Les communications réunies dans cet atelier ont traité de l’usage des objets matériels comme support d’apprentissage. Elles questionnent ces usages dans des classes de la maternelle au lycée, en mathématiques, éducation musicale, physique et Explorer le monde.
Voici ci-dessous les résumés et enregistrements des communications de l’atelier.
A1 – Miroirs en classe : des objets pour apprendre les mathématiques – Paolo Bellingeri, Université de Caen-Normandie, ESPE de Caen, LMNO et centro mathematica ; Emmanuelle Féaux de Lacroix, Université de Caen-Normandie, ESPE de Caen, LMNO ; Eric Reyssat, Université de Caen-Normandie, ESPE de Caen, LMNO ; André Sesboüé, Université de Caen-Normandie, ESPE de Caen, directeur de l’IREM de Caen.
La proposition porte sur la monstration d’objets (miroirs et carrelages, sur le plan et sur la sphère) développés depuis 2011 par une équipe de mathématiciens de l’Université de Caen dans le cadre d’un projet qui porte le nom de Labosaïque ([1,3]), et qui prend son inspiration d’une expérience portée par l’Université de Milan depuis 1999 ([2]).
Le Labosaïque est un projet visant à faire découvrir les symétries du plan et de l’espace à travers la manipulation et l’observation d’objets à la fois concrets, attrayants et ludiques. Ce matériel a pour thème l’étude des pavages et des polyèdres, mais il permet aussi d’explorer les liens entre les mathématiques et la physique des matériaux, l’art, l’architecture, la biologie… Le projet Labosaïque a pris naissance grâce au prix « Têtes chercheuses, fondation musée Schlumberger » en 2011. Depuis cette date le Labosaïque est très largement utilisé pour des interventions en milieu scolaire ou auprès du grand public. A titre d’exemple, sur les cinq années 2012-2017, l’équipe du projet a réalisé plus de 50 journées d’intervention en milieu scolaire ce qui a permis à plus de 4000 élèves de bénéficier d’un atelier.
Forte de son expérience auprès du public scolaire et devant le succès des ateliers et l’intérêt (des élèves et des enseignants) pour le matériel utilisé, l’équipe du Labosaïque a décidé de créer une version portative de plusieurs de ses ateliers en vue de diffuser ce matériel au sein des établissements scolaires et instituts de formation des maîtres, sous le nom de « Labosaïque en classe » : notre intervention va se focaliser sur ces objets et sur quelques activités corrélées (une description des objets de la version « muséale » du Labosaïque est disponible sur le site du projet et sur [3]).
Le « Palais des glaces » : lot de chambres de miroirs démontables permettant de réaliser des pavages infinis du plan. Ces chambres de miroirs permettent de visualiser l’infini, d’étudier les symétries axiales et d’aborder la notion de domaine fondamental. Les activités possibles avec ce matériel sont adaptables ainsi à tous les niveaux : de la fin du primaire à l’Université. Nous complétons notre kit avec un lot de petits miroirs sur pieds pour réaliser des activités simples sur la notion de symétrie (annexe).
Le « Kaléidospace » (en cours de développement) : lot de kaléidoscopes démontables permettant de visualiser les polyèdres réguliers et les pavages de la sphère. Nous proposons un lot de 3 « chambres de miroirs sphériques » démontables permettant de re-construire par symétries planaires les 5 solides réguliers de l’espace : le tétraèdre, le cube, l’octaèdre, le dodécaèdre et l’icosaèdre.
Le « Carreleur mathématique » (en cours de développement) : lot de pochettes de pièces colorées permettant de réaliser différents types de pavages du plan. Ces pièces se prêtent bien au public d’école primaire pour construire des pavages et permettent d’aller plus loin avec les collégiens pour l’étude des transformations du plan. Nous proposerons différents ensembles de pièces colorées et aimantées permettant de construire les différents types de pavages périodiques du plan. Grâce à leur aimantation, ces pièces pourront facilement être utilisées à la verticale sur un tableau métallique afin de présenter certaines notions à un auditoire.
A2 – L’instrument de musique fabriqué : « un objet à apprendre et pour apprendre ? » – Marlène Jouan, professeur d’éducation musicale ; Odile Tripier-Mondancin, Université Jean-Jaurès Toulouse, ESPE Toulouse Midi-Pyrénées.
Dans le cadre d’un mémoire réalisé en Master 2 Métiers de l’Éducation, de l’Enseignement et de la Formation, Mention second degré, Parcours éducation musicale, intitulé « Fabrication d’instruments de musique au collège : enjeux actuels et savoirs mis en jeu », nous nous sommes interrogées sur la problématique suivante : « Alors que des projets de récupération d’objets du quotidien et/ou de fabrication d’instruments visant la pratique musicale sont médiatisés sur Internet, l’institution scolaire (limitée au collège dans cette étude) s’en empare-t-elle ? Si oui, quelles sont les finalités visées par ce type d’activité ? Quels savoirs sont alors mis en jeu ? ». En termes d’hypothèse générale, nous avons posé que des projets de récupération d’objets du quotidien et/ou de fabrication d’instruments visant la pratique musicale ont une place au collège et permettent de développer des savoirs chez les élèves dans diverses disciplines. Quatre entretiens ont été réalisés auprès de deux enseignants (Éducation Musicale et Technologie) et de deux élèves issus de deux classes de quatrième. Les résultats ont été analysés selon le modèle de A. Tricot et M. Musial (2008) et son évolution (Musial, Pradère et Tricot, 2012). Ce modèle s’inscrit dans une des théories de la connaissance développée en psychologie cognitive et importée en ingénierie pédagogique notamment en génie mécanique, biotechnologie et plus récemment dans des travaux de recherche sur l’éducation musicale (Tripier-Mondancin, Maizières, Tricot, 2015 ; Maizières, Tripier-Mondancin, 2017). En effet, il nous intéressait particulièrement de vérifier si les différents formats de connaissances (concept, méthode, savoir-faire et représentation) étaient déclarés enseignés par les enseignants et déclarés appris par les élèves, ce qui pouvait tendre à confirmer notre hypothèse. Cette étude de cas est exploratoire ; étant donné l’échantillon les résultats ne sont pas généralisables. Au regard de notre discussion, ce projet peut se concevoir au sein d’un Enseignement Pratique Interdisciplinaire au collège. De plus, ce sont des savoirs liés à des formats de connaissances de type « procédurales » (savoir-faire et méthodes) qui sont majoritairement développés, selon le modèle de A. Tricot et M. Musial et Pradères (2008 ; 2012) ainsi que des savoirs-être (autonomie, travail de groupe) proposés par le modèle de Leroy, J.-L. (2018). Selon les élèves, utiliser l’instrument fabriqué comme support de travail semble donc changer la manière d’enseigner mais également celle d’apprendre au sein du collège. La mise en place d’une démarche hypothético-déductive et de tâtonnement expérimental peuvent donc donner à l’instrument fabriqué un rôle de « passeur » de savoir.
A3 – Choix d’objets utilisés par les enseignants de physique-chimie au lycée pour l’étude du principe d’inertie en seconde – Pascale Kummer, STEF, ENS Cachan.
Parmi les disciplines « scientifiques » du lycée, la « physique-chimie » réunion de deux matières enseignées par un seul corps enseignant, fait partie (jusqu’en 2019) du tronc commun obligatoire en seconde. Elle s’est longtemps définie par son caractère expérimental. Si ces « activités expérimentales » restent de mise, elles sont devenues (depuis 2010 au lycée) une des démarches possibles parmi les « démarches d’investigations » prônées par l’éducation nationale. En effet, l’analyse des manuels et programmes de physique-chimie de seconde sur les vingt dernières années montre une augmentation de l’étude de documents, proposée sous l’appellation « activité documentaire » qui va de pair avec une diminution (en nombre et taille) des objets à étudier. Afin de vérifier ce qu’il en est des ressources choisies par les enseignants (Recherche réalisée dans le cadre du projet RéVea), nous avons opté pour un cas d’étude, un sujet classique en mécanique le « principe d’inertie » loi que l’on peut énoncer ainsi : « un objet conserve son état de repos ou son mouvement rectiligne à vitesse constante tant qu’il ne subit aucune force ».
Une certaine liberté pédagogique, semble laissée à l’enseignant car le programme n’indique ni une formulation de la loi, ni de situations ou systèmes à étudier. Il suggère la réalisation par les élèves d’enregistrements vidéo d’objets en mouvement et précise que la loi doit être « utilisée » pour « analyser des mouvements en termes de forces ».
Un ensemble de données mixtes ont été analysées concernant trois enseignants avec lesquels entretiens semi-directifs et observations de classe ont été réalisées dans le but de repérer, quels types d’objets étaient utilisés, avec quelles modalités, et quels étaient leurs rôles dans les activités proposées par l’enseignant. Ont aussi été recueillies les traces des supports papiers ou numériques fournies aux élèves.
Nos résultats montrent des convergences entre les trois situations, en particulier la présence de vidéos concernant des objets en mouvement, objets et activités identiques ou proches de ce que proposent les manuels de seconde du programme en vigueur ou d’anciens manuels. Les spécificités des vidéos concernent leur nature (compétition sportive, industrie automobile, réalisée par les élèves), leur statut (grand public, professionnelle, scolaire), le format pédagogique adopté (collective, en binôme), leur fonction didactique (illustration, expérience virtuelle, acquisition de données expérimentales). Les convergences peuvent être mises en rapport avec les curriculum prescrit et potentiel, tandis que les spécificités du curriculum produit relèvent d’un processus de choix personnels liés aux motivations des enseignants, mais aussi aux contraintes ou limites qu’ils ont rencontrées. Tandis que les démarches scientifiques mises en œuvre pour l’enseignement de la loi (inductive, déductive) ne font pas partie des choix explicités par les enseignants.
A4 – Moulin à vent, aimant, bateau… : des objets à apprendre ou pour apprendre à l’école maternelle – Céline Chanoine, Université de Picardie Jules Verne, CAREF.
Cette communication présente certains résultats d’une recherche doctorale sur l’éducation scientifique à l’école maternelle visant à proposer un curriculum possible pour l’école maternelle à partir d’objets du quotidien. Cette recherche pose un double questionnement :
- Comment appréhender la pratique des enseignants dans le domaine « Explorer le monde » qui ne relève pas de leurs préoccupations premières ?
- Comment penser une éducation à visée scientifique en maternelle exigeante et réalisable sans l’envisager en approche strictement disciplinaire ?
Partant du constat d’une éducation scientifique peu et souvent mal mise en œuvre à l’école maternelle, nous proposons de tenir compte des spécificités de l’école maternelle, notamment du jeune âge des élèves et de la professionnalité de ses enseignants tout en étant attentifs aux exigences épistémologiques des sciences (Bisault, 2011).
Aussi, nous proposons ici d’analyser les réponses données à un questionnaire portant sur la description de pratiques dans le domaine « Explorer le monde du vivant, des objets et de la matière » à l’école maternelle. Il s’agit de pratiques ordinaires que nous analysons selon trois dimensions : les objets, les tâches et les visées. Nous sommes amenés à distinguer différents objets (objets-cible, objets d’attention communs, objets-artefacts) que nous détaillerons, dans la mesure où nous constatons des évolutions et « entremêlements » d’objets sur une même description de séquence. Cette distinction établie, nous avançons les résultats suivants :
- Nous constatons une grande diversité de mises en œuvre du curriculum fondé sur les objets, nous proposons alors de qualifier ces séquences de « non calibrées » ;
- Cette diversité de mises en œuvre nous conduit à proposer cinq modes didactiques : le mode « expériences sensorielles », le mode « processus de catégorisation », le mode « processus explicatif », le mode « démarche rationnelle explicitée » et le mode « conceptualisation-objet » d’un curriculum possible à l’école maternelle. Nous inscrivons ces modes dans un système plus large, en tension entre trois pôles principaux repérés par Joël Lebeaume (2011) : l’axe des expériences-actions, l’axe des compétences et l’axe des connaissances ;
- Dans ce système, nous constatons que les objets sont considérés comme des éléments constitutifs (objets à apprendre) ou contributifs (objets pour apprendre) au curriculum d’éducation scientifique ; nous questionnons, à travers cette distinction, la pertinence d’une distinction, dans les textes institutionnels entre « l’exploration du monde de la matière » et « l’exploration du monde des objets ».
En conclusion, notre approche qualitative de didactique curriculaire nous invite à proposer un curriculum possible pour l’éducation scientifique à l’école maternelle, en questionnant le rôle de l’objet dans ce curriculum et en envisageant la possibilité de la construction d’un objet d’investigation scientifique scolaire, fondé sur la notion de concept-objet proposé par Martinand (1994) et expérimentée par Bisault (2011).