LA PROTECTION DE LA QUALITE DE LA RESSOURCE EN EAUX SOUTERRAINES
par
Vincent FURRY (*)
1. La QUALITE des CAPTAGES
La protection de la ressource en eaux souterraines consiste au contrôle des ouvrages qui mettent ces eaux en communication avec la surface pouvant être source de pollution, il s’agit des puits et forages. Il n’y a malheureusement pas de normes officielles à respecter pour ce genre d’ouvrage.
Certains aménagements de protection des eaux souterraines, comme des cuvettes de rétention sous les réservoirs de carburant de motopompes, ne peuvent par exemple être rendus obligatoires que lorsque l’ouvrage de prélèvement est soumis au régime de l’autorisation prévu par la loi sur l’eau de 1992.
Il n’existe malheureusement pas non plus de normes à respecter, lorsqu’il s’agit de reboucher un ouvrage de prélèvement inutilisé ou à l’abandon.
Actuellement, une charte du foreur est en cours d’élaboration par un groupe de travail formé de professionnels, de représentants des administrations compétentes en matière de police des eaux sous l’égide du Ministère de l’Environnement. Les foreurs qui signeraient cette charte s’engageraient sur l’honneur à respecter toute une série de prescriptions techniques lors de la réalisation de l’ouvrage de prélèvement d’eaux souterraines.
2. La POLLUTION par les INSTALLATIONS INDUSTRIELLES et les DECHARGES
Le cadre technico-réglementaire dans ce domaine des dispositions nécessaires à prendre dans le cas d’installations en activité a été précisé par l’arrêté ministériel du 1er mars 1993 relatif aux prélèvements et à la consommation ainsi qu’aux rejets de toute nature des installations classés pour la protection de l’environnement soumises à autorisation (Journal Officiel du 28 mars 1993) et par la circulaire d’application du 26 mars 1993 (non publiée au Journal Officiel).
Des points d’observations de l’état des nappes en amont et en aval des installations, potentiellement polluantes, sont actuellement systématiquement mis en place en PICARDIE.
Le traitement des pollutions de sol et de nappes, héritées du passé, pose un problème très ardu, du fait de son ampleur et par l’absence fréquente de responsable identifiable et solvable qui puisse être soumis à une contribution financière.
Le Ministère de l’Environnement a effectué en 1994 un recensement des sites et sols pollués qui dénombre 669 sites pour le territoire national dont 4 sites pollués dans le département de l’AISNE, 17 dans celui de l’OISE et 5 dans celui de la SOMME.
Si l’on tente une estimation des sites potentiellement pollués, l’effectif atteint 300 000 pour le territoire national. La priorité de traitement des sols doit être attribuée aux sites où il y a risque d’atteinte ou atteinte des eaux souterraines.
3. La POLLUTION par les AGGLOMERATIONS
La pollution des nappes, à l’aval des agglomérations urbaines, est la résultante des multiples pollutions chroniques et accidentelles provenant directement ou indirectement des activités humaines :
- activités industrielles (voir paragraphe précédent) ;
- activités commerciales ;
- assainissement individuel et collectif.
Actuellement, l’assainissements collectif et les ouvrages d’assainissements individuel sont performants, il n’en est pas forcément de même pour les ouvrages et les installations anciennes.
Il est intéressant de connaître, par agglomération :
- le taux de collecte théorique et réel des effluents traités dans la station d’épuration ;
- l’âge moyen du réseau ;
- le type du réseau : séparatif ou unitaire ;
- le nombre et l’exutoire dans le milieu naturel des déversoirs d’orage ;
- les habitations dont l’assainissement individuel n’est par conforme à la législation en vigueur.
D’après la publication du bulletin du Réseau National des Données sur l’eau du Ministère de l’Environnement (1996) :
* dans le bassin ARTOIS-PICARDIE
- la pollution brute urbaine moyenne s’élève à 6 504 100 équivalents/habitants ;
- le taux de collecte moyen est de 57 % ; - le taux de dépollution moyen est de 38 %.
* dans le bassin SEINE-NORMANDIE
- la pollution brute urbaine moyenne s’élève à 21 382 400 équivalents/habitants ;
- le taux de collecte moyen est de 50 % ; - le taux de dépollution est de 36 %.
Ces chiffres sont évocateurs et démontrent que du travail reste à faire afin que les zones urbaines polluent moins les eaux superficielles et souterraines qui sont l’exutoire des effluents après traitement.
4. LA POLLUTION par les TRANSPORTS
Les axes de transport sont des lieux de concentration d’émission de pollutions chroniques ou accidentelles.
La pollution des eaux, due à la circulation routière, est :
- chronique : par les poussières, les matières minérales, les métaux lourds, les gaz d’échappement, l’utilisation d’herbicides le long des rails de sécurité et à proximité de la signalisation ;
- saisonnière : par l’utilisation de sel de déneigement ;
- accidentelle : par déversement de produits polluants dans le milieu naturel lors d’accidents de la circulation.
D’après le décret n° 93.742 du 29 mars 1993 (Journal Officiel du 30 mars 1993) relatif aux procédures d’autorisation et de déclaration prévues à l’article 10 de la loi sur l’eau du 03 janvier 1992, les rejets routiers peuvent être réglementés, tant quantitativement que qualitativement :
- les débits maxima des rejets dans le milieu naturel dans les eaux superficielles ou par infiltration peuvent être plafonnés ;
- les paramètres physico-chimiques maxima des rejets peuvent être aussi imposés.
La pollution des eaux, due à la circulation ferroviaire, est :
- chronique : par l’utilisation des herbicides pour traiter le ballast des voies ferrées ;
- accidentelle : par les accidents de circulation, ceux de CHAVANAY (LOIRE) en 1990 et du 13 janvier 1993 à LA VOULTE (ARDECHE).
L’estimation des risques de pollution des eaux souterraines implique :
- la connaissance des concentrations par aquifère des concentrations en plomb, métaux lourds, hydrocarbures, chlorures ;
- la cartographie des axes de circulation faisant mention des points de rejets des eaux de ruisellement dans le milieu naturel et du milieu récepteur : eaux superficielles ou eaux souterraines.
L’expérience a montré que l’efficacité de l’intervention contre les pollutions accidentelles est fonction :
- de la rapidité d’intervention ;
- de l’expérience et la compétence des intervenants, d’où la nécessité d’avoir des unités d’intervention toujours disponbles et de grande technicité.
L’utilisation d’herbicides biodégradables ou du désherbage thermique, comme cela se fait autour des sources d’EVIAN, sur les voies ferrées et sur les voies de circulation, pourrait en limiter les teneurs rencontrées dans les eaux souterraines et superficielles.
Les oléoducs provoquent aussi de plus en plus en France des pollutions accidentelles. La Direction des Hydrocarbures du Ministère de l’Industrie a recensé en France :
- 1 accident en 1992 sur la canalisation DUNKERQUE-CAMBRAI : perte de 1 000 M3
- 3 accidents en 1993 : 1 sur l’oléoduc LE HAVRE-PARIS (perte de 1 000 m3) ; 1 sur l’oléoduc ESPIGNETTE-NOVES (perte de 101 m3) ; 1 sur l’oléoduc Indo-européen lors de sa mise à l’épreuve d’étanchéité de fréquence décennale ;
- 5 accidents en 1994.
Afin de lutter contre ces pollutions accidentelles, des moyens de contrôle d’étanchéité, de détection de fissures, des mouvements des canalisations, de suivi de la corrosion éventuelle, sont de plus en plus utilisés.
5. Les POLLUTIONS DIFFUSES d’ORIGINE AGRICOLE
Qu’est-ce qu’une pollution diffuse : c’est une pollution qui ne peut être collectée et qui est influencée par l’alimentation de la nappe souterraine considérée. C’est donc une pollution qui est gérée au niveau de la surface d’alimentation de l’aquifère. Contrairement aux pollutions ponctuelles qui n’ont en général qu’un effet limité dans l’espace, une pollution diffuse, même peu intense, agissant sur l’ensemble de la surface d’alimentation, peut avoir une influence spatiale énorme.
5.1. NATURE de ces POLLUTIONS
Le constat de l’impact des activités agricoles sur la qualité des eaux n’a été fait qu’à la fin des années 70. Un rapport sur la réalité et les mécanismes de cet impact a été produit sous la responsabilité d’un scientifique. C’est le rapport HENIN : résultat du travail du groupe de travail interministériel « Activités agricoles et qualité des eaux » qui reconnaissait « une vague de nitrates qui migre lentement de la surface du sol vers les aquifères ». De plus, il précisait qu’il serait nécessaire que des recherches soient entreprises à propos du devenir du phosphore, des produits phytosanitaires et des métaux lourds dans les sols et dans les eaux ».
Aujourd’hui, 16 ans après ce rapport, autant il existe des normes à respecter dans les eaux souterraines et superficielles, autant il n’existe qu’un projet des seuils d’alerte en pollution des sols datant de 1994 et qui n’a toujours pas été entériné par décret à ce jour.
* Pollution par le nitrates
La consommation de nitrates en agriculture s’élève à 2 500 000 tonnes en 1990. Des pratiques de surfertilisation, une mauvaise gestion des résidus de récolte et des déjections animales, et le maintien des sols nus en hiver pendant la saison pluvieuse entraînent des pertes plus ou moins importantes, estimées en moyenne sur le territoire national à 10 % des apports d’azote annuels et de 1 % du stock d’azote du sol, ce qui correspond à 30 kg d’azote par hectare, soit de quoi amener 5.109 m3 d’eaux souterraines à une teneur de 50 mg/l de nitrates : Concentration Maxima Admissible (C.M.A.) pour une eau potable. Ce chiffre est absolument énorme. Il est à comparer avec la consommation annuelle en eau potable, estimée avec comme base de calcul à 200 m3/habitant et par an, ce qui fait 14.109 m3.
A l’examen des résultats précédents, il est évident qu’il est plus que temps d’agir pour modifier cet état de fait, et qu’il est techniquement possible de diminuer les pertes de nitrates vers les eaux souterraines, mais non de les juguler complètement.
* Pollution par les phosphates
L’acide phosphorique est fixé par les sols, cette fixation pouvant aller jusqu’à l’insolubilisation. Actuellement, la pollution par les phosphates concerne les eaux superficielles. L’incidence des apports de phosphates vers les eaux souterraines n’est pas prise en considération.
* Pollution par les produits phytosanitaires
La conclusion du rapport HENIN, déjà cité, était que la part non lessivée pouvait être retenue par les sols ou détruite par des processus physico-chimiques ou biochimiques, avec un risque d’entraînement ultérieur dans les eaux souterraines par érosion, le risque essentiel étant l’accident de manipulation.
La situation a évolué dans la mesure où les méthodes analytiques ont été considérablement améliorées et qu’il est constaté la présence de produits phytosanitaires dans les eaux souterraines à des doses supérieures à celles admises, notamment pour la production d’eau destinée à la consommation humaine.
Contrairement au cas des nitrates, il n’est pas encore possible de parler d’évolution des concentrations constatées, mais leur seule présence est inquiétante.
Le fait que ces produits soient biodégradables n’est pas suffisant : en effet, les métabolites, issus de leur biodégradation, peuvent être parfois aussi toxiques, voire plus toxiques que le produit initial.
* Pollution par épandage de boues de stations d’épuration
En France, la production de boues, issues du cycle de traitement des eaux usées, atteint 800 000 tonnes dont 60 % sont épandus en agriculture, soit 480 000 tonnes. Ces boues contiennent entre 1 à 8 % d’azote total par rapport à la matière sèche, ce qui représente, en prenant pour base une teneur de 5 % par rapport à la matière sèche, un apport en azote total de 25 000 tonnes, ce qui fait une production de 53 000 tonnes de nitrates par an qui sont épandus sur près de 3 % de la Surface Agricole Utile (S.A.U.), soit 870 000 hectares.
A l’échelle de la PICARDIE, il est difficile d’avancer des chiffres précis d’autant plus que des boues de stations d’épuration sont importées d’autres régions : l’ALSACE notamment.
L’effet de l’épandage sur la qualité des eaux souterraines est fonction :
- des conditions météorologiques ; - du nombre d’épandages ; - des époques d’épandage ; - de l’état de couverture du sol au moment de l’épandage.
La norme AFNOR NFU 44041 donne les valeurs de référence et les valeurs limites des paramètres physico-chimiques que doivent respecter les boues et l’ensemble sol - boues après épandage. Certains micro-polluants organiques et chimiques sont également présents dans les boues de stations d’épuration et ne sont pas évoqués dans cette norme qui est donc incomplète à ce jour.
5.2. ACTIONS ENTREPRISES pour LUTTER contre ces POLLUTIONS
Pour lutter contre ces pollutions, une politique a été arrêtée dès 1984. Elle a consisté à privilégier dans un premier temps la voie de la concertation et de la persuasion par rapport à l’usage de la réglementation ou de l’incitation éconimique.
Pour conduire cette politique, ont été mis en place : le CORPEN (Comité d’Orientation pour la Réduction de la Pollution des Eaux par les Nitrates, phosphates par décision interministérielle du 20 février 1984, et depuis 1992, les pesticides provenant des activités agricoles) ainsi que la Mission «Eau - Nitrates », mission interministérielle créée par les Ministres chargés de l’Agriculture et de l’Environnement et chargée du secrétariat du CORPEN.
Le CORPEN peut faire, aux Ministres concernés, toutes suggestions qui lui paraissent utiles pour réorienter, compléter ou renforcer les programmes d’actions et de recherches engagés pour accentuer la lutte contre la pollution d’origine agricole.
Les travaux menés par les organismes, tels que l’I.N.R.A., le C.N.R.S., les Universités, le C.E.M.A.G.R.E.F., le B.R.G.M., permettent d’améliorer les connaissances sur :
- la dénitrification ;
- la connaissance des aquifères et de leur vulnérabilité ;
- le traitement des effluents ;
- la biodégradation des produits phytosanitaires ;
- le transfert de ces métabolites ;
- la toxicité et l’écotoxicité de ces substances.
En décembre 1992, le comité de liaison «Eau et produits phytosanitaires » créé par les Ministres de l’Environnement, de l’Agriculture et de la Santé, a pour objectif de renforcer la cohérence des actions réglementaires dans le domaine de la contamination des eaux par les produits phytosanitaires. Ce comité est en train de mettre au point une liste de molécules devant faire l’objet d’un suivi national. Cette liste est fondée sur des critères d’importance d’utilisation, de toxicité, d’écotoxicité et de processus de transfert, et sera bientôt régionalisée selon une méthode mise au point par le CORPEN.
La profession agricole a aussi entrepris de son côté des actions de sensibilisation et de conseil :
* Opération Ferti-mieux
Ferti-mieux est une opération de lutte contre la pollution des eaux par les nitrates d’origine agricole au travers de l’amélioration des pratiques de fertilisation.
Lancée en 1990, à l’initiative du Ministère de l’Agriculture, elle a reçu l’appui du Ministère de l’Environnement et le soutien de l’ensemble de la profession agricole. Elle consiste en la reconnaissance nationale, sous forme de label, d’opérations locales de conseil aux agricultures, dont le respect d’un cahier des charges, élaboré selon les recommandations du CORPEN.
Elle est gérée par l’Association Nationale pour le Développement Agricole.
Mi-1995, quarante-huit opérations étaient retenues, le nombre d’agriculteurs concernés 20 000 et la surface concernée : 1 million d’hectares. En PICARDIE, deux opérations étaient retenues :
- l’opération n° 021 concernant les collines et vallées du LAONNOIS (AISNE) ;
- l’opération n° 801 concernant le bassin versant de l’HALLUE (SOMME).
* Opération PIC-AGRI
Il s’agit d’actions de récupération de produits phytosanitaires réalisées depuis 10 ans par l’Association PIC-AGRI, créée en 1991, et qui ont permis de récupérer et de traiter 540 tonnes de ces produits.
* Les Agences de l’Eau ont lancé des études importantes pluriannuelles en 1995 qui portent sur les sujets suivants :
- Influence de l’irrigation sur l’absorption et le lessivage de l’azote ;
- Minéralisation potentielle des sols au printemps ;
- Guide méthodologique pour l’approche des pollutions diffuses par les nitrates au voisinage des zones de production d’eau potable.
* La directive « nitrates » 91/676/CEE du 12/12/91, concernant la protection des eaux contre les pollutions par les nitrates à partir des sources agricoles, a pour objectif la réduction et la prévention de ce type de pollution. Elle vise à protéger :
- les eaux servant ou destinées à la production d’eau potable, si elles contiennent ou risquent de contenir des nitrates à une teneur supérieure à celle prévue à cet usage (50 mg/l) ;
- les eaux douces ou marines qui subissent ou risquent de subir une eutrophisation.
La directive prévoit l’élaboration, pour l’ensemble du territoire, de codes de bonnes pratiques agricoles, proposés à l’adhésion volontaire de tous les agriculteurs. Elle prévoit en outre de désignation de « zones vulnérables » et la mise en oeuvre dans ces zones de mesures contraignantes sous la forme de programmes d’action.
La transposition en droit français de cette directive comporte :
- la délimitation des zones vulnérables (décret n° 1093 du 27 août 1993 (Journal Officiel du 03 septembre 1993). En PICARDIE, à ce jour, la situation est la suivante : le département de l’AISNE est entièrement classé en zone vulnérable ; le département de l’OISE est sur le point de classer quelques communes du VEXIN en zone vulnérable et le département de la SOMME n’en comporte pas.
* Le code des bonnes pratiques agricoles est précisé par arrêté du 22 novembre 1993 (Journal Officiel du 05 janvier 1994) qui est, en fait, un guide de pratiques agricoles.
* Les programmes d’action quadriennaux à mettre en oeuvre dans les zones vulnérables précitées « afin de réduire la pollution par les nitrates d’origine agricole » ont été précisés par le décret n° 96-163 du 04 mars 1996 (Journal Officiel du 05 mars 1996) et par l’arrêté du 04 mars 1996 (Journal Officiel du 03 avril 1996).
Ces programmes fixent notamment :
- les modalités de réalisation des épandages des fertilisants ;
- les périodes d’interdiction éventuelle de certains types de fertilisants ;
- les conditions particulières de l’épandage dans les zones situées à proximité des eaux de surface, dans les zones de fortes pentes, dans les situations où les sols sont détrempés, inondés, gelés ou enneigés ou dans les zones de cultures irriguées ;
- les prescriptions relatives à la capacité de stockage des effluents d’élevage ;
- les prescriptions relatives à l’établissement des plans de fumures et à la tenue des cahiers d’épandage.
Au terme de ce premier programme d’action quadriennal en 1999, la quantité d’azote contenue dans les effluents d’élevage épandus, y compris directement par les animaux eux-mêmes, ne devra pas dépasser 210 kg par hectare et par an ; cette limite ne pouvant pas dépasser 170 kg par hectare et par an au terme du programme d’action quadriennal suivant (2000 - 2003).
* Les plans de développement durable lancés par Corinne LEPAGE, Ministre de l’Environnement en 1997, peuvent aussi contribuer à l’amélioration de la ressource en eaux souterraines, mais il est encore trop tôt pour en juger les effets.
* La politique agricole commune prévoyait que les pays membres de l’Europe développent dans le cadre de cette politique des mesures agri-environnementales telles que le « retrait à long terme » de certaines parcelles et la réduction des intrants à grande échelle, ce qui n’a pas été le cas de la FRANCE.
6. Les POLLUTIONS DIFFUSES DUES à l’ASSAINISSEMENT AUTONOME
L’assainissement individuel est source d’apport de nitrates, représentant 30 000 tonnes d’azote par an, ce qui est faible mais non négligeable par rapport au flux total d’azote, toutes origines confondues, qui représente 1 million de tonnes par an.
Ce procédé d’assainissement est réglementé par :
- l’arrêté du 03 mars 1982 (Journal Officiel du 08 mars 1982) qui fixe les descriptions des différentes filières ;
- la circulaire du 20 août 1984 (Journal Officiel du 21 septembre 1984) qui fixe les modalités d’application de l’arrêté précédent ; la loi sur l’eau du 03 janvier 1992, déjà citée, qui fixe notamment les dispositions diverses sur l’assainissement non collectif ; le décret n° 93.446 du 23 mars 1993 (Journal Officiel du 25 mars 1993) qui fixe les dispositions de construction des ouvrages ;
- le décret n°94.469 du 03 juin 1994 (Journal Officiel du 08 juin 1994) qui fixe les principes d’édification de zones d’assainissement collectif et de zones d’assainissement non collectif. De plus, il définit la notion de « zones sensibles » dont les cartes sont arrêtées par le Ministre chargé de l’Environnement ;
- l’arrêté du 03 décembre 1996 (Journal Officiel du 28 janvier 1997) fixant les prescriptions techniques applicables aux systèmes d’assainissement non collectif.
Ce mode d’assainissement est donc très réglementé, et les maires ont la responsabilité du contrôle et ont de plus, au titre de leurs pouvoirs généraux de police, l’obligation d’intervenir en cas d’infraction à la législation, tant dans la conception du système d’assainissement non collectif, que dans sa gestion, ce qui est un moyen d’assurer la salubrité publique efficacement et rapidement.
7. Les PERIMETRES de PROTECTION
Afin de garantir la qualité de l’eau distribuée à la population, l’article L 20 du code de la santé publique, modifié par l’article 7 de la loi sur l’eau du 16 décembre 1964, prévoit la mise en place de périmètres de protection autour des captages d’eau potable destinés à l’alimentation humaine :
- un périmètre de protection immédiat qui doit être acquis par la collectivité propriétaire du point d’eau, clôturé dans la mesure du possible et maintenu en parfait état de propreté. Il représente le plus généralement un carré de 10 à 20 mètres de côté ;
- un périmètre de protection rapproché à l’intérieur duquel les activités risquant de porter atteinte à la qualité de l’eau sont interdites ou réglementées, notamment les exploitations de sables et graviers, les lotissements, les canalisations et les cuves d’hydrocarbures. Ce périmètre couvre le plus souvent une superficie de 4 à 5 ha ;
- un périmètre de protection éloigné, quoique non obligatoire, peut être défini. Il constitue alors une zone sensible à l’intérieur de laquelle les réglementations existantes doivent être scrupuleusement respectées et peuvent même être renforcées.
Comme le précise la circulaire du 10 décembre 1968 (non publiée au Journal Officiel) relative aux périmètres de protection des points de prélèvement d’eau, la protection à réaliser au moyen des périmètres est une protection complémentaire à celle, plus générale, prévue par la législation en vigueur sur les déversements, rejets, écoulements, dépôts directs ou indirects d’eau ou de matière. Il s’agit là de préserver les points de prélèvement d’eau des risques de pollution susceptibles de résulter d’installations diverses établies à leur proximité.
Cette protection est alors réalisée par l’interdiction ou la réglementation, en cas de besoin, de certaines activités sur les terrains situés autour des points de prélèvement.
L’article 41 du décret n° 67-1093 du 15 décembre 1967 (Journal Officiel du 19 décembre 1967) stipule que les trois périmètres de protection à établir autour des points de prélèvement d’eau sont institués au vu d’un rapport géologique établi par un hydrogéologue agréé en matière d’hygiène publique et d’eau, en considération notamment des caractéristiques de la nappe captée, des caractéristiques de l’ouvrage de captage et de son environnement.
Ce même décret, dans son article 42, précise les activités interdites ou réglementées par chacun des trois périmètres.
Ces périmètres et les servitudes qui y sont liées sont rendus effectifs par un document opposable aux tiers qui est la déclaration d’utilité publique. Ces dispositions légales s’appliquent de plein droit aux captages de création postérieure à 1964 ; par contre, pour les captages anciens, la loi ne fait qu’ouvrir la possibilité d’utiliser ces mêmes dispositions et cette même procédure. Dans la réalité, cette distinction n’est pas faite et la protection est menée sur les captages dès qu’ils concourent à alimenter en eau potable la population.
La procédure de mise en place des périmètres de protection, poursuivie jusqu’à son terme, est de fait la seule qui donne à la collectivité propriétaire d’un point d’eau potable tous les moyens juridiques lui permettant d’assurer la protection effective de celui-ci.
Elle permet :
- d’informer, lors de l’enquête publique, tous les propriétaires touchés par les différents périmètres de protection, de leurs droits et de leurs devoirs et de recueillir leurs remarques et observations concernant le projet ;
- de fonder juridiquement toute opposition à l’installation de sources de pollution (la déclaration d’utilité publique est opposable aux tiers) ;
- d’obliger, contre éventuellement des indemnités, les propriétaires ou locataires à réaliser les aménagements de protection qui peuvent être demandés par l’hydrogéologue agréé et repris dans l’arrête de déclaration d’utilité publique.
C’est au distributeur d’eau public (commune et syndicat d’eau) ou privé, propriétaire du point de captage d’eau, de demander l’ouverture de l’enquête publique, de mener à bien la procédure aboutissant à la prise de l’arrêté de D.U.P. et d’assurer l’application effective des mesures préconisées dans cet arrêté.
L’arrêté de déclaration d’utilité publique des périmètres de protection d’un point d’eau est pris par le Préfet du département considéré, au terme d’une procédure qui comprend :
- une phase de constitution des dossiers d’enquête d’utilité publique et parcellaires comprenant, outre une notice explicative sur le projet et le rapport de l’hydrogéologue agréé, un plan et un état parcellaire permettant de connaître les propriétaires réels des parcelles touchées par l’un ou l’autre des périmètres ;
- une phase de consultation des services administratifs du département, du Conseil Départemental d’Hygiène et, pour les points alimentant une population supérieure à 50 000 habitants, du Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France (décret n° 61.987 du 24 août 1961) (Journal Officiel du 2 septembre 1961) ;
- une phase d’enquêtes proprement dites. Ces enquêtes sont au nombre de deux : une enquête préalable à la déclaration d’utilité publique et une enquête parcellaire qui sont le plus généralement menées conjointement. C’est durant cette phase que les propriétaires et locataires touchés par le projet doivent faire part de leurs observations au Commissaire-enquêteur. Celui-ci établit ensuite une synthèse de ces observations et émet un avis sur l’utilité publique du projet.
Il rest alors au Préfet à entériner ou non le projet d’arrêté déclarant d’utilité publique les périmètres de protection du captage considéré.
Dès que l’arrêté est pris, la collectivité bénéficiaire doit le faire appliquer avec rigueur. C’est-à-dire qu’elle doit le plus rapidement possible :
- notifier cet arrêté à chacun des propriétaires concernés ;
- garantir la pérennité des servitudes attachées à chacune des parcelles en faisant inscrire ces limitations de droits au bureau des hypothèques du lieu de situation des immeubles ;
- acquérir et clore, s’il y a lieu, le périmètre de protection immédiat et le maintenir en parfait état de propreté ;
- vérifier que les parcelles incluses dans les divers périmètres sont bien dans un état conforme à celui prescrit dans l’arrêté.
L’instauration juridique des périmètres de protection des captages d’eau peut avoir pour conséquence pratique de restreindre un certain nombre de droits liés à celui de la propriété tels que l’occupation des sols et l’usage qui en est fait. Il paraît donc logique d’envisager le versement d’indemnités pour le(s) préjudice(s) subi(s).
L’article 8 de la loi sur l’eau du 16 décembre 1964 prévoit que les indemnités pouvant être dues aux propriétaires et occupants de terrains compris dans les périmètres de protection, à la suite de mesures prises pour assurer la protection de l’eau, sont fixées selon les règles applicables en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique.
Les éléments fondamentaux de l’évaluation des indemnités reposent donc sur le code de l’expropriation et principalement sur les articles L 13.13, L 13.14 et L13.15. Ceux-ci peuvent se résumer comme suit :
- les indemnités allouées doivent couvrir un préjudice direct, matériel et certain ;
- il sera pris en considération l’usage effectif des immeubles et droits réels immobiliers un an avant l’ouverture de l’enquête ;
- la qualification de terrain à bâtir est réservée aux terrains qui, un an avant l’ouverture de l’enquête, sont desservis à la fois par une voie d’accès, un réseau électrique, un réseau d’eau ou aux terrains situés à proximité immédiate de ces réseaux sous réserve que ces derniers soient de capacité suffisante ;
- l’entité bénéficiaire de l’arrêté de D.U.P. versera des indemnités et c’est aux propriétaires ou occupants des terrains touchés par les périmètres de faire la preuve du préjudice porté à la parcelle et d’en justifier l’étendue.
L’instauration des périmètres de protection de tous les captages doit, pour être efficace, être rapide. Devant les difficultés et la lourdeur de la procédure définie ci-dessus et dans un souci de concentration des moyens mis en oeuvre et d’économie, la réalisation d’opérations groupées. La seule entité qui puisse permettre cette concentration de moyens semble être le département.
Les Conseils Généraux assurent, dans la SOMME et l’AISNE, la maîtrise d’ouvrage déléguée, pour le compte des communes et syndicats d’eau, pour la phase de procédure aboutissant à la prise des arrêtés de déclaration d’utilité publique. Les diverses collectivités faisant partie du programme départemental redeviennent maîtres d’ouvrage pour l’application effective des mesures de protection préconisées dans les arrêtés.
Cette opération revêt bien évidemment une ampleur telle que les services qui instruisent habituellement ces demandes de déclaration d’utilité publique ne peuvent y faire face sans augmentation de moyens. L’expérience acquise à ce jour montre que le plus efficient est de confier à un bureau d’étude foncier les tâches matérielles des différentes phases de la procédure sous la responsabilité de la Direction Départementale de l’Agriculture et de la Forêt, maître d’ouvrage habituel de ces opérations.
Devant la longueur de la procédure de déclaration d’utilité publique des périmètres de protection des captages et le nombre de ces derniers à protéger, il apparaît que, même si des opérations groupées sont réalisées dans le département, de nombreuses collectivités risquent de ne pouvoir bénéficier de ce document juridique avant plusieurs années. Il est cependant nécessaire de préserver l’environnement actuel du captage en évitant que ne s’implantent de nouvelles activités non compatibles avec l’arrêté de D.U.P. qui pourra être pris ultérieurement.
Le seul document qui le permette est le rapport de l’hydrogéologue agréé qui délimite les trois périmètres de protection réglementaires et définit les servitudes qui y sont liées. En effet, bien que non opposable aux tiers, ce rapport permet aux collectivités et aux maîtres d’oeuvre de connaître les contraintes futures de protection et d’en tenir compte lors de l’élaboration d’un plan d’occupation des sols ou lors de la réalisation d’un aménagement quelconque sur la commune.
La liste des ouvrages prioritaires ou de ceux à expertiser dans l’année est établie conjointement avec les Directions Départementales de l’Agriculture et de la Forêt, des Affaires Sanitaires et Sociales et de l’Equipement et les Conseils généraux et font l’objet de plans annuels de protection des captages.
Il est important de rappeler qu’en application de la loi sur l’eau de 1992, au 3 janvier 1997, tous les captages auraient dû faire l’objet d’une procédure de D.U.P. avec détermination des périmètres de protection...
5. CONCLUSION
Lord BYRON disait : «Jusqu’à ce que la douleur le lui enseigne, l’homme ne sait pas quel trésor est l’eau ». Cette douleur a été partiellement ressentie en 1976, le sera peut-être en 1997.
Nous découvrons la valeur de l’eau, que ce n’est pas un bien inépuisable, et que de plus c’est un bien fragile qui intègre toutes les agressions que nous faisons subir à notre environnement. En effet, celle-ci suit un cycle et elle est présente partout : dans l’atmosphère, sur terre et dans les océans.
C’est une richesse en partie renouvelable, nous devons donc éviter de l’exploiter et plutôt la gérer et la protéger.
De ce fait, nous devons revoir complètement notre façon d’utiliser certains produits comme les nitrates et les produits phytosanitaires et notre façon d’utiliser l’eau elle-même.
Les outils pour y parvenir existent : réglementations, subventions, techniques, structures de concertation (S.A.G.E. et S.D.A.G.E.), répression contre les infractions aux réglementations, encore faut-il la volonté de tout faire pour garder ce bien qui nous est indispensable, ainsi qu’aux générations à venir : « L’EAU ».
Comme disait SAINT-EXUPERY : « On n’hérite pas de la terre de ses ancêtres, on l’emprunte à ses enfants ».
(*) extrait de:
FURRY V. (1997) - Gestion et protection des eaux souterraines. Mém. D.E.S.S., univ. Picardie, 30 p.
Jacques.beauchamp@sc.u-picardie.fr