Les objets : narrateurs d’histoires et d’émotions. Éducation patrimoniale pour les professeurs du Primaire et du Secondaire
José Luis de Los Reyes Leoz, Faculté de Formation du Professorat et de l’Éducation – Université Autonome de Madrid.
Cette communication a trait à mon travail universitaire dans les disciplines que j’enseigne à Madrid : « La Didactique des Sciences sociales », « Art, environnement et patrimoine : didactique des musées » (deuxième et quatrième années de Licence 1 (la Licence ou Gradose déroule sur quatre années en Espagne) en formation des enseignants du Primaire) et « Didactique de l’Histoire » (Master de Formation du Professorat de l’Enseignement secondaire). Je pars du besoin de formation en Didactique du patrimoine historique et artistique envisagée comme l’une des compétences clés pour l’éducation citoyenne, que le futur enseignant doit être capable de transmettre à ses élèves. Étant donné qu’une grande partie de l’héritage matériel des sociétés du passé est exposée dans les musées d’histoire et d’art, il faut changer le regard de l’étudiant au sujet de la valeur à accorder aux objets qui y sont exposés. C’est pour cette raison que je les présente dans un environnement d’apprentissage particulier situé au-delà de l’analyse nécessaire de leur matérialité pour en faire des narrateurs d’histoire, des traits d’union entre le passé et le présent, des outils de citoyenneté démocratique. Nous vivons entourés d’objets. Nous en avons besoin pour rendre notre existence plus plaisante. À travers eux, nous exprimons des sentiments et nous transformons les espaces que nous habitons afin d’affirmer notre identité individuelle et notre rôle social. S’il en est ainsi, c’est parce que les objets ont une signification : nous comprenons leurs messages, nous connaissons leur langage ; ils suscitent en nous des pensées et des émotions. À travers la Culture Matérielle, nous définissons le vaste univers des objets employés par l’humanité pour faire face au monde physique, faciliter les rapports sociaux, satisfaire l’imagination et créer des symboles signifiants. La Culture Matérielle étudie – à travers les artefacts – les croyances (valeurs, idées, attitudes et hypothèses) d’une société en une période donnée. Ainsi donc, les objets fabriqués par l’être humain reflètent, consciemment ou non, les croyances des individus qui les ont faits, commandés, achetés et utilisés. Pour cette raison, ces référents (nationalité, lieu, classe sociale, religion, politique, profession, genre, âge, race, etc.) susceptibles d’expliquer la forme de vie d’un groupe humain déterminé sont contenus dans la forme, le matériau, la couleur, le style, etc. des objets, que l’on doit analyser selon une méthodologie précise. Je pars de l’analyse minutieuse des caractéristiques physiques des objets quotidiens (emballages, canettes de soda, objets culinaires, etc.). Mon but est de ne plus seulement regarder, mais de voir et d’élaborer une stratégie didactique basée sur un apprentissage de la découverte et de l’approche émotionnelle des objets chargés de sentiments (culture matérielle enfantine et juvénile). Il est tout à fait réaliste de penser que certains objets définissent nos existences, aident à se souvenir et génèrent des signes d’identité. Nous avons besoin de les voir de temps en temps (nous les conservons dans des endroits dédiés et nous en prenons grand soin) ou de façon permanente (nous les exposons dans la « collection particulière » de nos musées familiers : chambre, salon, etc.). Ils peuvent constituer des refuges émotionnels dans les moments de tension ou de drame (nous les appelons des reliques) ; nous en remettons en cause la matérialité et l’usage pratique pour souligner leur valeur symbolique et en faire des garde-fous face aux adversités. Une fois que les étudiants ont acquis la capacité à « interroger » les objets qui nous entourent et à découvrir en eux une source d’informations riche influant sur notre identité, les musées visités s’ouvrent à leurs réflexions et génèrent une approche très différente du passé : il s’agit d’un voyage de type inductif,de la matérialité de l’objet à la connaissance des sociétés qui l’ont produit. Lors de ce voyage, on donne une nouvelle signification aux objets historiques envisagés comme médiateurs temporels, comme éléments d’un laboratoire éducatif où se produit « une cérémonie d’initiation » pour les apprenants. Les enfants ont besoin d’aller au-delà de l’apprentissage familial pour réussir à s’intégrer à un groupe plus important, à une société historique dont les racines se nourrissent du passé et pour y trouver leurs principaux signes d’identité. L’objectif est, bien évidemment, de faire en sorte que les signes d’identité collectifs soient liés aux civilisations et non aux états.