Pour être efficaces, les moyens de lutte doivent se situer dans
deux zones bien distinctes :
- une zone émettrice de ruissellement,
- une zone sensible accumulant les précipitations.
Ces deux zones correspondent donc à deux limites différentes auxquelles doivent s'adapter des mesures différentes.
Figure 1: moyens à mettre en oeuvre contre l'érosion ( d'après F. Derancourt, 1995).
Deux aspects sont donc à prendre en compte :
1.1.1.Non déchaumage pendant l'interculture
Il permet de maintenir un effet de "mulch" (couverture végétale
morte) qui diminue fortement l'impact des précipitations, le sol
n'étant pas travaillé, il reste résistant aux incisions.
Pour les récoltes de fin de printemps il permet entre autre de garder
l'humidité du sol pour la restituer en été. Il est
principalement recommandé dans les zones de concentration ou tout
ameublissement du sol est à proscrire et dans les zones de fortes
pentes et de ruptures de pentes.
1.1.2.Non labour
Il présente deux effets opposés selon sa position géographique,
sur le plateau (impluvium) ou dans la vallée (zone de concentration
du ruissellement). En effet il permet de garder un sol compact et peu sensible
à l'arrachement dans la zone de ruissellement concentré (située
en général en fond de vallée), il favorise au contraire
le ruissellement si la parcelle est située sur l'impluvium du fait
de sa faible capacité d'infiltration.
1.1.3.Cultures intermédiaires
Outre le fait de diminuer l'impact des gouttes de pluies , le couvert
végétal constitue un exceilent piège à nitrate.
Il existe quatre techniques d'implantation :
- semis sous couvert avant récolte du blé ;Exemple : (implantation en août) seigle, radis, moutarde, phacélie, vesce, ray-grass d'Italie RGI), ray-grass d'Angleterre fourrage (RGA), RGA gazon, ces deux derniers étouffent difficilement les mauvaise herbes. Après le 15 septembre l'efficacité du couvert diminue, leur destruction s'effectue avant le mois de janvier.
- semis sur chaumes sans travail du sol ultérieur ;
- semis sur chaumes avant déchaumage, juste après récolte ;
- semis sur chaumes avant déchaumage trois semaines après récolte.
Intérêts des semis d'engrais vert :
1.2.2. Utilisation d'équipements permettant de répartir
les charges des engins
Le tassement du sol par les engins agricoles est un facteur défavorable,
les traces servent fréquemment de réseau de collecteur des
eaux de ruissellement. L'importance des tassements et des ornières
varie selon le matériel utilisé (tasse-avant, roues jumelées,
pneus larges...).
1.2.3.Favoriser les céréales d'hiver aux cultures de
printemps (betteraves et pomme de terre).
Elle permettent d'obtenir un couvert végétal susceptible
de freiner l'impact des précipitations fréquentes en hiver,
et d'absorber le surplus d'azote susceptible de ruisseler vers les cours
d'eau. Mais la rentabilité reste l'une des préoccupations
majeures des agriculteurs et constitue souvent un frein à leur mise
en place.
SOURCES | TYPES | TENEURS EN M.O. (1) |
Résidus de récolte | Pailles
Colza Betteraves Engrais verts |
800 à 1 000 kg/ha
1 200 à 1 500 kg/ha 800 kg/ha 500 kg/ha |
Déchets animaux | 80 à 100 kg/tonne | |
Apports extérieurs | 60 Kg/tonne
70 à 80 kg/tonne (2) |
Tableau I-3 : Récapitulatif des différentes sources de
Matières Organiques (source: F. Derancourt).
1.3.2 Par l'amendement calcique
Nécessaire à la floculation du complexe argilo-humique;
il faut maintenir un taux de calcaire d'au moins 3 % et un pH entre
7,5 et 7,8 sachant que la consommation annuelle est d'environ 0,5 à
1 tonne par hectare de carbonate de calcium. Il donne au sol une structure
plus stable, moins apte à produire une croûte de battance.
PRODUITS | SOL EN ENTRETIEN
apport annuel |
SOL EN REDRESSEMENT
apport annuel |
carbonate ou craie broyée | 1 tonne/ha | 5 tonnes/ha |
Ecumes | 2,5 | 12 |
Boues chaulées | 4 | 22 |
Marnes | 3 | 20 |
Tableau I-4 : Les différentes sources d'apport d'amendements calciques (source: F. Derancourt).
1.3.3.Favoriser le tassement sur les zones de passage d'eau
Pour constituer une bande de sol compact et ainsi augmenter la résistance
du sol et la largeur d'étalement de l'écoulement.
La limite de cette méthode dépend de la pente qui doit
être inférieure à 2-3 % et des débits qui doivent
être faibles.
(Figure I-12- Source : Derancourt. F)
1.3.4.Eviter l'affinement excessif
Pour éviter la formation de la croûte de battance en travaillant
sur sol bien ressuyé, en limitant les passages et en regroupant
les outils (peu agressifs et adaptés au type de sol).
(voir Schéma n°I-3)
Un travail perpendiculaire à la pente évite l'accumulation de l'eau au fond de la parcelle en même temps qu'il limite la prise de vitesse de l'eau lors du ruissellement. En diminuant son énergie cinétique, il diminue aussi les risques d'incisions ou de coulées de boue.
1.4.2. Eviter le tassement du sol à l'intérieur des
parcelles par les engins agricoles :
car le risque de ruissellement augmente fortement avec le pourcentage
de surface tassée et le degré de tassement.
Le tableau ci-dessous reprend à titre indicatif les surfaces
recouvertes par les traces de roues en fonction de la culture et des opérations:
Opérations culturales | Travail du sol, déchaumage | Semis de céréale, pois, lin | Semis de maïs, betterave pomme de terre | Récolte de maïs, betterave sucrière, pomme de terre |
Pourcentage de surface recouverte par les traces de roues | 0 % | 0 à 5 %
(si traitement herbicide) |
15 à 40 % | 70 à 80 % |
Tableau I-5 : Pourcentage de surface recouverte par les traces de roues
en fonction de l'opération culturale.
1.4.3.Alterner les cultures sur un bassin versant : assolement judicieux
et en commun.
Les agriculteurs organisent leurs successions culturales à partir
d'assolement comme la betterave, la pomme de terre ou le maïs. Il
s'agit dans l'ensemble d'une rotation triennale avec de temps à
autres l'introduction en fin de succession du lin ou du maïs.
Pour les assolements qui favorisent les sols nus en hiver avec des
chantiers de semis à risque au printemps, il est conseillé
d'introduire des cultures intermédiaires pour couvrir la surface,
réduisant ainsi fortement les risques d'érosion et de ruissellement
(pratique particulièrement développée chez les grosses
exploitations légumières).
Les parcelles d'un même versant étant bien souvent cultivées par des exploitants différents, iI est intéressant qu'une concertation se mette en place pour le choix des assolements.
Exemple de rotation : Blé-Betterave-Escourgeon
1.4.4.Découpage du parcellaire.
La réduction des surfaces cultivées avec l'implantation
de haies conduit à une diminution des zones de concentration en
eau et permet d'obtenir un bassin versant circulaire où le
ruissellement est plus facilement contrôlé.
1.4.5. Binage
(ex: couvert végétal sous maïs).
Semer du RayGrass d'Italie sous couvert de maïs est une technique
qui permet d'obtenir un couvert hivernal efficace après maïs
qui va piéger les nitrates et limiter l'érosion (les techniques
d'implantations sont disponibles dans les Chambres d'Agricultures ). Implanter
un couvert, c'est aussi améliorer la structure du sol, limiter le
ruissellement des produits phytosanitaires, économiser l'azote pour
la culture suivante.
Les aménagements généralement proposés sont prévus pour lutter contre les phénomènes chroniques. Ils ne sont pas dimensionnés pour faire face à des événements de fréquence rare, mais au mieux, de fréquence décennale (pluie apparaissant statistiquement une année sur dix). Un niveau de protection supérieur exige des ouvrages de capacités plus importantes donc des emprises plus vastes.
2.2.1.Limiter les volumes de ruissellement
2.2.1.1.La bande enherbée
Elle peut de jouer un double rôle : elle permet de lutter à
la fois contre l'érosion et contre les pollutions des cours d'eau
par les produits phytosanitaires d'origines agricoles et le ruissellement
des matières en suspension.
Figure2 : Exemple de localisation de bandes enherbées (d'après Groupe `dispositifs enherbés' du CORPEN )
La localisation des bandes enherbées répond à plusieurs
principes. Elles peuvent être :
- en position d'intercepter transversalement le ruissellement diffus
au sein de la parcelle, ou en bordure de celle-ci (n°l, 2, 6) : dans
ce cas, elles freinent l'eau, retiennent des sédiments etjouent
le rôle de diffuseur (limite la concentration de l'eau).
- en position de canalisation du ruissellement, c'est-à-dire
qu'elle est implanté dans l'axé du talweg (n°4). Dans
ce cas, elle empêche le décollement des particules terreuses
dans la zone déprimée. Elle est positionnée de sorte
à guider l'eau vers l'aval sans emporter les sédiments.
- en position de banquette d'adsorption, de diffusion associant au
filtre une dépression aménagée en amont qui exerce
un triple rôle ; décantation, infiltration et répartition
de la lame d'eau ruisselante sur le filtre provenant de l'amont (n°3
et 5). En limitant le ruissellement à l'amont, on favorise davantage
l'infiltration de l'eau.
2.2.1.2.Dissociation zones émettrices amonts et zones de pente
En fonction du sens du travail du sol, le plateau va diriger le ruissellement
vers les fourrières(zone où l'agriculteur relève les
outils de la machine lors de son passage). Pour éviter la concentration
de l'eau en fonds de talweg, des bandes enherbées et des fossés
de rétention sont installés sur toute la longueur correspondant
à la zone de collecte du ruissellement.
Figure I-14-b : Aménagement anti-érosion
2.2.2.Limiter la concentration du ruissellement et créer des zones de dépôts
Ces ouvrages de stockage du ruissellement situées en général à l'interface entre les terres cultivées et les zones urbanisées n'ont pas d'effet sur l'érosion elle-même (si elles sont bien entretenues) mais sert seulement à la contenir.
- les plis ou modelés.
- les barrages en balles de paille.
- les diguettes avec fossés de stockage. - les mares tampons.
- les talus et bandes boisées.
- les haies.
- les banquettes d'absorption-diffusion.
- les bandes enherbées qui empêchent l'arrachement du sol sur les passages en eau.
En jouant le rôle de barrière et en déviant
les écoulements, les haies peuvent protéger une partie des
surfaces du bassin versant. Elles peuvent favoriser l'infiltration des
nitrates avec d'autres produits phytosanitaires et donc leur piégeage,
mais cela dépend beaucoup des pratiques culturales.
Des risques existent selon le mode d'implantation de ces ouvrages. La maîttise de l'évacuation des eaux est primordiale, elle dépend beaucoup de l'entretien des aménagements.
2.2.3.Ouvrages pour protéger les chemins d'eau et organiser l'écoulement
- chenal enherbé :iI sert à acheminer l'eau en évitant l'incision et permet d'éviter le caractère boueux aux inondations. Il permet aussi de filtrer les matières en suspension en créant des dépôts. Les résidus de fauche sont destinés au compostage ou à l'incinération mais en aucun cas ils ne doivent servir pour l'alimentation animale.Tous ces ouvrages correspondent néanmoins à des actions limitées et apparaissent comme des solu6ons secondaires et coûteuses, d'ou l'intérêt de développer les actions préventives agronomiques.
- fossés de drainage (ou barrages filtrants) et ouvrages de canalisation. Ils peuvent faire office de bassins de rétention, puisque l'eau est ralentie et donc en partie stockée à l'amont des aménagements.
- Réseau hydraulique cohérent.
2.2.4.Ouvrages pour protéger les zones bâties des inondations
Il s'agit en général d'ouvrages de grandes dimensions pouvant supporter des volumes d'eau engendrés par des pluies décennales ou centennales.
- Bassin de rétention.2.2.5.Pour les secteurs urbanisés
- Les bassins d'orages
- Aménagement des exutoires pour une bonne répartition des eaux en aval.
- Ralentir le transit des eaux de ruissellement par des bassins de rétention (coûts d'entretien élevé).
- Suivre le développement des surfaces imperméabilisées (toitures, routes, parking, trottoirs...) pour contrôler la vitesse de ruissellement.
Les aménagements les plus efficaces pour lutter contre l'érosion
sont à mettre en place lors du remembrement (Prise en charge de
certains coûts pour moitié par le département).
Un principe général doit être respecté : les aménagements doivent représenter une contrainte minimale pour les exploitants. Ainsi ils seront toujours disposés parallèlement au sens du travail du sol.
En dehors du cadre d'un remembrement, la mise en place d'action de lutte contre l'érosion se fait en plusieurs étapes :
- une concertation entre agriculteurs au niveau du bassin versant sur le choix des assolements. Celles-ci évitera par exemple que des versants entiers soient occupés uniquement par des cultures de printemps.Dans le département de la Somme, l'organisation du suivi agronomique et de la mise en place des aménagements prévus est souvent effectuée par la SOMEA (Somme Espace et Agronomie : association de 1901 constituée par le Conseil Général de la Somme et la Chambre d'Agriculture) qui s'occupe des études de bassin versant.
- une étude préalable pour inventorier les phénomènes d'érosion, rechercher leur cause et proposer des remèdes en concertation avec les agriculteurs, les élus des bassins concernés et les riverains ;
- un recours à une entreprise de travaux publics ou à la DDE par exemple ;
- un suivi de réalisation ;
- un entretien périodique des aménagements.
DERANCOURT F. (1995) - Erosion des terres agricoles, méthodologie
proposées à l'étude de bassins versants agricoles.
Rapport Chambre d'Agriculture Pas-de-Calais.
LUDWIG B. (1992) - L'érosion par ruissellement concentrée des terres cultivées du Nord du Bassin Parisien. Thèse, Univ. Louis Pasteur, Strasbourg, 200 p.