Atelier F : Objets et traces de l’activité

L’atelier est centré sur les traces engendrées par les activités menées en classe. Traces comme objet d’apprentissage et comme outils de régulation pour l’enseignant. Quels choix pour l’enseignant ? Quels apports pour les apprenants ? Quels retours sur les apprentissages ?

Voici ci-dessous les résumés, enregistrements vidéo ou diaporama des communications de l’atelier.

F1 – Le cahier d’atelier pour faciliter l’appropriation du cahier des charges – Guillaume Massy, Haute école de pédagogie du canton de Vaud.

Cette communication a comme double objectif de présenter la double fonction d’un outil pédagogique (le cahier d’atelier) mis en place lors d’une séquence en activités créatrices et manuelles (AC&M) et de montrer les résultats de son appropriation par l’activité réelle des élèves.

Contexte Suisse

En Suisse Romande, l’enseignement des activités créatrices et manuelles (ACM) inclut la conception d’objets matériels comme objectif d’apprentissage. Les professionnels de cette discipline d’enseignement peuvent compter sur le modèle CRS (conception-réalisation-socialisation) (Didier & Leuba, 2011) qui permet d’amener les élèves à anticiper la socialisation de l’objet matériel au moment de sa conception. C’est dans ce nouveau contexte qu’a été pensé un nouvel outil pédagogique, le cahier d’atelier, qui favorise la conception et l’anticipation de la socialisation de l’artefact (objet technique) tout au long du processus de production de l’objet technique par les élèves.

Objectif de la recherche présentée

Cette communication a pour objectif de présenter l’évaluation de l’appropriation d’un artefact soutenant l’apprentissage de la conception en activités créatrices et manuelles (AC&M). Le cahier d’atelier est le résultat de la fusion d’un cahier des charges avec un cahier de laboratoire. Sa genèse ainsi que son implémentation au sein d’une classe en Suisse francophone, fait écho à la volonté des activités créatrices et manuelles (AC&M) de renforcer l’apprentissage de la conception par, notamment, la mise en place d’une démarche d’investigations composée de phases de réflexion, d’émission d’hypothèses et de confrontation de celles-ci lors d’un moment d’expérimentation. L’évaluation de l’implémentation du cahier d’atelier s’est faite par une étude de cas portant sur l’activité de 9 élèves âgés de 9 à 10 ans (Massy, 2017) lors d’un projet de création et de réalisation d’un hôtel à insectes. Le concept central de cette recherche étant l’appropriation, nous prenons appui sur deux théories que sont la théorie de la genèse instrumentale (Rabardel, 1995) et la théorie énactive de l’appropriation (Theureau, 2006, 2011). En synthèse, cette recherche a permis d’une part de rendre visible le processus d’appropriation du cahier d’atelier par les élèves tout en identifiant d’autre part les liens de complémentarité entre ses deux composantes que sont le cahier des charges et le cahier de laboratoire.

Hypothèse de conception de l’outil

Au début de cette recherche, nous avions fait l’hypothèse que l’implantation de ce cahier d’atelier dans cet enseignement permet d’une part d’étayer l’anticipation des élèves en soutenant l’appropriation du modèle CRS en explicitant et articulant des indices de diagnostique et d’action structurant un concept pragmatique (Vidal-Gomel & Rogalski, 2007) – supposé – lié à l’anticipation. D’autre part, le cahier d’atelier renforce la consensualité et visibilité de l’évaluation des apprentissages entre l’enseignant et les élèves. Pour finir, il offre un espace de formalisation expérientielle des apprentissages à des fins de réutilisation/réinvestissement dans d’autres projets. En d’autres termes, la fusion de ces deux outils permettrait un processus d’étayage (par le cahier des charges) et de dés-étayage (par le cahier de laboratoire) en favorisant un processus de secondarisation (Bautier & Goigoux, 2004) de/des l’objet/s d’apprentissage. En effet, au fil de l’appropriation du cahier des charges, l’élève ne va plus devoir simplement le compléter, mais le recréer en fonction de son projet.

Méthode

Afin de récolter des traces de l’activité de l’élève, nous leur avons fait passer un entretien de remise en situation dynamique dans les 6 jours qui ont suivi les leçons d’AC&M. Lors de ces entretiens, l’élève se replonge dans des extraits de vidéos des leçons d’AC&M qu’il a vécus et verbalise son activité effective, instant après instant. Les entretiens ont ensuite été retranscrits dans leur totalité dans un tableau à deux volets à l’aide du logiciel SIDE-CAR (Perrin, Theureau, Menu & Durand, 2011). Le chercheur a ensuite identifié et organisé les unités d’activité présentes, prioritairement à partir du verbatim des remises en situations dynamiques, et secondairement en s’appuyant sur les traces de l’activité, notamment du cahier de laboratoire, ainsi que des comportements visibles sur la vidéo. Les résultats récoltés ont permis d’analyser, dans une certaine mesure, l’activité d’appropriation de l’élève lors de l’utilisation du cahier d’atelier.

Résultats

Les résultats de la recherche présentée (Massy, 2017) suggèrent que dès les premières utilisations de cet outil pédagogique, l’élève s’approprierait ses règles de fonctionnement. C’est dès la troisième leçon que certains élèves l’utilisent suivant leurs besoins. Cet étayage de la conception serait le résultat de la combinaison des règles libres du cahier de laboratoire avec celles plus structurantes du cahier des charges. De plus, il semblerait que le clivage entre ces deux outils augmenterait le potentiel du cahier des charges en offrant à l’élève un espace de réflexion et de formulation du savoir. En conclusion de cette recherche,les données récoltées sembleraient indiquer que le cahier d’atelier a tout pour faire partie de la famille des outils disponibles pour les enseignants afin de guider l’élève sur le chemin de l’apprentissage de la conception et de l’anticipation.

F2 – La trace « picturale/matérielle/scripturale », un objet pour apprendre et à apprendre au début de la scolarité – Christine Riat, Haute école pédagogique BEJUNE.

En début de scolarité, les échanges sont prioritairement oraux, quand bien même l’enseignant partage avec les jeunes élèves des objets(icône ou simulacre) pour soutenir cette oralité (par ex : album illustré et ses personnages ; personnages 3D représentant des quantités). Pour autant, malgré cette idée iconique (Leutenegger, 2008), la classe fait-elle semblant de travailler autour d’un récit ou du nombre ?

D’autre part, l’enseignant prend souvent les notes pour mémoire de la classe, suppléant ce que les jeunes élèves ne savent pas encore faire, à savoir élaborer et conserver une trace écrite conventionnelle (de l’histoire inventée, du nombre d’élèves présents dans la classe). Progressivement, élèves et enseignant, dans une action didactique conjointe, partagent des responsabilités par des dessins, des tentatives d’écriture, donnant aux jeunes élèves un «déploiement d’un pouvoir sur»le monde (Bautier, 2008). Avec l’enseignant, l’enfant/élève s’assujettit à de nouveaux modes de pensée et de raisonnement (Amigues & Zerbato-Poudou, 2007) que les objets scolaires sous-tendent.

Comment la transformation « oral – écrit » apparait-elle et par qui est-elle assumée, sachant que la trace écrite normée (alphabétique ou numérique) deviendra à long terme objet à apprendre et pour apprendre à saisir une situation de communication potentiellement appréhendable dans un collectif plus large que la classe ? Cette contribution se penche sur les modalités de co-construction et de partage de responsabilités (Ligozat, 2016) pour élaborer des traces en tant qu’icônes de l’activité orale dans une comparaison Français et Mathématiques.

Corpus et méthodologie

Les résultats sont issus de l’analyse de deux séquences filmées coutumières chez les 4-5 ans : une histoire inventée et le comptage des présents. Nous croisons des outils de la didactique du Français, ici l’entrée par le système récit-personnages (Cordeiro, 2014) et ceux de la didactique des Maths avec focalisation sur l’énumération (Briand, 2007) à ceux de la didactique comparée (triplet des genèses, Chevallard, 1985/1991). Nous mettons en évidence une succession d’objets simulacres du langage oral aboutissant progressivement à l’utilisation d’un code culturellement normé, en l’occurrence une phrase écrite d’une partie de l’histoire inventée (Français) et un plan sur lequel figure des chiffres pour mémoire de quantité et de position (Math). Nous montrons qui assume les différentes tâches de transformation de l’objet. Les élèves sont sensibilisés aux différents états d’existence d’un objet (original, icône, simulacre), à savoir l’oralité et sa transformation. En effet, l’objet pour apprendre enveloppe l’idée d’un objet forcément un et multiple, à la fois différent mais identique puisque référant. L’élaboration et le réinvestissement des traces paraît également au centre de l’action conjointe enseignant-élèves-savoir, autrement dit la conservation d’une trace des actions et réflexions passées pour mieux y revenir.

F3 – Objets et traces d’activité dans un dispositif universitaire de sensibilisation à l’esprit d’entreprendre : représentations, mises en récit et figures de l’entrepreneur – Brigitte Pezon, Université de Lille, CIREL/Profeor.

La figure archétypale de l’entrepreneur est associée à deux représentations distinctes et complémentaires, celle du bâtisseur et celle de l’explorateur. Quand le XVIII siècle désignait l’entrepreneur comme celui qui édifie un ouvrage (Boutinet 2018), le XXI siècle énonçait l’entrepreneuriat comme la dernière des aventures encore possibles (Maître). Cet article se penche sur la question des objets impliqués dans une approche pédagogie par projet qui sensibilisent à l’esprit d’entreprendre ; à travers les objets produits pour apprendre à Entreprendre, il revisite ces deux grandes figures d’un entrepreneur innovateur «visionnaire».

A partir de l’étude empirique d’un dispositif de sensibilisation à l’entrepreneuriat des étudiants de l’Université d’Evry Val d’Essonne (300 étudiants de licence sur un thème «Hôpital du futur»), nous étudions les objets produits par eux. Objets témoins de la transformation de l’idée en projet porté par des équipes d’étudiants autour de défis, le « poster » et le « pitch » sont des mises en récit incontournables. Du « canevas » modélisation du modèle d’affaires en amont lors de l’apprentissage, cette communication se propose d’étudier plus spécifiquement ce qui est produit en aval, car posters et pitches (par l’observation d’actions textuels et films) mettent en lumière le processus de transformation de l’idée au projet et témoignent des compétences entrepreneuriales acquises au cours de cet apprentissage. Les apports théoriques se feront autour des dispositifs d’apprentissage problème-action en lien avec la théorie de l’entreprise comme projet, et la théorie de l’action collective fondée sur le projet.

Nous partons des quatre principes pédagogiques fédérateurs identifiés par C. Verzat et O. Toutain (2015) à partir de la littérature sur le champ de l’éducation en entrepreneuriat : l’apprentissage expérientiel, la responsabilisation, l’apprentissage collaboratif, la réflexivité. L’article se structure alors autour de deux questionnements dans la pratique enseignante :

  • Comment fonctionnent ces objets médiateurs de la mise en récit du projet entrepreneurial ?
  • Quel est le rôle de ces objets dans le conflit socio cognitif (Piaget, Vigotsky, Bruner) – de l’émergence de jeux de coopération du collectif équipe projet aux dynamiques entrepreneuriales ?

Ces deux questions permettent de préciser l’usage et la fonction de l’objet, et son rôle dans la construction de la représentation de l’entrepreneur. La conclusion porte sur les enjeux pédagogiques autour de ces objets de l’apprendre à entreprendre, objets conçus dans l’action collective en tant que construction conjointe des savoirs et des relations.

À travers nos résultats nous interrogerons une troisième représentation de l’entrepreneur qui prolonge la réflexion sur certains dispositifs de sensibilisation (S. Bureau, 2013) : celle de l’entrepreneur artisan-artiste, du Bauhaus aux Hackers Spaces (M. Lallement, 2015).

Cette contribution traite des objets, langages et modes de pensée en posant la question des enjeux pour enseigner et apprendre.

F4 – De l’objet de l’autoévaluation au sujet apprenant – Sylvie Gruber Jost, Université de Strasbourg, LISEC.

Cette recherche empirique s’est intéressée à la pratique régulière de l’autoévaluation des compétences attendues dans un contexte scolaire primaire. Elle s’est déroulée en deux temps. Il y a d’abord eu une expérimentation à l’aide d’un outil numérique d’autoévaluation MAENA’Scol avec des élèves de CE1, CM1 et CM2 pour lequel la lecture était un pré-requis. Dans un deuxième temps cette recherche s’est interrogée sur la capacité des enfants identifiés en grande difficulté scolaire et suivis par le R.A.S.E.D. à s’autoévaluer. L’outil utilisé alors était un support papier imagé.

L’approche émique défendue dans cette recherche a permis de mener des entretiens en focus group après plusieurs semaines d’utilisation hebdomadaire et d’analyser la perception des élèves concernant la pratique de l’autoévaluation. Il ne s’agit pas de comparer les deux outils, mais bien de comprendre les effets d’une pratique régulière de l’autoévaluation au niveau des acteurs de la classe.

La mise en mot de cette pratique semble joué un rôle essentiel, que l’outil soit numérique ou non. L’objet de l’autoévaluation permet aux trois acteurs principaux, l’enfant, l’enseignant et le savoir, de se rencontrer. C’est un catalyseur dans le processus autopoïétique développé par Vieille-Grosjean (2009). L’objet tout seul n’existe pas, il devient vecteur sous l’influence du sujet, qu’il soit enseignant ou élève. Les résultats des entretiens et de l’observation participante de cette recherche exploratoire ont mis en lumière les éléments d’un apprentissage défensif tel que Holzkamp (1993) l’avait énoncé, ainsi qu’une communication piégée (Houssaye, 2008).

L’objet de l’autoévaluation s’est heurtée au paradigme de l’évaluation sur lequel repose tout le système scolaire jusqu’à l’école maternelle (Marcel, 2005). Mais parce que l’enseignant peut s’inscrire dans un «agir social et éthique» (Hadji, 2012, p.186), il peut lutter contre la dominance de l’évaluation. Etsi l’évaluation relève de la norme, l’autoévaluation relève de l’éthique et doit s’inscrire dans le paradigme de la pédagogique;sa mise en œuvre peut alors devenir un espace de liberté, de création et d’émancipation: un processus libératoire pour l’enseignant et un processus libérateur pour l’élève. L’enseignant se dégage d’une responsabilité unique de l’apprentissage et de l’acquisition des compétences parce que l’élève peut y prendre part. Parallèlement, l’élève se libère des contraintes d’une réponse supposée attendue de l’enseignant, l’élève s’émancipe. L’élève peut ainsi passer d’un être enseigné à un être apprenant et tendre vers un apprentissage expansif (Holzkamp, 1993).

F5 – La copie d’élève, un objet pour apprendre et enseigner – Hélène Savin, ESPE de Grenoble.

L’objet que nous évoquerons est la copie d’élève. Cette dernière fournit une trace de l’écrit scolaire de l’élève. Si l’écrit scolaire est normé, c’est-à-dire qu’il suppose un cadre et des attendus, il révèle néanmoins la stratégie discursive de l’élève à l’écrit, qu’il s’agisse d’une stratégie consciente ou inconsciente. Nous proposons d’analyser deux séries de 48 copies pour mettre en valeur les stratégies discursives des élèves à l’écrit. En quoi la copie d’élève peut-elle être un objet pour apprendre ? Pour enseigner ? L’examen approfondi des copies d’élève peut permettre à l’enseignant d’en apprendre davantage sur les stratégies particulières utilisées par ses élèves. La copie est alors un objet pour apprendre, bénéfique à l’enseignant. De plus, constituer un corpus à partir des productions écrites des élèves est propre à amener une réflexion sur la langue en classe. La copie est alors un objet pour apprendre, bénéfique à l’élève. Enfin, si l’utilisation des copies d’élève permet d’objectiver les stratégies discursives mobilisées, la prise de recul qui en résulte peut être mis à profit pour enseigner aux élèves les stratégies les plus efficaces. Ainsi, l’enseignant, une fois qu’ont été identifiées les stratégies d’écriture mobilisées par les élèves, peut, à partir d’elles construire son propre enseignement. Ce faisant, il peut faire évoluer l’écrit scolaire, et au-delà, le rapport à l’écrit. La copie est alors un objet pour enseigner. La communication prendra la forme d’un témoignage questionné. Ce témoignage s’appuiera sur l’analyse d’un extrait du corpus de notre thèse, de productions d’écrits de lycéens. Avant d’évoquer le corpus, nous précisons en quelques mots notre travail de recherche. Il s’inscrit dans la compétence « écrire » et porte sur la question de l’anaphore. Nous formulons l’hypothèse que le correcteur en considérant les productions d’écrit des apprenants comme des textes, en adoptant une posture de lecteur, pourra mettre en exergue certains des fonctionnements de l’anaphore et permettre aux apprenants de conforter et de faire évoluer leurs pratiques d’écriture. C’est pourquoi, nous analysons les capacités des apprenants à mobiliser l’anaphore en situation de production d’écrits. Nous nous questionnons en même temps sur la posture de l’enseignant, en cherchant à savoir si une posture de lecteur permet de mieux explorer les écrits de ces derniers.

Ainsi, la copie est un objet central, et ce à la fois pour l’apprenant et pour l’enseignant. Nous pouvons revenir à présent au corpus de notre thèse. Il est composé de copies d’élèves (lycée, classe de seconde, français). Nous avons recueilli cinq types d’écrits différents : un article de presse, un incipit, un questionnaire de lecture compréhension, une réponse à une question sur le corpus (exercice type baccalauréat) et une partie de commentaire rédigée (exercice type baccalauréat). Pour chacun des types, nous avons 48 copies, ou moins selon les absences d’élèves. Nous annotons les copies et confrontons les analyses pour les différents types de textes. En l’état de notre recherche et pour répondre à la problématique du colloque, nous limiterons donc l’extrait du corpus à deux types d’écrits à savoir l’article de presse comme écriture d’invention, et la réponse à une question sur le corpus comme exercice normé de type baccalauréat. Ainsi, en nous centrant sur les questions que pose la gestion de l’anaphore à l’écrit, nous pourrons montrer que la copie (écrire, objet à apprendre – élève) révèle les capacités et compétences de l’apprenant (évaluer, objet à apprendre – enseignant), permet à l’enseignant de mettre en exergue la stratégie d’écriture et d’envisager une séance ou un moment de langue (temps commun, objet pour apprendre – élève et enseignant) en retour.

L’objet – copie est donc complexe ; un objet à apprendre et pour apprendre, à la fois pour l’enseignant.

Le domaine d’enseignement concerné est la langue à l’écrit, et plus précisément le lexique – l’anaphore pour la cohésion textuelle.

F6 – Création d’une séquence de cours informatisée pour reporter des résultats expérimentaux avec la précision adéquate – Céline Picron, Université de Namur.

Les activités expérimentales poursuivent divers objectifs d’apprentissage dont celui de savoir reporter des résultats expérimentaux avec la précision adéquate. En première année d’études supérieures dans un domaine scientifique, cet apprentissage débute généralement par l’enseignement de règles à appliquer. Malgré l’itération de leur usage lors des différentes séances de laboratoire, les étudiants ont des difficultés à les respecter, comme reporté dans divers articles (Guare, 1991 ; Satek, 1977 ; Treptow, 1980). Pour favoriser l’acquisition des notions nécessaires à l’écriture de résultats avec une précision adéquate, une séquence de cours en ligne composée de 6 vidéos, d’exercices et de 2 fiches a été créée sur une plateforme de cours.Elle a été construite sur base d’une analyse a priori réalisée à l’aide d’un test auprès d’étudiants et d’entretiens d’explicitations. Les données recueillies ont permis de catégoriser les difficultés et de révéler le manque de sens, pour les étudiants,des règles énoncées.Les vidéos ont été faites sur base de quatre critères établis par Kay (2014): le contexte doit être signifiant, les explications claires, la charge cognitive minimisée et les paramètres propices à l’engagement des étudiants. De plus, elles poursuivent chacune un ou des objectifs particuliers tels que:

  • Exposer et illustrer les concepts d’incertitude et de précision;-Enoncer, donner du sens aux règles et les illustrer ;
  • Expliciter certaines notions propres à l’application des règles comme, par exemple, celle de chiffre significatif ;
  • Faire des remarques particulières liées à des erreurs lors de l’application des règles ;
  • Présenter une méthode à appliquer.

Toutes les vidéos ont, comme point de départ de leur conception, une difficulté constatée lors des tests et/ou exprimée lors des entretiens d’explicitation.

Les questions de recherche concernent cette séquence de cours :

  • La séquence de cours rend-elle bien compte des différents objectifs didactiques et pédagogiques, selon l’avis d’encadrants impliqués dans l’enseignement de ce sujet ? Les attentes présupposées du parcours sont-elles remplies ?
  • La séquence de cours créée a-t-elle un impact sur les erreurs commises lors de l’application des règles permettant de transcrire des résultats expérimentaux avec une précision adéquate?

Méthodologie

Les vidéos ont été une première fois visualisées, entre octobre et novembre 2017, par 22 personnes impliquées dans l’encadrement d’étudiants de l’enseignement supérieur et enseignant les règles permettant de restituer un résultat avec une précision adéquate, afin de collecter leurs avis et remarques. Parmi ces participants, il y a deux chargés de cours en chimie, treize doctorants en chimie, deux encadrants en physique dans le domaine universitaire et sept encadrants dans des domaines scientifiques travaillant dans une haute école. Leurs opinions ont été récoltées par écrit. Les participants ont exprimé leurs avis en complétant des items selon une échelle de Likert comprenant 4 choix (Pas du tout d’accord – Pas d’accord – D’accord – Tout à fait d’accord) et se rapportant à chaque objectif poursuivi dans les vidéos. A aucun moment ils n’ont eu accès aux résultats de l’analyse a priori. Au travers du questionnaire, nous avons recueilli leur avis d’encadrant, leur ressenti quant à la démarche employée dans les vidéos pour présenter les concepts et notions. Ainsi, pour la première vidéo, ils ont dû s’exprimer sur les objectifs suivants :

  • Établir clairement le lien entre la notion de mesure et d’incertitude ;
  • Clarifier la façon de procéder à une lecture correcte d’un appareil de mesure ;
  • Expliquer clairement la procédure pour restituer des résultats de mesure de manière adéquate ;

Les encadrants ont aussi eu l’occasion, pour chacune des vidéos, d’exprimer librement leur avis en rédigeant des commentaires éventuels.L’analyse des réponses a permis d’apporter de légères modifications et de valider, du point de vue des encadrants, la séquence de cours.

Le public cible est composé d’étudiants inscrits en première année d’études en sciences pharmaceutiques et biomédicales. En 2017, un test a été réalisé auprès de 165 étudiants dans un contexte de laboratoire, avant la mise en place de la séquence. Ils ont fait les mêmes opérations mathématiques que lors d’une des activités expérimentales réalisée précédemment dans le cursus. Les valeurs impliquées sont similaires à celles qu’ils ont obtenues. Suite à l’analyse de ces tests, une série d’entretiens d’explicitation a été menée avec des étudiants volontaires. Cela a permis de catégoriser les erreurs et les difficultés afférentes. En septembre 2018, la séquence a été proposée à 363 étudiants via une plateforme de cours sur Moodle. Le même test que celui qui a été réalisé en 2017 a été effectué par environ 100 étudiants en 2018-2019, suite à la mise en place du parcours.

Quelle que soit l’année scolaire, l’analyse des tests s’est faite en listant les erreurs effectuées en fonction de l’opération mathématique réalisée. Les erreurs sont ensuite replacées dans les catégories de difficultés recensées lors de l’analyse a priori.

F7 – Co-construire un objet scolaire pour instituer une pratique scientifique avec les jeunes élèves : quelles conditions ? – Corinne Marlot, Haute école pédagogique du canton de Vaud ; Christine Riat, Haute école pédagogique BEJUNE ; Patrick Roy, Haute école pédagogique du canton de Fribourg ; Florence Ligozat, Université de Genève.

Cette contribution s’intéresse aux modalités d’entrée dans la culture scientifique des jeunes élèves. Cette acculturation peut s’envisager comme un apprentissage dans l’usage, de manières de penser, parler, lire, écrire et agir dans le cadre d’une communauté discursive disciplinaire scolaire (Bernié, 2002). Ainsi, de notre point de vue, entrer dans la culture scientifique, c’est s’approprier un ensemble de pratiques qui visent à comprendre le fonctionnement du monde qui nous entoure, pour mieux déployer ses propres actions dans ce monde, à la fois au plan individuel et au plan collectif. Cet ensemble de pratiques repose sur des manipulations d’objets matériels, symboliques et langagiers qui s’organisent selon une grammaire propre à l’enquête scientifique. Quels sont alors les types d’objets qui sont convoqués dans les premiers enseignements scientifiques, et comment les élèves sont-ils amenés à construire un rapport propre à l’enquête scientifique ? Le processus de double sémiotisation (Schneuwly, 2000), qui caractérise l’articulation entre la présentation des savoirs en jeu et la focalisation de l’attention des élèves sur les dimensions essentielles de ces savoirs, nous semble un bon candidat pour comprendre comment, au travers de la mobilisation d’objets plus ou moins scolaires, s’organise cette focalisation et s’institue une pratique scientifique.

Corpus et méthodologie

Nous exposons les résultats de l’analyse d’une séquence d’enseignement dont l’objectif consiste à caractériser le vivant par l’une de ses fonctions, la croissance. Les séances ont été filmées et analysées en croisant des outils de la didactique des sciences (évolution du statut des objets selon les moments de la démarche scientifique : Bisault et Rebiffé, 2011 et selon la théorie des 2 mondes : Tiberghien & Vince, 2005) et des outils de la didactique comparée (postures et configurations topogénétiques : Riat 2017 ; Marlot, 2014 ; Ligozat 2015). L’analyse didactique nous a permis de repérer un objet particulier sur lequel se focalise l’attention des élèves et de l’enseignant: il s’agit de l’affiche décrivant le protocole expérimental, permettant de cristalliser un moment charnière de l’activité scientifique, celui de la planification en tant que phase de transition entre la problématisation et l’investigation proprement dite. Ce système sémiotique co-construit va organiser le partage des responsabilités entre élèves et enseignant, d’une part et la possibilité d’un raisonnement scientifique à propos des besoins des végétaux, d’autre part. L’analyse topogénétique des actions didactiques, sur les plans langagiers, gestuels et matériels, nous permet de comprendre le rôle de cet objet comme (1) objet-allié des élèves favorisant une anticipation au sein de l’enquête scientifique et (2) objet-passeur en tant qu’objet emblématique d’une pratique scientifique.

F8 – Verbalisation et modélisation du processus créatif lors de la création d’objets techniques – Rachel Attanasio, Haute école du canton de Vaud, PIRACEF ; Marie-Dominique Lambert, PIRACEF

Cette communication s’inscrit dans l’axe 1, « les objets en classe : entre pratique et apprentissages, quelles attentes et quels apports ? » et concentre sur la compréhension et la modélisation du processus créatif lors de la conception et de la réalisation d’objets techniques.

L’activité de conception créative se caractérise par une phase d’idéation nécessaire à la production d’idées innovantes et adaptées à la situation (Lubart & al., 2003 ; Bonnardel, 2006). Pour permettre à l’élève de prendre conscience de l’activité de réflexion intervenant lors de la phase d’idéation, nous employons des carnets d’observation du processus créatif (Botella & Didier, 2016). La phase de recherche induit pour l’élève une prise de conscience des différents facteurs cognitifs, conatifs, motivationnels et environnementaux du processus créatif mobilisés lors de la création d’un objet technique (Attanasio & al., 2016). En nous appuyant sur l’approche multivariée du processus créatif (facteurs cognitifs, conatifs, émotionnels et environnementaux) (Lubart et al., 2003) nous tentons de mieux comprendre les différentes phases qui interviennent lors de la conception et de la réalisation d’un objet technique. Ces phases impliquent des choix et des décisions des élèves confrontés à des situations complexes. Dans le but de mieux cerner le passage de la réalisation (registre pragmatique) à la conscientisation (registre épistémique) qui participe, pour l’élève, à la construction des apprentissages nous questionnons les différentes phases du processus créatif des élèves. Nous proposons une analyse de la conscientisation des savoirs mobilisés par les élèves en revenant sur l’activité de recherche de l’élève. Nous employons dans le cadre de cette recherche une méthodologie de recherche qualitative et quantitative.

Les travaux ont été menés par une équipe franco-suisse composée de Rachel Attanasio (UER AT Formation romande PIRACEF), Marie-Dominique Lambert (Formation romande PIRACEF), Marion Botella (laboratoire LATI Université Paris Descartes), Marie-Dominique Lambert (Formation romande PIRACEF), John Didier (HEP Vaud Formation romande PIRACEF).

Références :
Attanasio, R., Lambert, M-D., Botella, M., Didier, J. (2016, octobre). Observation du processus créatif des élèves lors de la conception et de la réalisation artefact. Communication présentée au colloque La conception d’un artefact : approches ergonomiques et didactiques. University of teacher education Lausanne.
Bonnardel, N. (2006). Créativité et conception. Approches cognitives et ergonomiques. Marseille : Solal.
Botella, M., & Didier, J. (2016, octobre). Les étapes du processus créatif selon les enseignants en activités créatrices. Communication présentée au colloque La conception d’un artefact : approches ergonomiques et didactiques. University of teacher education Lausanne.
Didier, J., Botella, M., Attanasio, R., Lambert, M-D. (2016, juillet). Construction of notebook to observe the creative process of young students during complex solving problems in educational context. Communication présentée au 31e congrès international de psychologie. Université de Yokohama.
Didier, J., & Leuba, D., (2011). La conception d’un objet : un acte créatif. Prismes, 15, 32-33.
Lubart, T., Mouchiroud, C., Tordjman, S., & Zenasni, F. (2003). Psychologie de la créativité. Paris, France : Armand Colin.