2008
Fouille de la motte de Boves cl. S. Charrier 2008
Localisation des sites archéologiques en France et dans le bassin méditerranéen (Émilie Gallet - Pauline Augé, Plateforme Humanités Numériques)
Localisation des sites archéologiques en France et dans le bassin méditerranéen (Émilie Gallet – Pauline Augé, Plateforme Humanités Numériques)
Forteresse de Sadr cl. J. Jehel 2005
Forteresse de Sadr cl. J. Jehel 2005

Dès sa création en 1969, l’Université de Picardie Jules Verne tente de jouer un rôle actif dans la recherche archéologique régionale, en étroite collaboration avec le Service régional de l’Archéologie.

En 1971, Jean-Louis Cadoux (maître de conférences en histoire romaine), fonde le Centre de Recherches Archéologiques. Installé au Campus à Amiens, cette structure accueille une vingtaine d’étudiants bénévoles organisés au sein d’une association appelée le Groupe d’Archéologie des Étudiants d’Amiens (GAEA). Jusqu’en 2014, les recherches archéologiques du centre étaient spécialisées en Antique. Avec l’arrivée d’un maître de conférences en histoire médiévale, Ph. Racinet, et de son association (le CAHMER), l’archéologie à l’UPJV s’ouvre sur l’époque médiévale et moderne. Ces fédérations insufflent une synergie et un renouveau, le Centre de Recherches Archéologiques devient le laboratoire d’Archéologie.

Sa direction est assurée par deux enseignants-archéologues (J.-L. Cadoux et Ph. Racinet) et la gestion des activités est régie par des étudiants bénévoles ou salariés au moyen d’allocations de recherches ou de contrats aidés par l’État (Conseil Régional de Picardie). Constitué d’une équipe étoffée de spécialistes, le laboratoire s’engage en 1995 dans un programme de recherche pluridisciplinaire, sur une thématique large : « les pôles fixateurs de l’habitat et de mise en valeur des terroirs picards de l’Antiquité à la fin du XVIIIe siècle ». Puis en 1996, l’UPJV procède à la restructuration des locaux. Le réaménagement fournit un cadre optimal pour le fonctionnement des activités, pour l’accueil des chercheurs et surtout la formation des étudiants. Le professionnalisme de l’équipe permet d’obtenir le label de « Site de Compétence » par le Conseil régional de Picardie en 1997, et d’être reconnu, par le Ministère de l’Éducation Nationale et de la Recherche, « Jeune Équipe » en 1998 et « Équipe d’Accueil » en 2000. Ces reconnaissances procurent des crédits d’équipement et de fonctionnement pour une meilleure pratique d’une recherche strictement pluridisciplinaire. En 2008, le laboratoire d’Archéologie est intégré dans l’Unité de Recherche TrAme de l’Université de Picardie Jules Verne.

Centre de recherche (voir +)

Le Centre dirige des opérations archéologiques (de l’organisation à la publication) parmi elles, quatre grands chantiers-école en Picardie (Ribemont-sur Ancre, Famechon, Boves et Crépy-en-Valois). S’ajoutent des implications dans des programmes internationaux et d’archéologie extensive, avec notamment les prospections dans la vallée de la Somme, associant les universités d’Amiens, de Cambridge et d’Oxford (ACO) ou encore celles du terroir de Roberval (Oise) menées dans le cadre d’une thèse. Dans le domaine de l’archéométrie, le laboratoire est référent à l’échelon régional pour l’étude des céramiques médiévales.

Centre d’assistance technique (voir +)

Il met à disposition des locaux de travail et du matériel destinés aux doctorants, aux chercheurs associés et aux partenaires, et aide à la publication. Centre de mise en valeur et de protection du patrimoine : répond aux sollicitations des collectivités locales, départementales et régionales.

Centre de mise en valeur et de protection du patrimoine (voir +)

Le laboratoire répond aux sollicitations des collectivités locales, départementales et régionales.

Centre de documentation et de diffusion (voir +)

Il dispose d’une bibliothèque de livres spécialisés et d’un support éditorial (Revue Archéologique de Picardie)

Centre de formation (voir +)

Le laboratoire d’archéologie mène une pédagogie au travers de stages pratiques, d’enseignements de la 1ère année à la licence, d’encadrement de travaux universitaires et d’actions éducatives de l’école primaire au lycée. Des cycles de séminaires (en collaboration avec le Service régional de l’Archéologie) et des manifestations sont aussi organisés (États Généraux de l’archéologie en 1997, Journées de rencontre scientifique en 2005, Colloques, Fête de la Science…).

Le sanctuaire de Ribemont-sur-Ancre est situé à vingt kilomètres au nord-est d’Amiens, sur le versant nord de la vallée de l’Ancre, un affluent de la Somme.

Ce lieu de culte, fréquenté en continu sur une durée de six siècles, est un modèle de référence pour l’archéologie des sanctuaires de l’âge du Fer. Sa longue durée de fréquentation en fait également un site privilégié pour observer l’évolution des pratiques cultuelles, de la période celtique à la fin de l’époque romaine.

Vue aérienne du village de Ribemont-sur-Ancre. En surimpression de couleur orange, les vestiges de l’agglomération gallo-romaine (Fonds de carte CD 80, DAO GF CD80)
Vue aérienne du village de Ribemont-sur-Ancre. En surimpression de couleur orange, les vestiges de l’agglomération gallo-romaine (Fonds de carte CD 80, DAO GF CD80)

De 1968 à 1989, ce site a été le chantier école de l’UPJV. Sous la direction de Jean-Louis Cadoux, maître de conférences en histoire ancienne, l’association des étudiants en archéologie de l’Université de Picardie Jules Verne y mit en évidence les vestiges d’une importante agglomération gallo-romaine implantée sur les vestiges d’un sanctuaire de l’âge du Fer, aux installations exceptionnellement conservées.

En 1990, la fouille fut reprise par une équipe du CNRS dirigée par J.-L. Brunaux et dotée de moyens matériels conséquents, adaptés à la fouille des importants ensembles d’ossements et d’armes découverts lors de la campagne 1987.

Mise au jour d’une construction faite d’os d’hommes et de chevaux. Fouille J-L. Cadoux, UPJV, 1982. (cliché J.-L. Cadoux)

Dès le début des années 1960, la prospection aérienne naissante a mis en évidence les vestiges d’une agglomération gallo-romaine sur le territoire de la commune de Ribemont-sur-Ancre. À partir de 1968, les fouilles de l’Université de Picardie Jules Verne ont permis d’identifier et de documenter ses trois monuments principaux et l’habitat attenant.

En 1982, la découverte d’un aménagement énigmatique sous le niveau de construction du temple romain révélait l’ancienneté des installations cultuelles et orientait les recherches en direction de l’archéologie des religions celtiques, alors balbutiante. Jusqu’en 1987, la fouille des niveaux de l’âge du Fer a entraîné de nouvelles découvertes, toujours plus étonnantes.

De 1990 à 2003, les fouilles du CNRS, réalisées dans la continuité des campagnes antérieures, ont permis de préciser la chronologie du site et ont contribué à enrichir notablement les données recueillies par l’équipe de l’université de Picardie Jules Verne. En 2014, une nouvelle campagne dirigée par M.-L. Haack, professeur à l’UPJV, a eu pour objectif de préciser les relations entre l’espace cultuel et l’habitat.

Du IIIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère, les limites de l’espace cultuel se superposent, ce qui révèle une certaine continuité. Cette permanence, relative à la configuration des lieux, pouvait-elle également concerner les rituels ? L’étude des structures et du matériel mis au jour dans le périmètre délimité par un système de clôture, a permis de caractériser la nature de l’occupation et d’esquisser une approche des rites accomplis, ainsi que de leur évolution.

Au IIIe siècle avant notre ère, deux enclos, aménagés à quelques années d’intervalle, témoignent des premières activités à caractère rituel sur le site. Ils diffèrent par leur forme, leur histoire et leur nature.

Plan de l’espace cultuel IIIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère (DAO GF-CD 80)
Plan de l’espace cultuel IIIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère (DAO GF-CD 80)

Le plus ancien, de forme circulaire, n’a été que quelques années en fonction avant que ses installations ne soient démontées. Restes humains, armes, céramiques, ossements d’animaux, rejetés dans le fossé de clôture, témoignent d’un rite funéraire original, spécifique au domaine guerrier qui se démarque de la crémation, généralisée dans la région à cette époque.

Le second enclos, plus récent d’un quart de siècle, est de forme quadrangulaire. Il a connu une longue période de fréquentation avant que ses installations ne soient partiellement démontées et occultées par des constructions d’époque romaine. Dans son état initial, cet enclos est interprété comme un trophée constitué après une série de batailles intervenues localement.

Bien qu’il ait livré de très nombreux restes humains, il ne peut être considéré comme un lieu de sépulture, le traitement réservé aux cadavres n’étant pas de nature funéraire.

Les têtes de centaines d’individus masculins, en âge de porter des armes, ont été coupées, les os abandonnés sur le sol ont parfois été utilisés comme matériau de construction. Ces vestiges ne témoignent pas de gestes funéraires mais d’une pratique consécutive à une victoire militaire.

Aux IIe et Ier siècles avant notre ère, alors que l’apport de cadavres, devient exceptionnel puis cesse, et que la pratique du dépôt d’armes se raréfie, le matériel découvert dans l’enclos se diversifie et témoigne de sacrifices et d’offrandes.

Fondations du temple (Fanum) Ier siècle de notre ère (cliché CAD)

Après la conquête romaine, l’organisation interne de l’enclos quadrangulaire, dont l’aménagement principal demeure un espace arboré, ne semble pas subir de transformation importante. L’aménagement d’une nouvelle enceinte, accolée à l’enclos, toujours délimité par un fossé, signale cependant une restructuration de l’espace sacré et marque une modification du rituel.

Au cours des premières décennies du Ier siècle de notre ère des transformations radicales affectent la topographie du site ainsi que l’organisation interne de l’espace sacré.

Sondage sur l’habitat, juillet 2014. Fouille M.-L. Haack (UPJV), G. Fercoq du Leslay (CD 80), Tahar Ben Redjeb (SRA) (cliché J. D’heilly-Visual drone)

Une terrasse artificielle est créée en place de la pente naturelle. Sur le tracé du fossé de clôture comblé, une palissade est dressée. Elle a été rapidement remplacée par un mur puis, à la fin du siècle, par un portique. À l’intérieur de l’espace ainsi circonscrit, un premier temple est édifié. Son architecture inconnue dans le monde méditerranéen, témoigne de la continuité des règles locales, chaque « cité » conservant ses propres traditions religieuses, redéfinies en fonction de nouvelles règles sociales et politiques. L’espace respecte désormais une organisation classique associant temple, autel et représentation divine. Le matériel quant à lui, ne révèle que peu de changements, à l’exception notable des armes qui désormais ne sont plus déposées.

Au IIe siècle, un nouveau programme architectural métamorphose l’aspect de l’ensemble du site. Un temple sur podium, d’inspiration romaine, est édifié sur une nouvelle terrasse gagnée sur la pente descendante, à l’arrière de l’ancien enclos. Un théâtre et des thermes, édifiés sur la pente qui descend vers la rivière, viennent compléter l’ordonnancement de l’espace liturgique.

De part et d’autre du cœur monumental de l’agglomération, un secteur d’habitation se développe.

Cette restructuration témoigne d’une volonté politique et fait écho à d’autres opérations de même nature sur le territoire de la Gaule. La forme architecturale adoptée pour le temple laisse penser que le statut juridique du site avait changé et que le culte impérial devait y être célébré.

Située à huit kilomètres au sud-est d’Amiens, la forteresse de Boves associée à deux basses-cours, est bâtie sur un promontoire barré par un puissant fossé. Ce château sur motte, édifié sur une imposante butte entièrement anthropique, a un rôle stratégique : il surveille et contrôle la ville d’Amiens. Le site est fortifié dès l’époque carolingienne et présente cinq résidences successives jusqu’à son démantèlement à la fin du XVIe siècle. Les atouts de cet ensemble castral sont nombreux : un état des vestiges peu souvent rencontré en France, une ampleur stratigraphique (jusqu’à 3 m), de nombreuses sources documentaires, le tout associé à une abondance et à une diversité du mobilier archéologique. Tous ces éléments constituent des témoins précieux et contribuent à une meilleure connaissance du lieu et de son passé.

Latrines composées d’une cuve et d’un canal maçonné permettant l’évacuation du trop plein vers l’extérieur (cliché Ph. Racinet)

Avec le soutien de l’État (Ministère de la Culture et de la Recherche, DRAC Hauts-de-France) et des collectivités territoriales (Conseil Régional de Picardie, Conseils généraux de l’Aisne, de l’Oise et de la Somme, et d’Amiens Métropole), Philippe Racinet, professeur d’histoire et d’archéologie médiévale à l’UPJV, a conduit un programme pluridisciplinaire de 1996 à 2016. Ces recherches ont été accomplies par une équipe de spécialistes, avec la participation de bénévoles. S’agissant d’un chantier-école, les diverses campagnes de fouille ont formé un demi-millier d’étudiants. Les résultats archéologiques ont fait l’objet de trois publications dans la Revue Archéologique de Picardie (2002, 2008 et 2012).

La fouille des 1 300 m2 de la plate-forme a permis de définir l’organisation de l’occupation et d’étudier les formes matérielles diverses d’une résidence aristocratique à travers sept siècles.

Dans la continuité de l’étude du pôle aristocratique, de nouvelles investigations scientifiques (2016-2019) se poursuivent à travers la fouille de la basse-cour, dans le cadre d’un projet structurant régional « ArchéoMedPic », porté par le laboratoire TrAme EA 4284.

Vue des ruines du château de Boves, 1851, Mairie de Boves (cliché Ph. Racinet)

Sur le plan historique, l’approche s’avère délicate à cause de la nature et de la quantité des sources disponibles, mais aussi de leur dispersion. Néanmoins, l’histoire des seigneurs de Boves (Xe-XIIIe siècle) a fait l’objet d’une thèse soutenue en 2003 par O. Leblanc.

Les études du mobilier archéologique (800 kg de céramique, 6 tonnes d’ossements animaux, 180 monnaies, 2500 pièces d’exception en métal, en verre et en tabletterie…) fédèrent une quinzaine de spécialistes. La forte densité d’occupation du site est révélée par cette masse considérable d’objets, qui apportent les moyens de reconstituer la vie à l’intérieur de ce château. La découverte de quelques artefacts atypiques témoigne du caractère d’aisance des habitants. Des récipients en céramique et en verrerie révèlent un art de la table raffiné. Les animaux d’élevage figurent parmi les principales espèces répertoriées. Ils sont associés à des produits de chasse et de pêche ce qui est un autre signe de richesse. S’ajoutent à cette énumération, des restes osseux rares (paon) et non consommés comme l’ours brun, apprécié pour sa fourrure. Certains objets attestent le raffinement de l’architecture (vitrail représentant une figure, mobilier lapidaire de qualité, enduits peints…). L’art de vivre est également perceptible au travers de nombreux éléments de jeu (dés, jetons…) et l’apanage seigneurial est illustré par des éperons, des épées ou encore des carreaux d’arbalète.

Depuis 2013, le site de l’abbaye de Grandmont à Saint-Sylvestre en Haute-Vienne fait l’objet de fouilles, menées par une équipe pluridisciplinaire sous la direction du professeur Philippe Racinet. Avant ce chantier archéologique, nul vestige ne témoignait de la grandeur passée de ce lieu prestigieux et emblématique du Limousin, qui fut à la tête d’un important réseau de dépendances au Moyen Âge.

Cet important programme de recherche qui rassemble des archéologues, des spécialistes ainsi que des étudiants, a pour objectif de mieux connaître l’organisation spatiale de l’abbaye, son environnement et la vie de ses occupants. Il s’agit de mener une étude globale tant dans l’approche méthodologique (l’archéologie de terrain, l’archéométrie, l’archéologie monumentale, l’archéologie extensive, l’histoire …) que dans l’appréhension d’un site patrimonial (le monastère, le village, le substrat, l’environnement…). Ces diverses opérations annuelles sont effectuées sous le contrôle du Service régional d’archéologie de Nouvelle-Aquitaine, avec les soutiens de la Société des amis de Saint-Sylvestre et de l’abbaye de Grandmont (SASSAG), propriétaire des lieux, et du Groupe d’Études et de Recherches sur les Grandmontains (GEREG).

Le sondage de 2013 et les diverses campagnes de fouille qui ont suivi, ont prouvé le potentiel du site grâce aux structures importantes très bien conservées. Les opérations archéologiques ont dévoilé qu’à l’époque moderne, le complexe monastique comprenait une église et un bâtiment abbatial équipé de plusieurs caves. Sous ces édifices sont apparus des remblais d’exhaussement en liaison avec les reconstructions au milieu du XVIIIe siècle. Ces niveaux ont préservé l’essentiel des vestiges médiévaux. L’église du XIIe siècle et son cloître sont apparus, ainsi que le cimetière des moines situé à l’arrière du chevet. Ce dernier a livré une cinquantaine de sépultures datées des XIIe et XIIIe siècles. Ces découvertes vont permettre de connaître les pratiques funéraires des Grandmontains.

 L’analyse archéologique du bâti souligne le caractère monumental des fameuses terrasses de l’abbaye. La mise en place d’un ouvrage de cette taille reflète à la fois l’art de paraître, les moyens financiers pour le faire et des soucis de mise en défense du monastère. L’étude architecturale consiste à évaluer l’importance des travaux de militarisation du site, notamment durant les guerres de Religion.

Relevé d’un mur de terrasse (cliché S. Charrier )

 Parallèlement à la fouille du site, des approches auxiliaires (prospection géophysique, application d’un SIG, imagerie LiDAR et relevés) ont été menées pour comprendre l’exploitation du territoire et l’impact des moines sur leur environnement.

Les sépultures, dont certaines sont couvertes d’une dalle tumulaire, ont livré de belles pièces. La découverte d’une bulle en plomb du pape Clément VII, pape d’Avignon de 1378 à 1394, située sur le haut du thorax d’un individu dénote le caractère privilégié du lieu. À cela, s’ajoute une trentaine de fioles en plomb avec une croix gravée, retrouvées dans les tombes du cimetière du XIIe siècle.

Par ailleurs, des objets intéressants viennent compléter la collection, comme un couvercle d’encensoir ou encore une petite statue de saint en calcaire avec des traces de polychromie. En outre, la présence de céramiques alto-médiévales (VIIIe-IXe siècles) témoignent d’une activité humaine sur le site avant l’arrivée des moines.

Localisé à 7 km en amont d’Abbeville, ce château est situé à l’extrémité méridionale du village d’Eaucourt-sur-Somme, sur la rive droite de l’artère fluviale. Installé en fond de vallée, il bénéficie d’une protection naturelle apportée par la zone marécageuse environnante et par le détournement de la Somme. Implanté dans le comté de Ponthieu, ce bel exemple de maison forte semble avoir été construit au XIIIe siècle sous Philippe Auguste. Son édification sur un point de franchissement du Fleuve permettait à cette place forte de sécuriser la vallée et de contrôler le commerce fluvial de la Somme. Son évolution est étroitement liée au développement de la ville portuaire d’accession médiévale, qui n’est autre qu’Abbeville.

Désirant assurer la préservation de leur patrimoine et renforcer l’attractivité du site en créant un espace culturel de qualité, la municipalité (propriétaire) et l’association ARChE (œuvrant à l’animation du lieu) ont sollicité l’UPJV pour mener une étude approfondie de ces vestiges.

 Ce projet est aussi encouragé par une action du Conseil départemental de la Somme en 2014, avec l’intégration du château d’Eaucourt dans le réseau des sites exceptionnels de la « Vallée de la Somme ». Sous l’égide de l’État (Ministère de la Culture, service régional de l’archéologie Hauts-de-France et conservation régionale des monuments historiques) et le soutien du Conseil régional de Picardie, un programme de recherche est lancé en 2015 dans le cadre d’un projet structurant ArchéoMedPic, porté par le laboratoire TRAME EA 4284. Placée sous la direction de l’ingénieur d’étude Sandrine Mouny, cette étude à la fois archéologique, historique et architecturale a pour but d’apporter de nouvelles connaissances sur la configuration spatiale de cette maison forte, sur son évolution architecturale (militaire et civile) et sur le mode de vie de ses occupants. Outre les enjeux scientifiques, certes primordiaux, d’autres approches sont développées autour d’un double intérêt, pédagogique et culturel, qui sont les vecteurs d’un dynamisme promotionnel.

Vue panoramique du châtelet d’entrée (cliché A. Bron)

 Des lithographies et des sources littéraires d’érudits locaux nous livrent des représentations et des descriptions du site tel qu’il était à la fin du XVIIIe siècle.

 Dans les sources écrites, cette « domus castri » se révèle être au Moyen Âge un chef-lieu d’un domaine rural assez modeste, partageant le terroir avec de puissantes seigneuries, ecclésiastique (l’abbaye cistercienne d’Épagne) et laïques (forteresse de Pont-Rémy et de Mareuil). Détenu par une aristocratie chevaleresque, ce château a sans cesse changé de mains. Initialement propriété de familles régionales (de Roye, puis de Châtillon), le site est occupé pendant la guerre de Cent Ans par les Anglo-Bourguignons, puis repris de multiples fois par des seigneurs locaux. Après cette période tumultueuse, la forteresse connaît quelques moments de répit avant de subir des péripéties pendant les guerres de Religion (1562-1598) et jusqu’à la Ligue, où ce lieu est alors transformé en un arsenal servant à loger des soldats.

Vue du pont du village d’Eaucourt-sur-Somme et ruines du Château (1795), M. de Saint-Amand, BM d’Abbeville, C37, M17

Par la suite, cette propriété est tenue jusqu’au XVIIIe siècle par une succession de notables, qui a défaut d’y résider, doivent entretenir le gros œuvre des bâtiments. En 1777, le château est vendu à la famille de Tillette, mais le site est délaissé. Dans ses derniers temps d’occupation, il avait été transformé en ferme. Après la Révolution, cet endroit est démantelé et exploité comme carrière.

Actuellement, le site se compose d’une plateforme sur laquelle demeurent quelques vestiges d’enceintes dans la partie sud-est et les ruines du châtelet d’entrée. Placée en avant-garde, cette porte fortifiée est constituée de deux tours circulaires en façade. Celle de gauche est démolie au-dessus du rez-de-chaussée et celle de droite est conservée sur une moitié de sa circonférence. Entre les deux tours, un pont-levis qui prolonge un pont dormant permet de franchir le fossé et d’accéder à un vestibule de garde carré et voûté d’une croisée d’ogives. Cette pièce possède dans l’angle droit une porte donnant sur les vestiges d’une tour de guet pourvue d’un escalier en vis.

Plan topographique archéologique du château d’Eaucourt-sur-Somme (DAO P. Augé et S. Mouny)

Les premières investigations archéologiques débutent en 2015. D’abord, un important travail de relevé microtopographique a été entrepris sur les « Aires du château ». Les traces matérielles relevées montrent que ce lieu dispose de tous les éléments constitutifs d’une résidence gothique dans la mouvance des constructions philippiennes. On discerne nettement une terrasse de plan rectangulaire, de 50 sur 65 m. Moyennement surélevée, cette plateforme est surmontée par une enceinte en pierre, en partie conservée au sud-est. L’ensemble est fossoyé par des douves en eau alimentées par un canal relié à la Somme. La haute-cour dispose d’un châtelet d’entrée placé en avant-garde. Des descriptions d’érudits locaux du XIXe siècle indiquent également que cette forteresse est flanquée de tours d’angle. La mise en évidence d’une proéminence sur le flanc oriental, le long de la courtine a conduit à effectuer des sondages à cet endroit.

La zone de fouille (cl. S. Charrier)

 Ayant montré le potentiel du site, le sondage de 2015 a été suivi de plusieurs campagnes de fouilles de 2016 à 2019.

 Ces opérations de terrain ont permis de mettre au jour trois corps de bâtiments accolés et desservis par deux élégantes tours d’escalier d’angle, édifiées en saillie. À l’époque moderne, cette résidence, tout en conservant l’aspect d’un château féodal avec son fossé et son châtelet, prend la forme à la fois d’une demeure de courtoisie, et en cas de conflit, d’une forteresse. Les différentes pièces qui se succèdent sont pourvues d’équipements de confort (puits, cheminée, latrines…). Leur intérieur se compose de niveaux de sols. L’une des découvertes majeures du site est la mise au jour de deux salles de 60 m2 recouvertes de pavages constitués de carreaux de terre cuite vernissée, datés l’un de la fin du XIIIe siècle et l’autre du XIVe siècle. Les niveaux d’occupation liés au premier château ont également été atteints.

Les diverses opérations archéologiques ont révélé l’importance des structures enfouies. Souhaitant valoriser les travaux universitaires en incluant la dimension patrimoniale, la municipalité va mettre en œuvre des actions de préservation et de protection pérennes des vestiges.

Latrines disposant d’un siège en grès équipant la salle basse de la tour droite du châtelet (cliché S. Mouny)
  • 450 m2 de surface fouillée en aire ouverte
  • 132 jours de fouille depuis 2015
  • 50 fouilleurs bénévoles sur les 5 années de fouille
  • 5 résidences successives sur le rebord oriental
  • 148 kg de céramique (lèchefrite, pichet, flacon…)
  • 80 kg de restes alimentaires (ossements d’animaux)
  • 944 pavés de terre cuite vernissés en place
  • 107 objets métalliques (éperon, clé, dé, épingle…)
  • 3 ampoules de pèlerinage
  • 1 dé en os

 La majorité des découvertes montrent l’existence d’une succession de bâtiments résidentiels nobles et de qualité. Ces vestiges reflètent un symbole de pouvoir et de privilège d’un certain milieu social. Certains objets de la vie quotidienne (lèchefrite, luminaire, accessoire vestimentaire) et d’autres plus exceptionnels, comme des ampoules de pèlerinage, laissent transparaître le caractère aisé des occupants.

Divers récipients en céramique (pichet, gourde, écuelle, lèchefrite (cliché S. Mouny)
Divers récipients en céramique (pichet, gourde, écuelle, lèchefrite (cliché S. Mouny)

 Le symbolisme s’exprime aussi à travers les éléments de défense conservés (châtelet, enceinte, fossé) et les matériaux de construction. Le type d’appareillage des soubassements (externe et interne), constitué de moellons en grès et de blocs en silex taillés, placés en damier, est une volonté manifeste d’ornementation. Les murs arborent ensuite des assises de parements calcaires, parfois sculptés et recouverts d’un enduit peint, et enfin l’élévation est faite en brique. L’ensemble affiche alors un effet de polychromie. Par ailleurs, les carreaux de terre cuite monochromes ou bicolores, recouvrant les sols, montrent aussi un désir ostentatoire. La qualité de la construction révèle l’importance des lieux.

 Le site du château d’Eaucourt-sur-Somme est un chantier-école ouvert à tous les volontaires. Les participants sont principalement des étudiants, auxquels s’ajoutent des passionnés initiés ou novices. La fouille accueille également de jeunes bénévoles, souhaitant découvrir les facettes du métier. Tous sont formés aux techniques de la fouille et à la collecte de la documentation (relevé, prélèvement…). Encadrés par des personnes expérimentées, ils apprennent les gestes de base et les méthodes d’enregistrement. Certains s’impliquent aussi dans le travail de post-fouille (D.A.O., inventaire, traitement du mobilier…).

 L’une des caractéristiques originales de ce chantier est son ouverture quotidienne au grand public. Outre la valorisation du patrimoine par la découverte de nouveaux vestiges, la fouille constitue une animation scientifique, qui renforce l’attractivité du site. Des visites sont organisées pour les nombreux touristes et locaux, toujours avides d’en connaître un peu plus sur ce château. Certains d’autres eux reviennent même chaque été pour constater l’avancement des travaux de recherche.

L’Université de Picardie Jules Verne a été agréée entre 2011 et 2015 par le ministère de la culture et de la communication pour mener des fouilles archéologiques préventives. Le service de l’Université de Picardie Jules Verne a été l’opérateur sur trois sites d’envergure. En parallèle, le service a réalisé des suivis de travaux, de nombreux relevés topographiques et différentes études en particulier des études documentaires, du bâti, du mobilier céramique et de mise en valeur. Aujourd’hui, c’est la plateforme Humanités Numériques qui poursuit les études et la mise en valeur du patrimoine, en particulier du patrimoine historique et archéologique. Le plateau est situé au pôle citadelle de l’Université.

Au préalable à la construction d’un lotissement, une fouille préventive a été réalisée à proximité du centre du village. Plusieurs niveaux d’occupations, allant du haut Moyen Âge jusqu’à l’époque moderne, ont été mis au jour.

La première occupation mise en évidence correspond à un espace très important à vocation agricole et artisanale (IXe-XIe siècle). Le XIIe siècle est marqué par un changement d’organisation : c’est à cette période qu’une enceinte maçonnée est construite. Peu de temps après, une plateforme est aménagée. Ce vaste espace, en lien avec le château à motte occupé par les seigneurs de Démuin, correspond à la basse-cour. Au cours du XIVe siècle, la basse-cour est incendiée et une nouvelle résidence fortifiée est aménagée, entre la fin du XIVe et le début du XVe siècle. En lien avec ces occupations, le mobilier archéologique mis au jour est abondant, varié et en bon état de conservation.

 À l’occasion d’une restauration de l’église Saint-Martin de Croix et de la pose d’un chauffage au sol, une grande partie de l’intérieur de l’église a été fouillée.

La fouille a permis l’observation de quatre églises successives : un édifice médiéval (XVe-XVIIIe siècles) puis trois édifices au XIXe siècle. L’agrandissement de ces églises gagnait au fur et à mesure sur l’espace funéraire. De nombreuses sépultures, appartenant au cimetière paroissial, ont été mises au jour (fin XIVe-début XIXe siècle). L’étude funéraire a porté sur 87 tombes primaires, 17 réductions et un ossuaire.

Croix fouille d'une sépulture cl. P. Augé 2013
Église de Croix fouille d’une sépulture cl. P. Augé 2013

Dans le cadre d’un projet immobilier, une fouille a été menée sur une partie de l’ancienne caserne Gouraud, non loin de l’abbatiale Saint-Jean-des-Vignes.

Sur ce terrain militaire, il s’agissait d’explorer les éléments défensifs, notamment une partie de l’ouvrage à cornes (XIXe siècle) et les niveaux d’occupations contemporaines. Ces derniers sont constitués des bâtiments de la caserne, aménagés pendant la Grande Guerre, et d’une tranchée militaire.

Le mobilier mis au jour est surtout constitué d’objets du quotidien : de la vaisselle (verre à pied, gobelet, assiette…), des encriers, des foyers de pipe, des petits objets d’hygiène (bouteilles de parfums), datés essentiellement de la fin du XIXe-début XXe siècle.

La plateforme Humanités numériques de l’UPJV a collaboré a de nombreux projets relatifs à la valorisation du patrimoine. Dans ce cadre, elle est partenaire d’unités de recherche, répond à des appels à projets et réalise des prestations.

Ces compétences sont également appliquées dans les actions pédagogiques, notamment dans des ateliers menés avec une classe du collège Victor Hugo de Ham. Le but est de faire découvrir la recherche aux élèves, de les intéresser au patrimoine de leur ville et de les initier aux techniques et méthodes de relevés.

Restitution 3D de Cherbourg avant 1688
Restitution 3D de Cherbourg avant 1688 (Biplan 2011)

À la demande d’entreprises (Biplan et 44screens), des recherches historiques ont été menées afin de reconstituer virtuellement des monuments disparus.

À Cherbourg (Manche), c’est le château, les fortifications urbaines et le bourg qui ont été recréés en 3D. À Mortain (Manche), l’ancien château a été reconstitué. À partir des sources disponibles, à la fois manuscrites (lettres, devis, mémoires), iconographiques (plans, dessins) et archéologiques (fouilles, relevés), des propositions ont été formulées pour reconstituer ces deux monuments tels qu’ils pouvaient être avant leur destruction.

Au château de Beaugency (Loiret), les recherches ont porté sur la reconstitution de deux scènes de vie : un banquet médiéval et un dortoir. Ces études s’intègrent dans des démarches de mises en valeur numérique des monuments. Des applications permettent aux visiteurs de redécouvrir virtuellement un patrimoine disparu.


Plougonvelin, abbaye de Saint-Mathieu cl.  P. Augé 2019
Plougonvelin, abbaye de Saint-Mathieu cl. P. Augé 2019

Pour le compte du service des Monuments Historiques (DRAC Bretagne) et en partenariat avec l’université de Bretagne, le plateau a réalisé un relevé photogrammétrique des murs de l’ancienne abbaye Saint-Mathieu de Fine-Terre (Plougonvelin, Finistère).

L’intérêt de cette méthode est d’avoir une image très précise et à l’échelle de l’élévation des ruines. À partir de ces relevés, il est possible de déterminer les différentes phases de construction du bâtiment et d’en retracer la chronologie.

Dans le cadre du projet « Applications et dispositifs numériques innovants 2019 » (DRAC Hauts-de-France), le plateau Exploration et valorisation du patrimoine culturel et la structure fédérative de recherche « Numérique et Patrimoine » s’associent pour réaliser une visite virtuelle de la crypte médiévale de Ham (Somme).

Amiens cathédral portail sud cl. L. Degroisilles 2017
Portail sud de la cathédrale Notre-Dame d’Amiens (cl. L. Degroisilles, 2017)

L’étude du transept sud de la cathédrale Notre-Dame d’Amiens a débuté en 2016, grâce au soutien de la région Hauts-de-France et de l’Europe.

La confrontation inédite entre les sources historiques, l’étude du bâti et les images virtuelles obtenues par scanner permet de renouveler les connaissances sur cette partie du monument, affiner sa chronologie et mettre en évidence les moyens mis en œuvre par les bâtisseurs du Moyen Âge face aux contraintes techniques d’un bâtiment de cette ampleur.

Classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, la cathédrale d’Amiens est le plus grand édifice religieux jamais bâti en Europe au Moyen Âge.

Le bras sud du transept est une partie complexe de la cathédrale. Les technologies de pointe permettent aujourd’hui une approche inédite du bâtiment et ouvrent de nouvelles réflexions sur sa construction.

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Façade du portail sud de la cathédrale Notre-Dame d’Amiens – extrait du modèle numérique réalisé par le laboratoire MIS de l’UPJV en 2019

Pour l’étude du transept, les techniques de relevés sont adaptées en fonction de l’accessibilité des zones : photogrammétrie, lasergrammétrie ou encore relevé pierre à pierre. L’association de ces différentes méthodes permet de couvrir l’ensemble de l’édifice et d’en obtenir une image très précise, au centimètre près.

La modélisation du transept, réalisée par le laboratoire de Modélisation, Information et Systèmes (UPJV), a permis de mettre en évidence des déformations parfois imperceptibles à l’œil nu. Ces anomalies résultent soit de contraintes techniques, soit d’un phasage complexe de l’édifice. Les historiens de l’art et les archéologues du bâti, par le biais à la fois d’une enquête de terrain et d’une recherche approfondie dans les sources historiques, doivent éclaircir la chronologie de la construction et expliquer les irrégularités observées.

Escalier en vis du transept sud de la cathédrale Notre-Dame d’Amiens qui permet, entre autres, l’accès au triforium (cl. L. Degroisilles, 2018)

Outre sa contribution à l’amélioration des connaissances sur un monument emblématique de l’architecture gothique et au perfectionnement des outils de conception des maquettes numériques, ce projet s’inscrit dans une démarche de préservation, de protection et de valorisation touristique de l’édifice. Les données collectées, dans le cadre de ce projet, pourront orienter les techniques de restauration mises en œuvre dans le futur.

Le projet « TRANSEPT » est porté par Étienne Hamon (Université de Lille) et El Mustapha Mouaddib (Université de Picardie Jules Verne) et réunit plusieurs partenaires au sein de l’Université de Picardie Jules Verne (les équipes de recherche TrAme et MIS ; PHN), ainsi que l’Université de Bretagne occidentale, le service patrimoine d’Amiens Métropole et l’architecte en chef des Monuments Historiques.

Au sein de l’UFR d’Histoire et de Géographie, des enseignants-chercheurs en archéologie, ont permis à l’Université de Picardie Jules Verne de collaborer à des missions archéologiques à l’étranger.
Au travers des interventions internationales, outre la mise en place de chantiers-écoles transnationaux, il s’agissait d’appliquer l’une des problématiques du centre de recherche TrAme EA 4284 (« espaces et pouvoirs ») et d’apporter une méthodologie adaptée dans la sphère méditerranéenne.

Dans le cadre d’un jumelage de collectivités territoriales entre le Département de l’Oise et la Province de Raguse, l’Université de Picardie Jules Verne a été choisie pour mettre en place un programme de recherches autour du site de Terravecchia. Positionné sur un éperon volcanique, cet ancien complexe castral associé à un important bourg a été détruit par un tremblement de terre en 1693.

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Fouille d’un secteur sur l’ancienne ville de Terravecchia (cl. Fr. Blary) 2011


Sous les directions du professeur Philippe Racinet et de l’archéologue départemental Georges-Pierre Woimant (†), douze campagnes annuelles ont été menées avec une équipe mixte de spécialistes et d’étudiants. Le site présente trois atouts : une fossilisation depuis la fin du XVIIe siècle après son abandon, un potentiel archéologique diversifié (édifices et habitats castraux, religieux et civils) et des sources historiques abondantes. Le relevé topographique complet du site d’une vingtaine d’hectares et des sondages ciblés, ainsi que des recherches documentaires, ont permis d’éclairer les origines de cette ville à vocation agricole, d’identifier son organisation spatiale et d’appréhender la culture matérielle du site.

 Sur un éperon rocheux qui domine le cœur du désert du Sinaï, la forteresse de Sadr constitue un témoin archéologique unique laissé au Proche-Orient par le célèbre sultan Saladin (1171-1193). Le site a été découvert au début du XXe s. par un ingénieur français, Jules Barthoux.

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Vestiges d’habitats, forteresse de Sadr en Egypte (cl. Ph. Racinet)

En 2001, un chantier de fouille est lancé sous la direction de Jean-Michel Mouton, associant l’Institut Français d’Archéologie Orientale (IFAO) et le laboratoire d’archéologie de l’UPJV (dirigé par Philippe Racinet). Les membres de la mission (une dizaine d’archéologues accompagnés d’une vingtaine de fouilleurs égyptiens) ont étudié ce lieu fortifié musulman construit dans le contexte des Croisades. Le mobilier archéologique mis au jour (papier, tissu, bois, graine, céramique, os, verre) est dans un état de conservation exceptionnel. La fouille de structures remarquables, comme l’enceinte, les mosquées, les unités d’habitat et la résidence du gouverneur avec son hammâm, a permis de mieux comprendre les conditions de vie de la garnison, l’organisation de la défense, la gestion de l’eau dans ce milieu aride, ainsi que la dimension religieuse fortement présente.

La mission archéologique française en Lybie, initiée par André Laronde (†) en coopération avec le département des antiquités de Tripoli et le bureau de Sultan, a ouvert un nouveau chantier sur le site de Surt, situé au nord de la Lybie en bordure du Golfe de Syrte.

L’étude de ce site pionnier de l’archéologie libyenne, dont des fouilles avaient déjà eu lieu de 1963 à 2004, est reprise par une équipe française, dirigée par Jean-Michel Mouton et Philippe Racinet. Même si des monuments majeurs (grande mosquée, forts, portes et enceinte) avaient été mis au jour, une étude globale de la cité médiévale devait être entreprise. La prospection terrestre et géophysique, la reprise de secteurs de fouilles et les études archéométriques (céramique et faune), ont révélé les spécificités architecturales, sociales et matérielles de cette ville.

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Vue de la grande mosquée de l’ancienne ville de Surt en Libye (cl. Y. Montmessin)

Situé sur la côte nord de la Crète, le site de la période minoenne (âge du Bronze) de Malia, est exploré par différentes équipes, sous l’égide de l’École française d’Athènes depuis 1917. Sous l’encadrement de la directrice, Maia Pomadère (alors maître de conférences à l’UPJV), des étudiants ont pu participer à plusieurs campagnes de fouilles menées sur le secteur Pi.

La découverte d’un grand édifice a renouvelé les connaissances sur les techniques et les mutations de divers aspects de la culture matérielle (céramique, architecture, outils et vases en pierre etc.) et des pratiques alimentaires ou agricoles, grâce aux études pluridisciplinaires réalisées (archéozoologie, archéobotanique, micromorphologie, tracéologie etc.).

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Vue aérienne du secteur de fouille PI du site de Malia, en 2010 (cl. C. Gaston)
Carte de localisation du site d'Halaesa en Sicile, Italie.
Carte de localisation du site d’Halaesa en Sicile, Italie.

 La Mission Archéologique Française d’Halaesa (MAFHA), dirigée par Michela Costanzi (Maître de Conférences en Histoire et archéologie grecques à l’UPJV), travaille depuis 2016 sur la cité antique d’Halaesa (l’actuelle Tusa), dans le cadre d’une convention avec les institutions archéologiques et culturelles italiennes (Assessorato dei Beni Culturali e dell’Identità Siciliana, le Parc Archéologique de Tyndaris, la Surintendance des Biens Culturels de Messine) et la Mairie de Tusa, sous l’égide de l’Association Loi 1901 Antiquités Siciliennes, en partenariat avec l’Inrap.

La MAFHA se compose de spécialistes de différentes institutions françaises et d’étudiants de plusieurs universités françaises. Elle collabore aussi avec des spécialistes et des étudiants des universités siciliennes de Palerme, Messine et Catane et de l’université d’Oxford présentes sur le site, sur le Sanctuaire d’Apollon et sur la nécropole nord. La Mission a pour objectif la fouille, l’étude et la mise en valeur de trois secteurs de la cité antique d’Halaesa : la zone de l’acropole sud, la zone au sud de l’agora/forum, et la zone sous le mur à contreforts (le théâtre).

La cité antique d’Halaesa fut fondée vers la fin du Ve s. av. J.-C. par Archonidès d’Herbita (en 403 av. J.-C. selon Diodore), un tyran sicule de l’arrière-pays, qui s’installe sur ce promontoire dominant d’un côté la mer Tyrrhénienne, de l’autre la vallée d’un fleuve qui permettait la communication avec les territoires fertiles du centre de la Sicile.

Elle était idéalement située, tant pour assurer sa défense, que pour acheminer les riches productions de blé sicilien en Méditerranée, vers Rome. La cité prend de l’importance à partir du IIIe s. av. J.-C., quand elle participe aux guerres puniques à côté de Rome. Elle devient dès lors l’une des cinq civitates immunes atque liberae de la Sicile. Le IIe s. av. J.-C. est son siècle d’or ; par la suite, elle perdra de l’importance mais continuera d’exister pendant toute la période de la fin de l’Antiquité. Aux VIe-VIIe s. ap. J.-C., elle devient un siège épiscopal, mais est finalement abandonnée au IXe s., à la suite de l’occupation arabe de l’île.

 Des fouilles avaient été entreprises dès les années 1950, puis, plus récemment de 1998 à 2004, par des équipes italiennes ; concentrées sur l’agora/forum et sur l’acropole nord. La MAFHA a commencé ses propres fouilles en 2016, en ayant recours aux méthodes les plus actuelles : prospection géophysique (prospection magnétique, tomographie électrique), photographie avec drone et caméra thermique, LiDAR, suivant en cela une approche scientifique des plus rigoureuses.

Plan général du site 2019 (MAFHA)
Plan général du site 2019 (MAFHA)

La cité antique d’Halaesa est dominée par un vaste plateau de 4700 m² nommé « acropole sud ». Au nord, placée au-dessus du mur à contreforts et face à la colline du sanctuaire dit « d’Apollon », cette acropole s’ouvre vers la mer et les îles Éoliennes. Même si cette zone n’avait jamais fait l’objet de prospections et d’études, on pouvait déduire qu’elle avait été occupée depuis l’Antiquité en raison de son aspect écrêté. Celui-ci est dû à l’action de l’homme, comme le montrent clairement les images LiDAR, afin de créer un espace plus large pour l’aménagement urbain. Les fouilles se sont concentrées sur trois zones : celles de l’édifice central, de la citerne de la pointe nord, et du bâtiment quadrangulaire au sud.

Les fouilles entreprises depuis 2017 dans la partie centrale de l’acropole, ont mis en évidence un édifice de 12m de longueur nord-sud et de 8m de largeur est-ouest. Il comporte 3 espaces internes : un espace central et deux pièces latérales. Ces trois pièces s’ouvrent vers l’ouest sur une voie qui devait parcourir l’acropole dans le sens nord-sud. Sur le côté est, elles donnent sur un couloir ou un portique, dont la fonction est à ce jour encore inconnue.

Cet édifice devait avoir deux niveaux : on a retrouvé les blocs en mortier de tuileaux du sol de l’étage effondré, sur le rez-de-chaussée, ainsi que les briques des murs et les tuiles du toit qui recouvrait l’édifice. Cet effondrement est intervenu après une phase d’abandon et de dégradation. Après la destruction progressive des structures, les blocs de pierre ont été remployés, probablement pour construire l’édifice quadrangulaire se trouvant non loin du bâtiment central. À cet endroit désormais abandonné à la fin de l’Antiquité, des tombes ont été implantées au sein même des murs clairsemés. Certaines sont des tombes à ciste (des sépultures individuelles constituées d’un caisson ou d’un coffre). D’autres tombes sont des enchytrismoi (des sépultures dans des vases ou des morceaux de tuyauterie d’aqueduc). Les caractéristiques formelles de ces tombes dépourvues de mobilier suggèrent qu’il s’agit de sépultures d’enfants, datant des VIe-VIIe s. ap. J. -C.

Un important mobilier a été découvert dans la partie ouest de l’édifice. Celui-ci est constitué de statuettes féminines fragmentées, de restes de petites têtes et de lampes à huile dont certaines sont encore intactes. Cette zone devait avoir une fonction résidentielle et/ou sacrée.

L’édifice quadrangulaire se situe au sud-est de l’édifice central. Cette structure présente quatre murs dont trois à double parement, c’est-à-dire avec deux rangées de blocs de pierres. On ne possède encore aucune information sûre quant à la fonction et la datation du bâtiment, qui semble construit avec des pierres de remploi de l’édifice central.

Sur la pointe nord, on a retrouvé une citerne qui a été entièrement fouillée : elle est de forme cylindrique, mesurant environ 2 m de haut, dans laquelle ont été mis au jour de la céramique, du verre, des briques, des tuiles ou encore une monnaie attribuée aux Mamertins, peuple originaire du sud de l’Italie ayant exercé un contrôle sur le territoire dans la première moitié du IIIe siècle av. J.-C. La présence de cette citerne indique que même cette partie de l’acropole méridionale devait être aménagée.

L’agora grecque, comme le forum romain, est la place publique principale, entourée de bâtiments à vocation religieuse et politique. Lieu de rassemblements populaires, les assemblées et marchés s’y déroulent également. À Halaesa, l’agora/forum est constituée d’une place haute et potentiellement d’une place basse, reliées entre elles par des marches. La place haute est entourée au nord par un mur de pierre richement orné, composé de niches dédiées au culte, et d’un imposant portique en forme de π.

Escalier de la terrasse basse (MAFHA 2019)
Escalier de la terrasse basse (MAFHA 2019)

L’état visible correspond au forum romain, datant de la période comprise entre le Ier s. av. J.-C. et le IIe s. apr. J.-C. À partir de l’époque byzantine, il perd sa fonction de cœur vif de la cité et devient une nécropole attestée au VIe s. apr. J-C.

L’emplacement du forum avait été découvert dans les années 1970. Aujourd’hui, les fouilles de la MAFHA se sont concentrées sur le secteur au sud du forum pour essayer de comprendre l’organisation et l’évolution du quartier.

 En 2018, les fouilles de la zone ont permis de découvrir plusieurs murs formant des petites pièces, tous alignés avec l’agora/forum.

Si les assises supérieures des murs n’existent plus dans la zone, c’est à cause de l’exploitation agricole aux époques médiévale et moderne. Cette raison est aussi invoquée pour justifier les conditions difficiles de fouille.

 Les fouilles ont permis de mettre au jour un abondant mobilier céramique de 2 447 tessons, dont 232 vases identifiables. Il se compose de céramiques hellénistiques à vernis noir, de céramiques italiques et de lampes. Ces découvertes permettent d’établir une première phase d’occupation, qui s’étendrait du IIe s. av. J.-C. au Ier s. apr. J.-C.

La présence d’autres types de céramiques, de cuisine africaine notamment, nous incite à penser que le secteur fut fréquenté jusqu’au Ve s. apr. J.-C.

Reconstitution d’une maison à terrasses à Solonte qui devait ressembler à celles d’Halaesa (M. Milone, La casa del ginnasio, p. 57)
Reconstitution d’une maison à terrasses à Solonte qui devait ressembler à celles d’Halaesa (M. Milone, La casa del ginnasio, p. 57.)

Les découvertes actuelles permettent d’émettre l’hypothèse qu’il s’agissait d’une zone résidentielle constituée de maisons construites sur des terrasses. Nous pouvons imaginer qu’elles étaient agencées similairement à celles de Solonte, un site voisin, pour lequel des reconstitutions ont été réalisées.

 Les fouilles de 2019 confirment l’organisation de ces bâtiments en trois terrasses. Sur la terrasse intermédiaire, une citerne a été retrouvée. Sur la terrasse la plus basse, un petit escalier de terre cuite a été découvert. Plusieurs réemplois à l’époque romaine, ont d’abord rendu difficile l’identification fonctionnelle des petites pièces délimitées. À ce jour, l’hypothèse d’une zone résidentielle prévaut.

Vue des terrasses sur lesquelles se disposaient les étages des maisons dans
l’ Antiquité (MAFHA 2019)
Vue des terrasses sur lesquelles se disposaient les étages des maisons dans l’Antiquité (MAFHA 2019)
Citerne de la terrasse
intermédiaire (MAFHA 2019)
Citerne de la terrasse intermédiaire (MAFHA 2019)
Plan du théâtre d'Halaesa (MAFHA 2019)
Plan du théâtre d’Halaesa (MAFHA 2019)

La zone sous le mur à contreforts se présente sous la forme d’un vaste hémicycle, ouvrant vers la mer et les îles Éoliennes. Cette forme ainsi que la présence du mur à contreforts et d’autres éléments, comme l’acoustique naturelle et les conditions de luminosité de la zone, laissaient supposer l’existence d’un théâtre. Il s’agit d’un espace qui révèle l’importance politique et culturelle d’une cité, composé de différentes parties : la cavea (gradins), l’orchestra ainsi que la skéné (scène), et la parados (entrée des artistes).

 En 2016, afin de confirmer la présence du théâtre, des prospections aériennes (LiDAR et thermique) et géomagnétiques (prospection électrique) ont été réalisées qui ont amené à l’ouverture de plusieurs sondages.

En 2017, la création d’une tranchée d’exploration de 50 m de long a permis de confirmer définitivement la présence des gradins de la cavea, ainsi que de la scène du théâtre (orchestra). L’édifice était recouvert par un remblai de deux à six mètres, résultant de l’éboulement naturel de la colline ainsi que d’une fouille des années 1950 sur la zone supérieure.

Le mur à contreforts, longtemps considéré comme un maintien pour une voie sacrée qui menait au sanctuaire d’Apollon, se révèle être une structure soutenant la colline du théâtre tout en le mettant en valeur et créant un espace plat pour les édifices qui se trouvaient au-dessus.

 Les fouilles ont d’abord mis au jour les gradins taillés dans la roche naturelle. La tranchée d’exploration a mis en évidence des sièges en calcarénite, importée d’une autre région, placés directement sur les gradins. Chaque siège comporte sur sa partie supérieure une assise, une partie concave qui servait au passage des spectateurs et une dernière partie rehaussée, sur laquelle les spectateurs du rang supérieur posaient leurs pieds. C’est une forme de siège caractérisée d’une façade concave que l’on retrouve dans 4 autres théâtres du nord de la Sicile.

Un dallage monumental forme l’orchestra d’environ 20 mètres de diamètre, fermée, vers l’est, par le mur de la scène (proskénion). Dans cette zone, on a également retrouvé des éléments des décors tels que des blocs de l’architrave et des corniches sculptées de la scène.

Vue aérienne de la cavea (MAFHA 2019)
Vue aérienne de la cavea (MAFHA 2019)

 En 2018, des éléments du mur qui contenait la cavea vers le sud avaient été mis en lumière. En2019, les fouilles ont permis la découverte de l’angle entre le mur de la cavea et celui de la parodos. Ces murs sont composés de blocs de calcarénite, sculptés en grand appareil. Ceux-ci présentent des agrafes métalliques qui ne se jointent pas, ce qui montre que ces blocs ne sont pas à leur place originelle, mais remployés.

Bien que les fouilles soient encore en cours, on peut déjà voir des similitudes architecturales avec d’autres théâtres siciliens, tel que celui de Tyndaris qui possède le même type de siège.

Cette caractéristique est visible d’ailleurs dans les autres théâtres du nord de la Sicile. Un comparatif peut être établi également avec le théâtre de Pergame, en Asie Mineure (Turquie), surplombé lui aussi d’un mur à contreforts.

Article Un site archéologique qui commence à livrer ses secrets (auteur Michela Costanzi), Archéologia n° 573 de février 2019

Article Le Figaro, Un théâtre antique d’exception découvert en Sicile, par  Jean Chichizola publié le 3 janvier 2019

Le site archéologique de Castrum Novum (Rome, Italie) a fait l’objet d’un film-documentaire, associé et tourné en 2016 par Gauthier Manot et Nicolas Poiret (étudiants du département des Arts du Spectacle de l’UFR des Arts), sous la direction de Laurent Lapo, Sara Nardi Combescure et Grégoire Poccardi. La mission archéologique de Castrum Novum a été créée en 2010, afin d’étudier l’histoire et la topographie d’une colonie romaine, dont la fondation remonte au IIIe siècle av. J.-C.

L’habitat est localisé le long de la via Aurelia, dans le territoire de l’ancienne cité étrusque de Caere (Cerveteri) et celui de la ville actuelle de Santa Marinella, à environ 40 km au nord de Rome.

 Les premières fouilles du site de Castrum Novum ont été menées entre 1770 et 1776. Elles furent organisées par le Pape Pie VI et la Reveranda Camera Apostolica et guidées par la volonté de promouvoir les sciences archéologiques.

Nous disposons d’une série de textes qui font état des résultats des recherches et qui contiennent les descriptions des objets découverts. Pour autant, aucune rigueur scientifique ne fut appliquée aux recherches ayant été entreprises dans l’optique d’enrichir les collections du Vatican.

Statue de Priape (Musées du Vatican, Musée Pio-Clementino)
Statue de Priape (Musées du Vatican, Musée Pio-Clementino)

Les fouilles du XVIIIe siècle ont permis de récupérer un nombre important d’objets et pour certains de très belle facture. Les statues, les mosaïques, les éléments architecturaux et les autres objets ont été vendus ou transférés aux Musées du Vatican où ils sont aujourd’hui exposés.

Secteurs de fouilles (dessin Véronique Picard, IRAA, USR 3155)
Secteurs de fouilles (dessin Véronique Picard, IRAA, USR 3155)

Depuis 2010, de grands sondages ont été ouverts dont deux dans le secteur extra-urbain au lieu-dit La Guardiole (zone A) et cinq dans le secteur urbain, correspondant au lieu-dit Casale Alibrandi (zone D).

Dans ce dernier, comme nous le verrons plus tard, la fouille a permis d’identifier un tronçon de la muraille qui entourait la colonie, les restes des habitations datant de sa première phase de vie, la fondation d’un monument du IIe siècle ap. J.-C., ainsi qu’une série de sépultures, situées à l’extérieur de la fortification. Déjà en novembre 2011, une prospection géophysique, réalisée par l’université de Sienne, sous la direction de S. Campana, avait montré l’existence de structures imposantes.

Les fouilles effectuées lors des campagnes de recherche 2015-2018 ont mis au jour d’importants vestiges de la muraille qui entourait Castrum Novum. Elle fut réalisée avec de gros blocs parallélépipédiques, disposés en une assise horizontale. La découverte d’une litra romaine-campanienne (312-290 av. J.-C.) sur les niveaux de fondation ainsi que de nombreux fragments de céramique à vernis noir ne laissent aucun doute sur la datation de cette structure : elle remonte à la première moitié du IIIe siècle av. J.-C, en accord avec ce que les textes nous ont livrés.

 La colonie de Castrum Novum fut fondée vers 264 av. J.-C., au moment de l’annexion par Rome du territoire de la cité étrusque de Caere (Cerveteri). Il s’agit également de l’époque durant laquelle eut lieu la première guerre punique, opposant Rome et Carthage. Un groupe de colons furent donc installés dans la cité, entourée par une enceinte fortifiée (le castrum), selon un modèle d’urbanisme déjà connu dans d’autres colonies comme, par exemple, celle d’Ostie. Les textes anciens relatifs à Castrum Novum ne sont guère nombreux. D’après l’Itinéraire Maritime (un guide de voyage, datant du IVe siècle de notre ère), elle disposait d’une positio, un petit mouillage où les embarcations pouvaient accoster. Une inscription de cette époque nous informe qu’un certain L. Ateius M. f. Capito, duumvir quinquennalis ou censeur, finance la construction d’une curie, d’un tabularium pour conserver les archives publiques, d’un théâtre ou odéon, d’un portique et de salles de banquet.

Vue aérienne du castrum et ses remparts (Thomas Nicq, HALMA-UMR 8164 )
Vue aérienne du castrum et ses remparts (Thomas Nicq, HALMA-UMR 8164 )

 Certains éléments apparus soudainement au cours des fouilles semblent révéler d’importants indices sur l’histoire des remparts de Castrum Novum et plus particulièrement, le moment où ils ont perdu leur fonction d’origine pour se réintégrer différemment dans le tissu urbain. Le plus important indice est l’édification d’un odeion situé près de l’angle nord-est de la cité dont la datation varie entre le IIe et le IIIe siècle de notre ère, où certains des blocs de la muraille républicaine ont été réutilisés comme éléments de fondation.

À cette époque, ou peut-être plus tôt, les anciens remparts avaient donc cessé d’exister en tant que tels et avaient été relégués à la fonction de simple carrière.

Plan de l’odéon (Véronique Picard, IRAA, USR 3155)
Plan de l’odéon (Véronique Picard, IRAA, USR 3155)

 À l’extérieur de la cité, dans la zone A, la fouille a permis de reconnaître deux édifices à mettre en relation avec le petit port de la cité. En effet, une taverne et un petit balneum étaient destinés à l’accueil des voyageurs en transit de et vers Castrum Novum.

La taverne s’organise en un plan carré dont les côtés mesurent environ 22 mètres de long. Elle possède un accès à une voie en direction de la mer. Les objets retrouvés dans deux de ces pièces pourraient indiquer la présence d’activités commerciales, peut-être liées à la revente du poisson élevé dans des viviers situés à proximité immédiate de la colonie.

Reconstitution de la taverne (Maria Teresa Levanto, Università di Roma 3)
Reconstitution de la taverne (Maria Teresa Levanto, Università di Roma 3)

Le large espace couvert situé le long du mur du fond, pourrait avoir accueilli un dépôt, des stalles pour le bétail et des activités de travail variées. Il faut aussi noter la présence d’une cuisine où ont été trouvés nombreux tessons d’amphores et des casseroles.

 Les analyses de la structure maçonnée du complexe et celles réalisées sur des céramiques retrouvées au cours des fouilles, ont permis de dater le balneum à partir du IIe siècle ap. J.-C. L’heureuse trouvaille d’un tuyau en plomb avec une inscription dédiée à Marcus Clovius Lunense, pourrait se référer au nom du propriétaire probable de l’édifice en 105 av. J.-C.

Le balneum en cours de fouille (cliché Sara Nardi Combescure)
Le balneum en cours de fouille (cliché Sara Nardi Combescure)

 En ce qui concerne le balneum, on a pu reconnaître distinctement sept pièces. La pièce 1 n’est pas très visible actuellement, mais à l’intérieur on a retrouvé les traces d’une mosaïque, composée de tesselles noires et blanches. Elle a aujourd’hui disparu. La pièce 2 présente un petit bassin pour le bain froid encore en place et couvert d’un mortier de tuileau.

La pièce 3 est un espace chauffé au moyen d’un foyer ou d’un four dont les traces sont encore visibles. Dans la pièce 5 se trouvent des latrines, dont le sol est en opus spicatum, un pavement réalisé en briques rectangulaires disposées en épi.

Deux praefurnia, ou chaufferies, alimentaient les pièces 3 et 7, respectivement le tepidarium et le caldarium, destinées aux bains tièdes et chauds. Le praefurnium alimentait un système de chauffage appelé hypocauste.

Plan du balneum (dessin Véronique Picard, IRAA, USR 3155)
Plan du balneum (dessin Véronique Picard, IRAA, USR 3155)

Au sein de l’habitat, plusieurs types d’objets rattachables à la pêche ont pu être mis au jour comme des fragments de plomb identifiables à des lests de filet de pêche, d’anneaux ainsi qu’un moule en pierre pour la fabrication d’anneaux probablement en plomb. Les lests de plomb sont réalisés à partir d’une plaquette elle-même en plomb, repliée dans le sens de la longueur et composée de petits tubes de section circulaire ou carrée, pliés en deux par un pincement sur le filet. Leurs faibles dimensions suggèrent un usage sur des cordages au diamètre restreint, accrochés à un petit filet, ou bien mis en série sur un filet de plus grande taille.

Hameçons en bronze (cliché Hugo Cador)
Hameçons en bronze (cliché Hugo Cador)

Ces éléments tout comme les nombreux hameçons découverts dans les niveaux datés de l’époque impériale (fin Ier siècle av. J-C.- Ve siècle ap. J.-C.), soulignent l’importance des produits de la mer dans l’alimentation et les pratiques artisanales et économiques des habitants de la colonie.

 À proximité de l’habitat, deux grands édifices immergés, encore visibles aujourd’hui, ont été interprétés comme des pêcheries. Il s’agit d’un système complexe de pièces communiquant entre elles par des ouvertures et dont les éléments de ferrures, pour ouvrir ou fermer le passage, sont toujours en place. Ces structures de grandes dimensions étaient posées sur des murs de fondation s’étendant depuis la rive jusqu’à la mer. Elles étaient destinées à l’élevage piscicole : vivaria in litoraconstructa. Ces aménagements ne sont pourtant pas les seuls témoignages d’activités liées à l’économie de la mer.

Les pêcheries de Castrum Novum (cliché Sara Nardi Combescure)
Les pêcheries de Castrum Novum (cliché Sara Nardi Combescure)

À l’intérieur de la taverne de la zone du port, deux pièces semblent avoir été affectées spécialement à la salaison. Dans ce même édifice, ont été retrouvés un hameçon ainsi qu’une navette en bronze. Cette dernière se présente sous la forme d’une tige filiforme se terminant à ses deux extrémités par deux appendices recourbés l’un vers l’autre. La morphologie de l’objet permet de le définir comme étant un outil servant à ramender les filets de pêche.

 Surplombant le littoral, le site de Castrum Novum n’est pas simplement tourné vers la mer, mais il interagit avec la côte d’une façon complexe qui reste à définir. Les découvertes effectuées offrent une réalité bien plus riche et variée. La pisciculture et le probable élevage d’huîtres (ostréiculture), représentés par l’activité des viviers, permettent une économie d’échelle moyenne (élevages, productions de salaisons etc.).

Dynamisée par la proximité de la via Aurelia, cette activité coexiste en parallèle avec une économie domestique tournée vers la pêche (à la ligne ou au filet) destinée à une consommation locale à petite échelle.

 Enfin, parmi le mobilier découvert dans une des pièces, on peut citer un poids de balance et de nombreux coquillages bivalves dont dix-sept fragments d’huîtres (Ostreidae). La présence d’huîtres dans la taverne est probablement à mettre en relation avec la présence, parmi les pièces qui composent les viviers, d’une ostriaria, utilisée surtout pendant le IIe siècle. Ces indices confirment la forte relation entre les habitants du site et la mer toute proche.

L’exposition « Quand le sol nous révèle le passé : rétrospective de l’archéologie à l’UPJV » a été l’occasion de présenter deux chantiers d’envergure dirigés par des partenaires de l’UPJV :

  • la fouille programmée de l’agglomération antique de Vendeuil-Caply (Oise) menée par le Service régional de l’Archéologie de la DRAC des Hauts-de-France
  • la fouille préventive de la citadelle d’Amiens (Somme) menée par le service archéologique d’Amiens Métropole (SAAM)
La fouille des boulevards successifs de Louis XI et de François Ier (cl. Service archéologique d'Amiens métropole, 19 mars 2012)
La fouille des boulevards successifs de Louis XI et de François Ier (cl. Service archéologique d’Amiens métropole, 19 mars 2012)