par
Aurélie DESBORDES (*)
Les pollutions chimiques minérales
Les micro-polluants métalliques
Le cadmium : dans la nature, le cadmium est généralement associé au zinc. Il est utilisé pour le revêtement électrolytique des métaux, dans certains alliages, pour la fabrication d’accumulateurs, de peintures et de matières, et dans l’industrie nucléaire. Les eaux ne contiennent en général que quelques microgrammes de cadmium par litre (la limite étant de 50 (g/L). Lorsque des teneurs élevées de cadmium sont rencontrées dans les eaux des nappes phréatiques, son origine doit être recherchée dans des effluents industriels (galvanoplastie, en particulier). Le cadmium peut être entraîné par les pluies à partir des fumées industrielles. De plus, la présence de cadmium comme contaminant dans les engrais et les boues de station d’épuration utilisées en agriculture peut contribuer à la pollution de l’aquifère.
Le chrome : le chrome pur est assez peu employé
dans l’industrie, mise à part la fabrication des aciers spéciaux.
Par contre, ses dérivés sont très utilisés
: les industries chimiques utilisent les dichromates. Les sels de chrome
s’emploient comme mordants pour les teintures et comme colorants (vert
de chrome, rouge de chrome, etc). Le chrome est présent en petite
quantité dans la nature et se concentre préférentiellement
dans les roches basiques, à la différence des roches siliceuses.
Sa solubilité est faible vis-à-vis des phénomènes
de lessivage du sol. Le chrome est amphotère et peut exister dans
l’eau sous plusieurs formes : l’état de cation se retrouve dans
les eaux naturelles à pH acide. Le chrome est un élément
étranger à l’eau : sa présence est liée aux
rejets des ateliers de galvanoplastie. L’oxydation des composés
chromeux étant instantanée, le chrome peut se trouver à
l’état trivalent (chromites) ou hexavalent (chromates et dichromates).
Cas de la nappe de la craie de la vallée de l’Aronde (Oise) : une langue de pollution ponctuelle par le chrome hexavalent (de 2 km de long sur 200 m de large) a contaminé un captage public, suite aux rejets des eaux de rinçage et de bains par une usine de chromage dans un bassin et un puisard. Les concentrations en ce métal lourd variaient de 3,5 mg/L en amont à 0,8 mg/L en aval. Après cinq ans de pompage de dépollution, les valeurs au captage ont chuté de 0,4 mg/L à 0,005 mg/L.Le mercure : la pollution par le minerai s’explique par sa présence dans les rejets de certaines activités industrielles : raffinerie, cimenterie, sidérurgie, traitement des phosphates, raffinage du mercure, combustion des hydrocarbures fossiles et du charbon, industries de la pâte à papier, etc.
Le mercure entre dans la fabrication d’appareillages électriques
(lampes, batteries), d’instruments de contrôle (thermomètres,
baromètres, interrupteurs), de peintures marines et de certains
fongicides employés dans l’agriculture. Le mercure à l’état
métallique est pratiquement insoluble dans l’eau ; il donne deux
séries de sels : monovalents (la plupart insolubles) et divalents
(la plupart solubles). D’une façon générale, la teneur
en mercure des eaux souterraines n’excède pas 0,1(g/L.
Exemple du site de la Sté Elf Atochem à Villers St Paul (Oise) : cas d’une décharge interne avec dépôt (sur 50 000 m3) très toxiques tels que des déchets de synthèse et autres opérations de chimie organique, des déchets de traitement de dépollution et de préparation d’eau, surveillance des eaux souterraines (4 fois par an) avec des analyses en concentration en arsenic, mercure, ammonium, phénols, manganèse, solvants halogénés et non halogénés, inutilisation possible du sol, du sous-sol et de la nappe.Le nickel : il entre dans la composition de nombreux alliages en raison de ses caractéristiques de dureté et de résistance à la corrosion. Il est aussi utilisé pour la protection des pièces métalliques et dans le traitement avant chromage. Associé au cadmium, il entre dans la fabrication d’éléments de batteries. Son emploi comme catalyseur dans l’industrie chimique est important. Dans les pollutions d’origine industrielle, on le retrouve généralement associé aux cyanures, au mercure, à l’arsenic, au chrome, etc. Le fait que le nickel ne soit généralement pas retrouvé dans les eaux souterraines ou en quantités très faibles indique que la présence de ce métal est principalement liée aux activités humaines. Le nickel est susceptible de provoquer des corrosions dans les circuits de distribution d’eau potable.
Le cuivre : il est présent dans la nature sous forme
de minerais de cuivre natif, de minerais oxydés ou sulfurés.
En métallurgie, il entre dans de nombreux alliages comme le laiton
(cuivre et zinc), le bronze (cuivre et étain), le maillechort (cuivre,
nickel et zinc). En raison de ses propriétés de bon conducteur
de la chaleur et de l’électricité, les usages du cuivre sont
très répandus. Les sels de cuivre (sulfate, acétate,
dérivés organiques) sont utilisés comme fongicides
ou algicides en agriculture, pour les traitements chimiques de surface,
la fabrication de peintures et de céramiques. Le cuivre peut se
retrouver dans certaines eaux à des teneurs inférieures à
1 mg/L sous forme ionique ou de complexes (cyanures, ammoniaque, produits
organiques, etc). En dehors des pollutions industrielles ou de traitements
agricoles, ce métal provient habituellement de la corrosion des
tuyauteries de distribution (0,5 à 1 mg/L).
Exemple du site de la Sté Tréfimétaux à Sérifontaine (Oise) : stockage de déchets (917 t) de battitures dans des containers métalliques non étanches reposant à même le sol. Les eaux pluviales ruisselant entraînent une pollution des sols par du cuivre, zinc, nickel, plomb à très forte concentration.Le zinc : le zinc est employé dans de nombreux alliages, pour la galvanisation des pièces métalliques, dans la fabrication de pigments de teinture, de vernis, comme raticide et dans la fabrication de produits phytosanitaires. Dans l’eau, la solubilité des chlorure et sulfate de zinc est importante, leur hydrolyse conduit à une diminution de pH. En présence d’excès d’hydrogénocarbonate, la solubilité du zinc est contrôlée par la solubilité du carbonate qui est relativement soluble et de l’hydroxyde qui l’est peu. Le zinc retrouvé dans les eaux de distribution à des teneurs pouvant dépasser 1 mg/L provient des canalisations de laiton ou de fer galvanisé, attaquées par les eaux agressives ou riches en chlorures et sulfates.
Le plomb : il peut être présent sous forme de carbonates (cérusites), de phosphates (pyrophosphites), mais surtout de sulfure (galène). Ce dernier sel, très peu soluble, peut cependant se transformer en hydroxyde ou en carbonate, après avoir été oxydé en sulfate. La présence de plomb à des teneurs plus élevées que la normale, qu’il soit solubilisé ou fixé sur les matières en suspension dans les eaux de surface, doit être relié à une cause externe. Ce métal est en effet si répandu et si utilisé dans l’industrie que les possibilités de pollution sont extrêmement nombreuses et variées. Les activités humaines (emploi de plomb tétraéthyl dans les carburants comme antidétonant, utilisation de combustibles fossiles) entraînant la formation d’aérosols plombifères constituent, actuellement, la principale source de plomb dans l’hydrosphère. Les causes de dépassement des concentrations autorisées en plomb au robinet du consommateur peuvent être liées à la présence de tuyaux en plomb ou de brasures de plomb.
Exemple du site de l’ancienne décharge Louyot à Bornel (Oise) : cas d’une décharge industrielle avec dépôt de déchets laitiers, de scories, de crasses (10 000t) avec pollution dans les sols en cuivre, zinc, nickel et étain et suivi des teneurs dans la nappe, qui est encore utilisable pour l’alimentation humaine et animale en eau.
La solubilité du plomb dans l’eau potable est régie par la cinétique des réactions et par des facteurs reliés aux conditions d’équilibre du système. La chimie du plomb dans l’eau étant de nature très complexe, d’autres paramètres sont à considérer : la température, le pH, le temps de stagnation, la surface de contact ou le diamètre des canalisations.
L’arsenic : cet élément, non métallique,
est largement réparti dans la biosphère : les roches ignées
en contiennent, par exemple, de 1 à 9 mg/kg, les phosphates naturels
20 mg/kg. Il se présente sous forme de sulfures, réalgar
(As2S2) ou orpiment (As2S3). L’arsenic est employé dans la métallurgie
(alliages) et en électronique (fabrication des semi-conducteurs).
Les dérives arsenicaux (anhydrides arsénieux et arseniques,
arséniures, arsénites, arséniates) sont utilisés
dans les tanneries, dans la fabrication de peinture, de fleurs artificielles,
de papiers peints, par la coloration des verres ainsi qu’en agriculture
(raticide, anticryptogamiques, etc). Sa présence dans l’environnement,
et par voie de conséquence dans l’eau, est à relier à
un certain nombre de pollutions : rejets d’eaux résiduaires industrielles,
traitement de minerais arsenicaux (cuivre), combustion de charbon ou de
déchets, utilisation d’engrais phosphatés, d’herbicides,
d’insecticides et de détergents. Dans les eaux minérales,
l’arsenic d’origine naturelle atteint parfois des teneurs de 10 mg/L.
Exemple du site de l’usine Rhône Poulenc à Chauny (Aisne) : cas de pollution industrielle à l’arsenic, au cadmium, au chrome, au cuivre et au plomb sur un site d’une surface de 12 ha où des activités chimiques se sont exercées de 1820 à 1985 : analyse en concentration des divers polluants dans les nappes avec une surveillance des eaux souterraines deux fois par an, aucune utilisation possible du sol (agriculture, terrain de jeu, …), aucune utilisation du sous-sol, aucune utilisation de la nappe (pour alimentation humaine ou animale, captage AEP, IAA).
L’aluminium : métal non lourd blanc et brillant,
il ne s’altère pas à l’air en raison de la formation
d’une couche protectrice d’alumine. Lorsqu’il est en solution et en milieu
acide, il existe sous forme Al3+ ; dans une solution dont on élève
le pH progressivement, il précipite sous forme de trihydroxyde Al(OH)3
qui se dissout sous forme d’aluminate AlO2-.
Cette liste d’éléments traces métalliques n’est
pas exhaustive : les micro-polluants métalliques comprennent également
le bore, le cobalt, le molybdène, le sélénium, le
thallium, le magnésium, le fer, le manganèse (ces deux derniers
éléments faisant partie des paramètres de la qualité
naturelle des eaux souterraines).
Les pollutions engendrées par la présence de métaux
en quantité importante dans les eaux souterraines sont dues généralement
aux activités industrielles par rejets d’effluents, lessivage des
produits stockés sur un sol : ces pollutions sont donc ponctuelles
et ne concernent qu’un seul élément trace métallique,
dans la plupart des cas.
Certains de ces métaux peuvent être toxiques, tels que
l’arsenic, le cadmium, le chrome, le mercure, le plomb, le molybdène,
le nickel, le plomb, le sélénium, soit directement, soit
par accumulation dans l’organisme.
D’autres éléments sont considérés comme
indésirables et peuvent présenter des inconvénients
au consommateur d’ordre organoleptique : goût, saveur, coloration.
C’est le cas pour le cuivre, le zinc, le fer, le manganèse, l’aluminium.
Remarques : certains éléments traces toxiques ne sont
pas des métaux (arsenic et sélénium). Les éléments
traces métalliques comprennent le cadmium, le cobalt, le chrome,
le cuivre, le manganèse, le nickel, le plomb, le thallium, le zinc.
Cas de pollution par les micro-polluants dans le Vimeu (Somme) :Pour l’alimentation en eau potable, l’absence de connaissance précise du mode de propagation de ces polluants conduit à envisager une restructuration du réseau de distribution pour l’ensemble des 15 000 habitants du secteur à partir de ressources lointaines.
La région du Vimeu est située à l’ouest de la Picardie dans le département de la Somme sur le plateau crayeux entre Abbeville et Le Tréport. Le Vimeu a vu se développer depuis la fin du 18ème siècle une industrie essentiellement axée sur le travail des métaux (fonderie, décolletage) et sur l’activité du traitement de surface dont le but est de décorer ou de conférer des propriétés chimiques, mécaniques ou électriques aux pièces métalliques (passivation, protection contre la corrosion, chromage, nickelage). Ces ateliers de traitement de surface, jusqu’aux années 1970, faute d’avoir un cours d’eau, ont déversé leurs effluents bruts, non détoxiqués, dans la nappe de la craie par l’intermédiaire de puits anciens ou de puisards. Durant de nombreuses années, la nappe de la craie s’est progressivement contaminée de sorte qu’en 1973 des traces de chrome hexavalent et de zinc avaient été détectés dans certains captages d’eau potable du Vimeu : il a été dénombré par l’Agence de l’Eau Artois-Picardie, en 1974, que 53 ateliers de galvanoplastie connus déversaient une pollution de 615 kiloéquitox/jour, soit 22% de pollution toxique de l’ensemble du bassin. Depuis une dizaine d’années, les actions de lutte contre la pollution a pour objectif « zéro métal » soit environ 1 à 2 mg/L de métaux totaux. Ces rejets liquides sont acheminés vers les unités d’épuration industrielles et/ou collectives qui infiltrent les eaux épurées en nappe.
Le champ captant d’Embreville a montré qu’une pollution métallique non négligeable a décru suite à la remontée des nappes, bien qu’il soit difficile de cerner l’évolution des panaches de pollutions diffuses en micro-polluants dans ce secteur à cause de la variation du niveau de la nappe et du déplacement des lignes isopiézomètriques.
Les nitrates et autres composés azotés
Toutes les formes d’azote (azote organique, ammoniaque, nitrites, etc)
sont susceptibles d’être à l’origine des nitrates par un processus
d’oxydation biologique.
Les nitrates (azote minéral azoté) sont très solubles.
Une bonne part des nitrates vient des usines d’engrais qui fixent l’azote
minéral de l’air pour fabriquer de l’ammoniac, ultérieurement
oxydé. Quand les nitrates sont épandus sur sol nu ou gelé,
ils s’infiltrent avec les pluies ou sont lessivés en surface. Au
contraire, épandus au printemps et à la bonne dose, ils sont
absorbés par les plantes cultivées.
Dans les eaux naturelles non polluées, le taux de nitrates
est très variable (de 1 à 15 mg/L) suivant la saison et l’origine
des eaux. Sauf cas particuliers, les teneurs en nitrates des eaux de distribution
sont peu élevées. Par contre en zone rurale, certains puits
à usage familial peuvent avoir des concentrations importantes.
L’explosion démographique et le développement de l’agriculture
et de l’industrie, depuis quelques décennies, ont modifié
le cycle biogéochimiques de l’azote vers une production accrue de
nitrates qui sont entraînés vers les eaux souterraines. Depuis
quelques années, il a été observé une élévation
lente mais inexorable et sans amorce de stabilisation de la teneur en nitrates
des eaux souterraines et superficielles de certaines régions ;
celle-ci est souvent liée au développement des élevages,
à une fertilisation excessive des zones agricoles par les engrais,
les fientes, fumiers (déjections+litières) et lisiers (déjections
seules) divers, voire les boues de stations d’épuration (oxydation
de l’azote organique et ammoniacal en nitrates).
La migration des nitrates est nettement plus rapide sur les surfaces
cultivables laissées à nues pendant l’hiver. Les rejets des
collectivités et occasionnellement de certaines industries (engrais
chimiques azotés, engrais chimiques azotés, oxydants) peuvent
aussi concourir à l’enrichissement des eaux en nitrates.
La présence d’ammonium dans les eaux souterraines résulte à un contamination de surface liée essentiellement aux rejets d’effluents domestiques et industriels ou un phénomène de réduction naturelle des nitrates. En nappes libres, les cas critiques correspondent aux eaux de captage situés en plaine alluviale à proximité de zones urbaines et industrielles, et dont la qualité est tributaire de celle de la rivière. Dans les nappes captives, la présence d’azote ammoniacal est le résultat de la réduction des nitrates par des bactéries ou par les ions ferreux présents dans ce type de nappe. L’ammonium présents dans les nappes à régime libre sont généralement issus de la dégradation incomplète de la matière organique : c’est un marqueur de pollution organique et de contamination microbiologique.
Les nitrites, qui dans le cycle de l’azote s’insèrent entre les nitrates et l’ammoniaque, sont très peu stables et par conséquent, très peu présents dans les eaux souterraines sauf en cas d’une pollution de surface proche : les nitrites sont donc des bons indices de contamination organique et bactériologique.
En Picardie, les rivières apparaissent le plus souvent comme
des drains naturels des grands aquifères. Les nappes contaminées
par les nitrates peuvent également contribuer à la pollution
des cours d’eau.
En milieu crayeux, les vitesses moyennes de transfert dans la zone
non saturée varieraient entre 30 et 75 cm/an.
De nombreuses publications, traitant de la répartition des teneurs
en nitrates des eaux souterraines et de leur évolution dans le temps,
aboutissent aux conclusions suivantes :
la quasi-totalité des nappes libres est atteinte par cette pollution azotée ;La situation régionale demeure préoccupante : 51 unités de distribution continuent à fournir à 22 224 habitants une eau non conforme à l’exigence sanitaire (50 mg/L), et plus de la moitié (53,6%) délivrent à 982 863 habitants une eau dont la teneur en nitrates est comprise entre 25 et 50 mg/L .
les régions de grandes cultures présentent des teneurs moyennes observées beaucoup plus importantes ;
les fortes teneurs observées ponctuellement sur un captage résultent de sources de pollution localisées à proximité (rejets en puisards d’eau de drainage des champs agricoles, problèmes d’assainissement domestique) ;
les bilans dressés entre 1992 et 1996 montrent une évolution défavorable de la concentration en nitrates au niveau des captages, malgré toutes les mesures prises pour assurer la conformité des eaux distribuées aux exigences réglementaires ;
L’appréciation de la qualité réelle des nappes ne peut pas se faire à partir des seuls captages d’eau potable actuellement en service, étant donné d’une part que les captages les plus pollués ont été abandonnés, et d’autre part que les captages d’eau potable sont implantés dans des secteurs sélectionnés pour leur bonne qualité.
Certaines eaux dépassent le seuil admissible de potabilité fixé à 50 mg/L et excèdent parfois des teneurs supérieures à 100 mg/L (cas à la Ferté-Chevresis dans l’Aisne où les teneurs de la nappe de la craie atteignent 190 mg/L) : ces taux sont des paramètres déclassants qui obligent à abandonner les sites de captage (40 dans le bassin Artois-Picardie).
Les teneurs en nitrates des eaux souterraines en Picardie se situent principalement dans la classe 25 à 50 mg/L. D’une manière générale, on note un enrichissement général des teneurs en nitrates des différentes nappes depuis les années 1970, date des premières analyses concernant les nitrates. Toutefois, un certain ralentissement de ce phénomène depuis les années 1980 a parfois été observé, mais non expliqué. Ce sont les nappes perchées des formations tertiaires qui présentent le plus fortes teneurs (souvent supérieures à 50 mg/L).
Il existe cependant une grande variabilité spatio-temporelle des teneurs en nitrates pour les différentes nappes qui dépend de l’hétérogénéité du milieu géologique, mécanismes de migration dans la zone non saturée et dans la nappe, variabilité des conditions climatiques, variabilité de la pression polluante.
La percolation des nitrates dans le sous-sol nécessitant des délais importants, la contamination des aquifères ne peut s’observer que quelques dizaines d’années plus tard lorsqu’il ne sera plus possible d’exercer une action curative efficace. Seule la prévention est donc possible pour améliorer la situation.
Les projections actuelles montrent que d’ici 30 à 60 ans, à
pratiques agricoles comparables, les concentrations maximales admissibles
de nitrates dans les eaux souterraines seront largement dépassées.
Il s’agit de réagir rapidement et le plus efficacement possible
avant que le front des nitrates gagne l’ensemble des aquifères et
d’engager des recherches plus approfondies pour mieux appréhender
leur toxicité.
Les autres substances minérales
Les chlorures, les sulfates, le fluor (étant des paramètres
de la qualité naturelle des eaux) et des éléments
toxiques tels que le cyanure et l’arsenic sont des substances minérales
issues de l’activité humaine et susceptibles de polluer les nappes
de façon ponctuelle.
Les pollutions chimiques organiques
Les agents de surface (surfactifs, tensioactifs, détergents)
Les produits tensioactifs d’origine synthétique sont employés en quantités de plus en plus importantes, tant pour le nettoyage industriel que domestique. Le détergent, dont le terme désigne toutes les substances possédant des propriétés de nettoyage importantes, est un produit complexe contenant un ou plusieurs agents de surface et des composés minéraux (carbonates, phosphates, polyphosphates, perborates), souvent associés à des matières organiques améliorantes (carboxyméthyl-cellulose, alkanolamides), à des enzymes hydrolysants et à des séquestrants (dérives de l’acide éthylènediamine tétracétique et de l’acide mitriloacétique). La biodégradabilité de ces substances est variable, même à l’intérieur d’une classe donnée : le composé est d’autant moins dégradable qu’il est plus ramifié et que le nombre de carbones de la chaîne est faible.
Dans les eaux souterraines, les détergents sont peu représentés sauf dans deux cas de figures :
dans les zones suburbaines, en liaison avec les puisards recevant les eaux usées ;L’inconvénient de ces détergents, peu toxiques, est de faciliter la dispersion des produits polluants, qui peuvent leur être associés comme les pesticides, par leur pouvoir mouillant.
dans certaines nappes alluviales en relation étroite avec un cours d’eau pollué ;
Les pesticides
Dans les années 1940, sont apparus les premiers pesticides de synthèse sur le marché, avec des résultats très positifs quant à l’augmentation des rendements agricoles.
Les produits phytosanitaires, utilisés pour combattre toutes espèces nuisibles ou concurrençant les cultures, sont apportés dans l’environnement par les grandes cultures, par le maraîchage agricole, par le traitement des forêts, par le traitement sur plans d’eau, par les traitements en zone urbaine (espaces verts, jardins, trottoirs, rues), par certains rejets industriels de conditionnement ou de fabrication, par le traitement des routes et des voies de chemin de fer.
Les pesticides, classés selon leur rôle biologique, regroupent les insecticides, les fongicides, les herbicides, les acaricides, les nématocides, les rodenticides, les corvicides, etc. Pour l’étude des problèmes liés à l’eau, les pesticides peuvent être répertoriés suivant leurs caractéristiques chimiques :
L’eau est le principal vecteur de migration des produits phytosanitaires
et à ce transport par l’eau se greffent des processus d’adsorption/désorption
et des processus de dégradation, qui peuvent freiner, ou parfois
accélérer, la migration.
Si le principe de la dose juste au bon moment n’est pas respecté,
et si les sols n’ont pas une capacité de rétention suffisante,
il est admis que les pesticides ont une grande probabilité d’être
entraînés par les eaux pluviales vers les cours d’eau et les
nappes d’eau souterraine.
Une étude sur la teneur en pesticides, au niveau des ressources
exploitées, fut réalisée à partir de données
collectées par la DDASS entre le 01/01/92 et le 31/12/96 en Picardie.
911 captages d’eau souterraine ont été examinés durant
cinq années, soit 91,1% du parc régional picard : les analyses
concernent plusieurs familles chimiques de pesticides : les organochlorés,
les organophosphorés, les organoazotés.
Les contaminants détectés sont uniquement des herbicides
: l’atrazine est la substance la plus souvent retrouvée. Les autres
molécules identifiées sont la simazine (22 points), l’isoproturon
(8 points), le diuron (6 points), le dinoterbe (4 points), l’alachlore
(2 points), le linuron (1 point). Excepté quatre captages, ces produits
accompagnent toujours l’atrazine.
Cas de l’atrazine : - 72,9% des captages sont indemnes de contamination
- 18,1% des captages présentent des teneurs en atrazine
inférieures à 0,1 (g/L ;
- 14,5% des captages se révèlent plus ou moins
fréquemment contaminés au-delà de 0,1(g/L par de l’atrazine
ou de la simazine ;
- 1,0% des captages ont des teneurs maximales en
atrazine de 5 (g/L ;
D’après la synthèse bibliographique traitant de la pollution
des eaux souterraines et superficielles par des produits phytosanitaires
dans le bassin hydrogéologique de la Serre (Aisne) réalisée
par le BRGM, l’ensemble des analyses phytosanitaires, disponibles depuis
1990 et provenant de 34 captages d’eau potable, montre que seulement quatre
molécules ont été détectées, appartenant
à la famille des triazines : l’atrazine la plus fréquemment
relevée, la déséthylatrazine (DEA) et la déisopropylatrazine
(produits de dégradation de l’atrazine recherchées depuis
1997 seulement, la simazine). Les valeurs maximales avoisinent 0,4 (g/L.
Des pesticides ont été trouvés au moins une fois sur
21 captages parmi les 34 analysés.
Les teneurs enregistrées dans les nappes régionales sont inférieures aux seuils fixés par les normes de qualité de l’eau potable. Le suivi récent de certains polluants organiques dans les nappes révèle cependant des concentrations élevées en lindane et en atrazine, molécules résistantes à la biodégradation. Mais l’évaluation à long terme de ces polluants est complexe faute de connaître précisément le comportement de ces molécules dans le sol. De plus, chaque, 800 à 1000 nouveaux produits phytosanitaires sont commercialisés, augmentant ainsi la diversité des molécules utilisées (environ 450 substances actives en France) et imposant de renforcer leur recherche dans les analyses des eaux et d’étudier leurs effets toxicologiques.
La recherche de composés organiques dans des échantillons
de l’environnement est confrontée, hormis le coût que cela
représente, à deux difficultés majeures qui
résident dans l’impossibilité de quantifier tous les toxiques
en une seule analyse et dans la nécessité d’obtenir des limites
détection aussi basses que quelques nanogrammes par litre d’eau.
Il n’est toujours pas possible de pouvoir analyser, par des techniques
chromatographiques en phase gazeuse ou en phase liquide, certains herbicides
comme l’aminotriazole avec un seuil de détection inférieur
à 100 ng/L.
Les hydrocarbures
C’est un groupe de composés organiques constitués par des dérivés hydrogénés du carbone. Les hydrocarbures, exception faite du plus léger d’entre eux, le méthane, qui constitue le gaz naturel, se rencontrent essentiellement dans le pétrole, roche liquide qui est un mélange complexe de ces composés. On distingue trois grandes catégories d'hydrocarbures: les hydrocarbures aliphatiques (molécules linéaires ou ramifiées en longues chaînes), les hydrocarbures aromatiques (constitués de cycles benzéniques et homologues supérieurs), les hydrocarbures hétérocycliques (cycles complexes renfermant un nombre différent de carbone).
Les hydrocarbures benzéniques (benzène, toluène, xylène, éthylbenzène)
Le benzène est le plus simple des hydrocarbures aromatiques : c’est un excellent solvant largement utilisé dans l’industrie chimique de synthèse. Etant donné sa toxicité, son usage industriel est réglementé. Les teneurs d’hydrocarbures benzéniques dans les eaux souterraines peuvent atteindre quelques dizaines de microgrammes par litre.
Ces pollutions ponctuelles d’origine accidentelle (ruptures de cuves de stockage d’essence, de fioul, de mazout, industrielles ou domestiques, rupture de pipeline, accidents de la circulation routière, …) ont des effets variants selon la viscosité du produit renversé et la perméabilité des terrains traversés.
Le volume de produit, non piégé, dans la zone non saturée, atteint la nappe et s’étalera graduellement au toit de la nappe : une partie du produit va s’écouler de façon gravitaire au toit de la nappe, mais une autre partie va s’étaler dans la frange capillaire. A l’interface eau-hydrocarbures complexes, des phénomènes de dissolution vont se produire : les composés les plus solubles de la « galette » pétrolière se dissolvent progressivement dans l’eau, qui s’enrichira préférentiellement en BTEX (benzène, toluène, éthylbenzène, xylène) et en additifs oxygénés très solubles (MTBE) alors que la phase huile s’appauvrira corrélativement des ces composés. Le produit flottant est également susceptible de se disperser dans l’eau sous forme d’une fine émulsion. Leur récupération par le biais des opérations classiques d’écrémage est délicate et jamais totale : le produit se retrouve imprégné dans la tranche du battement de la nappe et peut, à long terme, constituer une source constante d’alimentation du panache de pollution dissoute.
Comme tenu de la faible biodégradabilité de ces produits et des importants volumes d’eau polluée qu’ils peuvent générer par dissolution même à dose infinitésimale, toute décontamination est impossible tant qu’ils existent des produits lourds (solvants halogénés) en phase. Une teneur diluée de 1/10 000 à 1/100 000 altère les propriétés gustatives de l’eau. Un litre d’essence souille entre 1 000 et 5 000 m3 d’eau.
L’inconvénient principal, qui est de développer des odeurs
et des saveurs désagréables, permet de détecter rapidement
les pollutions. Dans le cas de contamination de réservoirs, les
modifications organoleptiques de l’eau peuvent persister longtemps après
la pollution. Comme la plupart de ces produits sont faiblement oxydables
et encore perceptibles à des dilutions de 1 partie par milliard,
les nappes d’eau polluées pourront être inutilisables pendant
de très longues années.
Les hydrocarbures chlorés aliphatiques
Les hydrocarbures chlorés aliphatiques, plus couramment connus
sous le nom de solvants chlorés, n’existent pas naturellement. Ils
sont le résultat d’une production industrielle très importante
et la variété des produits obtenus est fonction des différents
usages recherchés. Très largement utilisés comme solvants
aussi bien pour le nettoyage que pour l’extraction et la séparation
de certains produits, ils sont également employés comme réfrigérants
(chlorofluorocarbone ou CFC). Du fait de leur large domaine d’utilisation,
les solvants chlorés peuvent être rencontrés dans les
effluents industriels, dans les eaux usées urbaines, leur emploi
domestique étant aussi très répandu. Leur présence
dans les décharges de tous types constitue un risque de pollution
des nappes phréatiques car ils ne sont pas retenus par les argiles.
Après percolation dans le sol, les eaux souterraines, près
de zones urbaines ou industrielles (décharges industrielles) peuvent
être contaminées par ces polluants très volatils, et
par conséquent peu présents dans les eaux de surface. Peu
dégradables, ils ont tendance à se déposer dans la
partie basse de la nappe et à ainsi entretenir une pollution en
fonction de leur solubilité. L’élimination de ces composés
par floculation constitue un point délicat des traitements des eaux.
Les organochlorés volatils (haloformes, halométhanes)
et les chloramines toxiques
D’une façon générale, ces produits ont un caractère
rémanent et leur solubilité dans l’eau est variable. Les
composés liés au traitement des eaux les plus identifiés
sont les trichlorométhanes (le chloroforme, le bromodichlorométhane,
le bromoforme, …). Les haloformes qui apparaissent au cours de la chloration
de l’eau résultent principalement de la fixation d’atomes de chlore
sur des polyphénols, des dicétones, des radicaux acétyls
(acide humique, acide fulvique). Ces composés précurseurs
sont peu présents dans les eaux des nappes, mais très souvent
rencontrés dans les eaux de surface et dans les nappes alluviales.
Les autres substances organiques
Divers autres polluants organiques sont quelquefois détectés dans les eaux souterraines, comme :
les polychlorobiphényles (PCB) et les polychloroterphényles (PCT) :
Les PCB et leurs impuretés PCT sont des mélanges congénères isomères obtenus par chloration du biphényl et du tertphényl ; leur teneur en chlore varie de 20 à 60%. Depuis 1930, ils sont largement utilisés dans les peintures, vernis, matières plastiques, résines synthétiques, encres, huiles de coupes, isolants électriques, liquides pour machines hydrauliques, etc. Leur présence dans l’environnement est liée aux rejets industriels, aux fuites dans les circuits ouverts, à la volatilisation par incinération. Ils sont identifiés à des teneurs proches du seuil de détection dans les eaux souterraines. Il s’agit de pollution extrêmement ponctuelle dont il n’est pas toujours facile de déterminer l’origine.
les phtalates ou esters phtaliques :
Ces produits sont de faible volatilité et très peu solubles dans l’eau. Ils jouent un rôle important comme plastifiants des résines cellulosiques et vinyliques (polychlorures de vinyle ou PVC) qui peuvent en contenir jusqu’à 60%. Ils sont aussi largement utilisés dans les peintures, les laques, les encres, … Mais bien que les phtalates soient fortement biodégradables, ils peuvent être détecter parfois dans les eaux souterraines en régime libre voire même captif.
Exemple du site de l’ancienne décharge de Villembray (Oise) :
cas de dépôt (500 000t) dans une décharge de solvants
halogénés et non halogénés, de sels minéraux
résiduaires solides non cyanurés avec des analyses en concentration
dans la nappe d’hydrocarbures, de PCB/PCT, de solvants halogénés
et non halogénés, des chlorures.
Les matières organiques
La présence dans une eau souterraine de produits issus de la décomposition incomplète, sous l’influence de microorganismes, de la matière organique, comme les nitrites, l’ammonium, le méthane ou l’hydrogène sulfuré devra suspecter une contamination microbienne ou autre. La matière organique résiduelle constitue un milieu nutritif favorable au développement des micro-organismes, notamment pathogènes. L’inconvénient des matières organiques est de favoriser l’apparition de mauvais goûts, qui pourront être exacerbés par la chloration, et d’odeurs désagréables.
Les nappes circulant en milieu fissuré et les nappes alluviales
sont les plus sensibles à la pollution organique. Lorsque des teneurs
élevées sont observées sur un captage puisant dans
une nappe en milieu granulaire, il faut en rechercher la source dans l’environnement
immédiat du point d’eau.
Les pollutions microbiologiques
De nombreux microorganismes, virus, bactéries et protozoaires, voire des champignons et des algues sont présents dans l’eau. Les conditions anaérobies généralement rencontrées dans les eaux souterraines en limitent cependant la diversité. Les bactéries, virus et autres agents pathogènes rencontrés dans les eaux souterraines proviennent de fosses septiques, des décharges, des épandages d’eaux usées, de l’élevage, de matières fermentées, de cimetières, du rejet d’eaux superficielles. Ces pollutions peuvent être aussi dues à des fuites de canalisations et d’égouts ou à l’infiltration d’eaux superficielles.
La grande majorité de ces microorganismes nocifs, susceptibles
d’engendrer des infections humaines redoutables, diffuse dans l’environnement
hydrique par l’intermédiaire de souillures fécales humaines
ou animales. Les pollutions microbiologiques se rencontrent surtout dans
les aquifères à perméabilité de fissure (craie,
massifs calcaires), dans lesquels la fonction épuratrice du sous-sol
ne peut s’exercer et dans lesquels la matière organique est dégradée
partiellement. Les émergences de type karstique avec des circulations
souterraines rapides sont par conséquence très vulnérables
à cette pollution.
Une contamination bactérienne en milieu granulaire, où
ces conditions (absence de filtration, milieu oxygéné,
mauvaise dégradation de la matière organique) ne sont pas
vérifiées, implique une source proche de pollution (puisard,
défaut d’étanchéité du captage, rejet de station
d’épuration, décharges,…).
En surveillance de la qualité microbiologique des eaux distribuées
sont concernés les paramètres coliformes thermotolérants
(Escherichia coli, Enterobacter cloacae, Salmonella, Yersinia enterocolitica,
…), streptocoques fécaux (genres Enterococcus et Streptococcus )
et bactéries aérobies revivifiables à 22°C (germes
saprophytes) et à 37°C (germes pathogènes ou plutôt
hébergés par l’Homme et par les animaux à sang chaud).
D’après une étude réalisée par la D.R.A.S.S.
à partir des données issues du contrôle sanitaire des
années 1994, 1995 et 1996, la situation régionale n’apparaît
pas totalement satisfaisante. Près de 95% de la population a reçu
une eau de qualité microbiologique acceptable et aucune eau de mauvaise
qualité n’a été distribuée. Mais pour plus
de 5,5% de la population régionale, répartis dans 169 unités
de distribution, l’eau a subi des contaminations passagères plus
ou moins fréquentes : ces unités devront faire l’objet d’une
attention particulière et de mesures appropriées en fonction
de l’origine des contaminations (ressources et/ou système de distribution)
afin de respecter durablement les exigences réglementaires de qualité.
Par, il est surprenant de constater que la Somme, département où
le recours à la désinfection est le moins important, les
résultats des eaux distribuées sont bien meilleurs que dans
l’Oise, département où, au contraire , les unités
de distribution dotées d’un traitement de désinfection sont
proportionnellement les plus nombreuses.
DESBORDES A. (2000) - Pollutions des eaux souterraines en Picardie. Mém. Maîtrise BG, Fac. Sciences, Amiens, 50 p. + annexes.