Écrire avec…

23-24 : saison 2

A partir du début d’énoncé suivant – Écrire avec…, ce séminaire propose à des artistes et/ou chercheurs.euses de présenter leurs travaux sous l’angle d’une écriture qui ne passe pas par les modalités textuelles habituelles. Il s’agit ainsi de réfléchir à l’élargissement du champ de l’écriture.
Le séminaire aura lieu les jeudis suivants de 14h à 17h en salle F112 (UPJV, Citadelle) : 8/02 ; 29/02
8/02 : écrire avec du code et des algorithmes, Agnès de Cayeux et Olivain Porry
29/02 : écrire avec des archives, Agnès Geoffray et Vanessa Desclaux
Sally Bonn et Guillaume Pinçon

Écrire avec les archives de la justice des mineurs – Agnès Geoffray et Vanessa Desclaux

Obliques, obstinées, orageuses


Abordant la conférence comme un espace polyphonique et performatif, Agnès Geoffray et Vanessa Desclaux partageront un projet de recherche et de création en cours à travers lequel elles explorent des figures de filles considérées comme « délinquantes » ou « déviantes » tout au long du XXème siècle, et jusqu’à aujourd’hui.
Travaillant à partir de leurs collectes dans différentes archives, elles arpentent des histoires de révoltes, de résistance et d’émancipation à travers des expériences vécues ou des récits de fiction. Elles se fraient un chemin dans la masse de l’histoire de l’éducation surveillée et de la justice des mineur.e.s et font surgir des images et des voix pour donner corps à ces filles rebelles, parfois violentes, rarement sujets de leur histoire.
Suite à la présentation de leur travail commun en cours, Agnès Geoffray et Vanessa Desclaux proposent aux étudiant.e.s de travailler autour de documents en lien avec leurs propres recherches. Il s’agit de prélever dans vos sources trois documents de nature différente, dont au moins une image. Textes théoriques, récits historiques, documents administratifs, textes poétiques ou littéraires, articles de presse, œuvres d’art, photographies de presse ou familiales… Nous convoquerons nos différentes manières de penser et d’écrire, avec et entre les divers documents textuels ou visuels qui nourrissent nos recherches.

Crédit photo : Agnès Geoffray, Les orageuses, 2023

Écrire avec du code et des algorithmes – Agnès de Cayeux et Olivain Porry

Lors du séminaire « Écrire avec », Olivain Porry a exploré les liens entre la langue et l’informatique, notamment dans la perspective d’écrire pour les ordinateurs plutôt qu’avec eux. Partant d’un des premiers projets reconnus de littérature électronique, le générateur de lettres d’amour de Christopher Strachey (1953), différentes modalités d’écriture dont les machines se révèlent être les principaux destinataires ont été évoquées. Les langages de programmation exotiques et leur capacité à être interprétés différemment par les humains et les ordinateurs ont ainsi été présentés. Le programme « Hello World » rédigé en langage de programmation Shakespeare peut être exécuté par un ordinateur mais aussi joué sur une scène de théâtre, tandis que son équivalent en langage Chef peut mener à la préparation d’un gâteau au chocolat. Par la suite, Olivain Porry a évoqué le langage naturel et sa capacité à être, aujourd’hui, lu et interprété par des modèles d’intelligence artificielle. Deux dimensions spécifiques du langage, lorsqu’il est produit à destination des machines, ont ainsi été mises en avant : son opérativité, sa capacité d’action sur le réel, et sa fluidité, sa capacité à prendre des formes variées (du texte au son en passant par l’image). Enfin, à partir de la forme du diagramme (Brian Bilston, « Two paths diverged », 2015) et de la notation Laban destinée à la chorégraphie, l’exploration des modalités d’écritures à destination des robots, seuls ou en essaims, s’est poursuivie jusqu’à la définition des COCOCOCO, les collectifs d’objets à comportements (Olivain porry, « Toasters », 2018) et du vocabulaire graphique permettant leur conception et réalisation.

22-23 : saison 1

Cette année, c’est l’écriture qui a retenu notre attention pour interroger nos outils et nos pratiques – mais une écriture qui passe par d’autres moyens et supports que ceux qui nous sont habituels. Nous avons ainsi proposé à des artistes et des chercheurs·euses de venir nous parler de travaux qu’elles·ils conçoivent comme relevant de l’écriture. Ce séminaire aura lieu un jeudi par mois à partir d’octobre, de 10h à 13h à la Citadelle de l’Université de Picardie Jules Verne (Amiens). Voici le programme des séances d’Ecrire avec… :

  • jeudi 20 octobre 2022, 10h-13h, salle E205 : écrire avec du déjà écrit – Frédéric Forte
  • jeudi 17 novembre 2022, 10h-13h, salle E205 : « Sans lire je ne vois rien » – Anne-Lise Broyer
  • jeudi 15 décembre 2022, 10h à 13h, salle E205 : les transports de la lettre – Thierry Davila
  • jeudi 2 février 2023, 10h à 13h, salle F111 : écrire avec le paysage – Alexandre Koutchevsky
  • jeudi 6 avril 2023,10h à 13h, salle F111 : écrire avec la voix – Violaine Lochu
  • jeudi 1er juin 2023, 10h à 13h, salle F111 – Volmir Cordeiro

Séminaire porté et organisé par Sally Bonn et Guillaume Pinçon

Première séance, jeudi 20 octobre 2022 : écrire avec du déjà écrit, Frédéric Forte
Les représentations classiques de la littérature nous renvoient, bien sûr, à l’image de l’auteur inspiré qui joue de sa culture, de sa sensibilité, de son imagination pour créer des textes «  à partir de rien ». Mais il existe, et a de tous temps existé, (du centon poétique à « l’écriture sans écriture » en passant par le cut-up ou le caviardage) des pratiques littéraires et poétiques où l’écriture est affaire de prélèvement, recyclage, détournement de textes pré-existants, qu’ils soient eux-mêmes œuvres poétiques / littéraires ou matériaux moins « nobles » saisi dans notre environnement saturé d’écrits. C’est autour de ces objets que nous réfléchirons.

Frédéric Forte, né en 1973 à Toulouse, vit aujourd’hui à Paris. Depuis 2005, il est membre de l’Oulipo. Marqué très tôt par l’œuvre de Raymond Queneau, il s’est tourné vers la poésie en 1999 après avoir joué de la basse électrique dans des groupes de rock. Il co-dirige actuellement le Master de Création littéraire du Havre. De la pratique, qui paraît ce mois-ci est son sixième titre publié aux éditions de l’Attente.

Deuxième séance, jeudi 17 novembre 2022 : « Sans lire je ne vois rien », Anne-Lise Broyer
Photographier est une suite de gestes tout en sachant que dans le geste le plus spontané, loge une mémoire. Parfois la photographie a lieu d’abord derrière l’œil, elle s’y mature et bascule devant la rétine juste un court instant, le temps de la prise de vue. Elle naît d’abord à la lumière de la pensée et du savoir. La lumière extérieure solaire ou électrique n’agirait finalement que comme le révélateur de cette image mentale. Parfois encore, derrière chaque photographie se cache beaucoup de désirs d’écriture. Chaque image fait appel à la mémoire d’autres images ou de lectures et l’important, peut-être, est-il de s’interroger sur le retour de cette mémoire dans le présent. 
Un lieu connu pour son espace littéraire, se met à vibrer, autrement que n’importe quel autre lieu.
De cette langue de l’œil, nous parlerons.
« Je vous ai vu(e), de mes yeux vu, défaillir… au ralenti » : atelier
Force est de constater que le monde vacille, pandémie, crise économique, guerre dans de nombreux territoires, problèmes migratoires, urgence écologique… Ce vers de la chanson «Bleu bac» écrite par Myriam Boisaubert (poète et artiste), composée et interprétée par Rodolphe Burger, met le double accent sur les dimensions de regard et de temps qu’il faudra installer dans une ou plusieurs photographies. Vous devrez donc construire une, deux, trois… photographies inédites sur cette notion de basculement du monde, d’une faille visible qui le fragilise et le fait vaciller. Cette thématique peut être abordée d’un point de vue intérieur, intime, poétique ou plus objectif selon un angle documentaire…
Venez le 17/11 avec votre petit corpus, il composera une sorte de grammaire de formes avec laquelle nous écrirons.

Anne-Lise Broyer poursuit depuis plus de 20 ans un travail photographique singulier pouvant se résumer comme une expérience de la littérature par le regard en nouant très intimement lecture et surgissement d’une image, écriture et photographie comme en témoignent ses nombreuses éditions partagées avec Pierre Michon, Bernard Noël, Colette Fellous, Yannick Haenel, Jean-Luc Nancy, Suzanne Doppelt, Mathilde Girard, Léa Bismuth, Muriel Pic… Elle questionne également les zones de frottements et d’intersection entre la photographie argentique et le dessin à la mine graphite directement sur le tirage afin d’atteindre une zone de trouble dans la perception.
En mariant ces deux gestes, en reliant l’œil à la main, c’est une nouvelle langue qui s’invente. Anne-Lise Broyer crée ainsi des situations visuelles qui renvoie continuellement à l’image photographique et à son histoire technique.
Ses ouvrages sont publiés aux éditions Filigranes, Nonpareilles, Verdier et Loco. Elle expose régulièrement en France et à l’Étranger.
Son travail est représenté par la 110 Galerie à Paris.

Troisième séance, jeudi 15 décembre 2022 : les transports de la lettre, Thierry Davila
La lettre – et le texte – ont connu nombre de transports – de déplacements – plastiques dans l’histoire. Il s’agira, à travers un certain nombre d’exemples allant des notes de Marcel Duchamp aux alphabets performatifs modernes et actuels, en passant par la marche comme processus de déterritorialisation du signe et de la trace, de proposer un parcours subjectif et condensé à partir d’œuvres paradigmatiques de cette question. Ou comment des itérations produisent des itérations.

Thierry Davila est philosophe de formation (DEA de philosophie antique – université Paris IV) et historien de l’art (docteur en histoire de l’art – EHESS, Paris –, habilité à diriger des recherches – ENS, Lyon). Conservateur au MAMCO de Genève, il a publié une dizaine d’ouvrages d’histoire et de théorie de l’art. Il a tout récemment été le commissaire de l’exposition Singuliers (Imec, 8 juin-23 octobre 2022). Son ouvrage Franz Erhard Walther : l’usage de la forme. Les années fondatrices (1954-1972) est à paraître en 2023 aux éditions La lettre volée (Bruxelles).

Quatrième séance, jeudi 2 février 2023 : écrire avec le paysage, Alexandre Koutchevsky
Après un temps de présentation des grands principes du théâtre-paysage, nous irons les tester dans le paysage le plus proche, celui de la Citadelle.
Comment faire théâtre avec ce qui existe, ce qui se donne autour de nous? Les questions d’apparition et de disparition, de proche et de lointain, entre autres, pourront servir d’appui pour cette petite expérience.
Afin d’avoir plus de temps dans le paysage, je demanderai aux participants d’écrire deux courts textes à partir de consignes qui leur seront envoyées en amont. L’idéal serait de savoir par cœur un des deux textes le 2 février afin de pouvoir se consacrer pleinement à l’articulation corps/texte/paysage.

Consignes d’écriture
Texte 1 : Ancêtres
Prenez un temps pour penser à vos ancêtres (de vos grands-parents jusqu’à aussi loin que vous voulez).
Écrivez 7 phrases commençant toutes par « Celui qui » ou bien « Celle qui » ou bien « Celles qui » ou bien « Ceux qui », ayant à chaque fois pour sujet un de vos ancêtres, réel ou inventé.
Les phrases ne doivent pas être trop longues (maximum une ligne et demi environ). Elles peuvent être très courtes. Passé, présent, autre… utilisez le temps que vous souhaitez.
Exemples :
Celle qui arrivait toujours sans crier gare.
Celui qui traverse l’Atlantique à six ans.

Texte 2 : Autoportrait
Je suis l’enfant qui a donné ses yeux à un petit Américain.
On ne m’a pas demandé mon avis.
Je ne suis pas très beau.
Excusez-moi.
(Roland Fichet, Yeux, extrait de Micropièces, éditions Théâtrales.)

Je suis le/la/l’ qui …  .
On .
Je .
Excusez-moi.

A partir de la structure ci-dessus – la charpente mise à nu – de cette micropièce de Roland Fichet, écrivez votre autoportrait en complétant les phrases (à l’endroit des points de suspension).

Après avoir été formé au Théâtre de Folle Pensée à Saint-Brieuc et à l’Université de Rennes, Alexandre Koutchevsky est aujourd’hui auteur et metteur en scène au sein de Lumière d’août, compagnie théâtrale/collectif d’auteurs, installée à Rennes.
En tant que metteur en scène, il a développé depuis 2007 un projet de Théâtre-paysage, intitulé Ciel dans la ville, sur les territoires aéroportuaires de Rennes, Bamako, Ouagadougou et Brazzaville. La pièce Blockhaus, qu’il a créée en 2014, se joue face aux bunkers du Mur de l’Atlantique. En 2017 il crée Mgoulsda yamb depuis Ouaga, écrit avec Aristide Tarnagda, et Ça s’écrit T-C-H, deux pièces de théâtre-paysage centrées sur la langue et l’héritage. Blockhaus, Mgoulsda yamb depuis Ouaga, et Ça s’écrit T-C-H sont soutenus par la charte ONDA d’aide à la diffusion de 2018 à 2021. Rivages créé en 2021, spectacle en résonance avec le commerce triangulaire, se déroule sur les rivages de France.
Pour l’écriture de Blockhaus et Rivages, il a bénéficié de bourses de création du Centre National du Livre.
Ses pièces ont été mises en scène notamment par Jean Boillot, Charlie Windelschmidt, Gilles le Moher, Marine Bachelot Nguyen, Charline Grand. Trois de ses textes ont également été mis en ondes sur France Culture et ont reçu plusieurs prix. Auteur d’une thèse de doctorat sur les écritures théâtrales brèves, il anime de nombreux ateliers de théâtre et d’écriture en relation avec les paysages (laboratoire Elan des Récréâtrales de Ouagadougou, Praticables au Mali, CEAD et Universités au Québec, Lama de Folle Pensée, Ecole d’architecture de Nantes…). Ses pièces sont publiées à l’Entretemps : Les Morts qui touchent (2011), Blockhaus (2015). Son manifeste de Théâtre-paysage est publié aux éditions des Deux corps (2011). Ça s’écrit T-C-H et Mgoulsda yamb depuis Ouaga (2018), Rivages (printemps 2023) aux éditions Deuxième époque.

Cinquième séance, jeudi 6 avril 2023 : Archivox, Violaine Lochu
Lors de la première partie de son intervention, Violaine Lochu présentera son travail qui est une exploration de la voix et du langage comme vecteurs de rencontre et de métamorphose. Sa pratique artistique, se déploie entre les champs de l’art contemporain, de la musique expérimentale et de la poésie sonore, crée des passerelles entre les époques, les milieux, les cultures savantes et populaires. Dans un second temps, elle proposera un atelier de sensibilisation autour de la voix, de l’écoute collective et de l’improvisation, notions au cœur de sa démarche.

Lauréate du prix Aware 2018 et du prix de la performance 2017 du Salon de la Jeune Création, Violaine Lochu a performé entre autres au Centre Pompidou, au Palais de Tokyo, lors de Parade for FIAC 2017, au Jeu de Paume, au Kunstverein de Munich (Allemagne), au Centre d’Art Contemporain de Genève (Suisse), aux festivals Playground (Belgique), Ars Poetica (Slovaquie), Performative (Italie), au théâtre le 4e art de Tunis… Son travail a été exposé lors de nombreuses expositions collectives notamment au MAC Lyon, MAC VAL, au Ferenczi museumi centrum (Hongrie), au Centre à Cotonou (Bénin), à la Galerie GAMU à Prague (République Tchèque) au Centre d’art Bétonsalon et à la Justina M. Barnicke Gallery à Toronto (Canada). La Villa Arson à Nice, le Musée National Pablo Picasso de Vallauris, le FRAC MECA Aquitaine à Bordeaux, Carpintarias de Sao Lazaro à Lisbonne (Portugal), L’Institut Français de Cotonou (Bénin) ont accueilli ses expositions personnelles ou duo shows en collaboration avec d’autres artistes (chorégraphes, sculpteurs, musiciens…).

Sixième séance, jeudi 1er juin 2023 : Volmir Cordeiro
Écrire avec les savoirs extra-cognitifs, avec les savoirs du corps et les saveurs de l’intuition. Écrire avec d’autres artistes, en regardant leurs créations et en les faisant des sources sensibles pour un certain formalisme discursif (production de sens). Écrire à partir d’un principe qui dit que « tout peut servir » : un peu de hasard, un peu de jeu, un peu de théorie, un peu de poésie. Écrire avec ce qui reste d’un processus chorégraphique, pour réactiver des sources pas suffisamment vécues, pour chercher la dérision d’un souvenir, pour remonter la mémoire, pour programmer un état de corps et l’apparition d’un geste.

Chorégraphe, danseur et chercheur brésilien, Volmir Cordeiro est d’abord interprète pour plusieurs chorégraphes avant de créer, au sein de sa compagnie Donna Volcan, ses propres spectacles à partir de 2012 : le cycle de soli Ciel, Inês et Rue puis la pièce pour quatre danseurs L’Œil, la bouche et le reste ainsi qu’une exposition vidéo du même titre autour des poétiques du visage dans l’histoire de la danse, puis Trottoir en 2019 et Métropole en 2021 (créé à Points communs). Il enseigne régulièrement dans des écoles de formation chorégraphique et signe l’ouvrage « Ex-Corpo », consacré aux figures de la marginalité en danse contemporaine et à la notion d’artiste-chercheur.