Pavel Florensky : anthropologie, idéologie perspectiviste et absolu
Journée d’étude le mercredi 12 avril de 9h30 à 17h à la Citadelle, dans le cadre du séminaire Miroirs de l’esthétique et du Master d’Esthétique Comparée
Accès zoom : https://u-picardie-fr.zoom.us/j/4799368159?pwd=MlVtK1JybklyS3RyTmttbjlTVEdtZz09
Dans La perspective inversée en 1919, Pavel Florensky élabore en défense de l’icône slave une critique de l’image en perspective qui peut être lue comme une mise en cause de ce que Husserl a appelé la « mathématisation de la nature », qui, en réalité, se présente comme une « mathématisation de l’être ».
Florensky montre que la perspective linéaire à point de fuite unique n’est pas l’aboutissement d’une évolution atteignant finalement une vérité ou un terme, mais une certaine manière d’appréhender la réalité, qui ne jouit en droit d’aucune légitimité particulière. Lorsque Florensky écrit : « qui n’est pas tenté de considérer ce qui lui est propre, comme réel et naturel ? », doit-on y voir une volonté de retour à la tradition ou une anticipation du relativisme contemporain dont on constate les effets ruineux ? Au-delà d’une critique de l’image en perspective, ne s’agit-il pas plutôt d’une déconstruction de ce que l’on pourrait appeler l’idéologie perspectiviste ? La « correspondance » entre représentation perspective et perception naturelle n’est-elle pas en effet liée au préjugé qui identifie la vision humaine à l’objectif photographique, réduisant la subjectivité à une situation dans l’espace ? L’anthropologie objectiviste se trouve alors combattue par l’analyse de l’image (tout comme elle l’est à la même époque par l’émergence des Lebensphilosophie), ce qui implique d’identifier une autre source de l’image : l’inspiration, la vision intérieure et la vie. Les considérations de Florensky conduisent donc, contre l’intellectualisme classique et l’objectivisme de la science moderne, à une analyse de l’immanence de la vie subjective, à tel point que certaines pages de La perspective inversée semblent une anticipation surprenante des analyses merleau-pontiennes de la perception, et d’une réévaluation ontologique radicale de la subjectivité.
Florensky dans ce cas, apparaît comme relevant du même élan que toutes les grandes avant-gardes artistiques du début du siècle en ce qu’elles aspirent à un retour à l’inspiration, en même temps qu’il propose une analyse de l’image et de ses enjeux philosophiques qui sollicite très vivement les questions philosophiques contemporaine relatives au rôle de l’image dans la culture contemporaine.
Si l’on admet que l’idéologie perspectiviste n’est en réalité que le fondement métaphysique et anthropologique du relativisme et de toutes ses conséquences sociales et culturelles, l’enjeu de la mise en cause de celle-ci serait donc avant tout la question de la relation de l’homme à l’absolu, et dans un premier temps, le statut de cette question comme question fondamentale. C’est la validité de cette hypothèse que nous voudrions explorer dans cette journée d’étude en proposant des approches de la relation de Florensky à la langue, à la perception et à l’art.
Thomas Sabourin (responsable Master Esthétique Comparée, UFR Arts)
Olivier Kachler (responsable Master Esthétique Comparée, UFR de lettres)
Programme
9h30 accueil
10h – Philippe Sers, (philosophie, essayiste, Faculté Notre Dame)
« Kandinsky et Florensky »
11h – Alexis Kozirev (Université Lomonossov de Moscou)
« Perspective inversée et autres idées esthétiques de Florensky dans son livre Analyse de l’espace et du temps dans les œuvres artistiques » (1924-1925).
12h : pause déjeuner
13h – Thomas Sabourin (Université de Picardie CRAE)
« Florensky et la phénoménologie de la perception en peinture »
14h – Olivier Kachler (Université de Picardie, CERCLL)
« La perspective et le langage : l’enjeu critique du symbole »
15h – Frédéric Tachou (docteur en esthétique et sciences de l’art, cinéaste) :
« Florenski et la psychologie de l’espace à partir de travaux de Abraham Moles »
16h – Discussion