D.E.S.S. Qualité et Gestion de l'Eau
Université de Picardie Jules Verne
LA POLLUTION LITTORALE
Jacques BEAUCHAMP
1. NATURE ET ORIGINE DE LA POLLUTION
1.1 Définitions
a)Pollution
La pollution à l'origine est une profanation, une souillure dans le sens sacré (profanation d'un temple), et par extension une souillure de la Nature par l'Homme.
Le milieu littoral comprend (1) la côte elle-même (écosystèmes des plages, dunes littorales, estuaires...) et (2) l'eau de mer baignant les côtes.
Les activités humaines regroupent essentiellement les activités industrielles, les implantations urbaines et le développement touristique. La dégradation du milieu littoral par l'activité humaine correspond à une modification de l'équilibre naturel susceptible de mettre en danger la santé de l'homme, de nuire aux ressources biologiques, à la flore et la faune, de porter atteinte aux agréments ou gêner toutes autres utilisations légitime de la mer.
b)Polluants
substances naturelles (matières organiques surtout, substances minérales provenant de l'exploitation de mines, de carrières...); les substances organiques sont dégradables, surtout sous l'action des microorganismes.
substances de synthèse (plastiques, pesticides) dégradables ou non, toxiques ou non à rémanence variable.
c)Trois types de pollution
pollution physique: une couleur ou un trouble données par des matières en suspension élévation locale de température par les rejets d'eau de refroidissement (centrale electro-nucléaires).
pollution chimique: produits chimiques en solution, changeant les caractères de l'eau (acides, bases...) ou directement toxiques pour les organismes (pesticides d'origine agricole...). Micropolluants quand teneur faible (< 1 microg/l).
pollution microbiologique
microorganismes pathogènes
microorganismes non pathogènes mais proliférant au point de détruire l'équilibre naturel et les chaînes alimentaires (bloom planctonique, eutrophisation)
Ses conséquences portent sur la pêche, la pisciculture et conchyliculture, le tourisme (qualité des eaux de baignade)
Menace sur l'environnement
marin européen
1.2 Origine des polluants
a)Pollution accidentelle et pollution chronique
La pollution accidentelle provient:
* en mer de collision, échouage de navire, perte de conteneurs, accidents sur plate-forme de forage,
* à terre, d'accident dans une usine, d’accident de transport
La pollution chronique (systématique) est faite de déversements volontaires, ou inconscients, et étalés dans le temps:
* en mer rinçage des cuves de pétrolier, des ordures et eaux usées des navires (y compris la navigation de plaisance), déversement volontaire de déchets solides à partir de navire, rejet d'effluents par canalisation immergée
* à terre, eaux usées des réseaux d'assainissement et des industries côtières, eaux de ruissellement des terres agricoles, eaux pluviales des zones urbaines et des axes routiers.
Figure 1a: Origine de la
pollution marine.
Figure 1b: Origine de la pollution littorale (modifié d'après Chaussepied et al.)
apports |
M.E.S. |
DCO |
N |
P |
Pb |
atmosphère |
80 |
|
9 |
0.3 - 0.7 |
|
milieu rural |
260 |
110 |
30 |
0.5 |
0.008 |
routes |
200 - 700 |
230 - 400 |
|
|
0.5 - 1.2 |
eaux pluviales |
300 - 1100 |
160 - 460 |
3 - 16 |
0.6 - 5 |
0.2 - 0.4 |
eaux domestiques non traitées: 50 hab/ha (*) 400 hab/ha |
1642 13140 |
2053 16425 |
274 2190 |
73 585 |
0.28 2.20 |
eaux domestiques traitées 50 hab/ha (**) 400 hab/ha |
82 657 |
328 2628 |
137 1095 |
5,5 44 |
0.14 1.10 |
(*) 150 l/hab/jour avec MES= 600 mg/l et DCO=750 mg/l
(**) 150 l/hab/jour avec MES=30 mg/l et DCO=120 mg/l
Figure 2: Apports polluants en Kg/habitant/an(modifié d'après LEROY, 1992)
b)origine continentale (tellurique)
Les polluants sont introduits dans la zone littorale à partir du continent par les rejets d'effluents ou les dépôts de déchets solides sur la côte, par les apports par les fleuves et les eaux de ruissellement en secteur urbain et agricole (eaux pluviales). Les effluents domestiques sont collectés dans les réseaux et conduits dans une station d'épuration, qui réduit mais non supprime leur charge polluante, avant d'être rejetés mais ils peuvent être rejetés sans épuration dans certains cas. Les effluents industriels sont trés variés, ils sont collectés par les réseaux d'assainissement ou rejetés directement.
Du point de vue nature des substances rejetées, 3 catégories d'apport:
* apports à dominante bactérienne: égouts urbains, industries agro-alimentaires, abattoirs, traitement des peaux, élevages industriels...
* apports à dominante chimique: rejets industriels, canaux et ruissellements trés contaminés chimiquement
* apports mixtes: cours d'eau
c) origine marine
Les polluants sont apportés par les courants marins; ils sont introduits au large, par les activités des transports maritimes et les exploitation des fonds marins (plates-formes pétrolières), ou proviennent d'autres zones côtières par l'action des courants littoraux (les polluants, en particulier les P.C.B., rejetés dans la baie de Seine sont transportés le long des côtes de la Manche jusqu'en Mer du Nord).
1.3 Apports par la mer
Le balancement des marées disperse sur le littoral les polluants. Les matériaux et substances apportés par la marée montante se retrouvent:
sur l'estran et sur les plages lorsque la mer se retire; à marée descendante, des cordons de macrodéchets se forment le long des laisses de haute mer.
dans les secteurs abrités comme les ports, les estuaires où sédimentent les matières particulaires en suspension. En revanche les polluants produits ou accumulés dans les ports sont dispersés en mer.
Les courants marins dans la Manche orientale sont alternatifs et parallèles aux côtes: le flot porte vers le NE, le jusant vers le SW. Ils sont rapides, de 0,5 à 1,5 m/s, le flot étant plus rapide que le jusant. Les apports marins au littoral arrivent par le Sud (baie de Seine) au flot et par le Nord (Mer du Nord) au jusant. Le suivi des masses d'eau par flotteur Argos montre une progression vers le Nord de l'ordre de 5 km/jour. Les eaux de la Seine, et les polluants qu'elles transportent, peuvent être suivies sur une bande de 30 milles de large le long des côtes. En revanche, les teneurs élevées en azote et en phosphates au niveau des grands ports (Boulogne, Calais, Dunkerque) sont d'origine locale. Une pollution organique et bactérienne tout à fait au Nord de la région (Bray les Dunes à l'Est de Dunkerque) provient de Belgique (estuaire de l'Escaut).
La préservation du milieu littoral intéresse d'abord les professionnels, utilisateurs directs, dans les activités de pêche, conchyliculture et aquaculture mais aussi le cadre de vie de tous ceux qui séjournent de façon permanente ou temporaire (tourisme) au bord du littoral.
La présente étude est limitée à la pollution de l'eau de mer sur les côtes, avec référence particulière aux côtes de la Manche.
Figure 3: pollution industrielle sur le littoral de la Manche orientale (Agence de l'Eau, 1990). Pour agrandir, cliquez sur l'image.
2. POLLUTION PHYSIQUE
2.1 Matières en suspensions (M.E.S)
Ce sont des matières minérales (argiles) et des matières organiques.
Les matières organiques en suspension servent de support et de véhicule à une abondante flore bactérienne qui comprend des espèces pathogènes.
Les matières minérales sont des particules produites par l'exploitation des sables et graviers le long du littoral, les travaux d'aménagements littoraux et le rejet de résidus de fabrication industriels. Leur action est surtout mécaniques: elles augmentent la turbidité de l'eau et modifient la nature des fonds, changeant ainsi la flore et la faune. Elles peuvent adsorber à leur surface des polluants chimiques et des germes.
La pollution domestique produit environ 70 g de M.E.S. par habitant et par jour.
Côtes du Nord-Pas de Calais |
apports directs par eaux uséesdomestiques et industrielles: 63 700 tonnnes/an dont la moitié environ de matières organiques |
apports diffus : uniquement des matières minérales atmosphère: 100 000 tonnes/an dragages: 1 900 000 tonnes/an |
apports (tonne/an) |
M.E.S. |
M.O. |
urbains |
100 |
100 |
industriels |
5600 |
2900 |
cours d'eau |
57 100 |
30 900 |
atmosphère |
100 000 |
- |
dragages (*) |
1 900 000 |
- |
TOTAL |
2 062 800 |
33 900 |
(*) rejet des boues de dragages des ports et des chenaux d'accès
Figure 4: Apports polluants sur le littoral du Nord-Pas de Calais (d'après IFREMER)
En Baie de Somme, la concentration des M.E.S. est de l'ordre de 20 mg/litre d'eau de mer; elle présente de fortes variations saisonnières; elle tend à diminuer depuis 1981.
2.2 Pollution thermique
Elle est plus rare sur les côtes que dans les rivières du fait du volume et du brassage des eaux. Certaines implantations industrielles, en particulier les centrales électriques, consomment de l'eau pour leur refroidissement qu'elles rejettent ensuite à une température supérieure. Une centrale de 1000 Mw utilise et rejette plusieurs dizaines de m3 d'eau par seconde dont la température se trouve élevée de 7 à 8 °C. En milieu semi-fermé, cette élévation de température diminue la teneur de l'eau en oxygène et stimule la vitesse de multiplication des algues unicellulaires entraînant l' eutrophisation. La centrale nucléaire de Gravelines produit un échauffement sensible des eaux du littoral au delà de l'embouchure de l'Aa auquel s'ajoute l’action de la chloration induisant la formation de composés organo-chlorés toxiques.
2.3 Pollution radio-active
Au niveau des rejets des centrales electro-nucléaires (Penly, Gravelines) et des centres de traitement des déchets (La Hague).
3. POLLUTION CHIMIQUE
3.1 Matières organiques et minérales dissoutes
Les substances organiques synthétisées et métabolisées par les êtres vivants sont ensuite dégradées par les microorganismes pour retourner à leur état élémentaire: gaz carbonique, eau, composés minéraux de l'azote et du phosphore. Elles sont rejetées en grande quantité dans les eaux d'assainissement et les effluents des industries agro-limentaires (laiteries, abattoirs, conserveries...) Ces matières "fermentescibles" ne sont pas directement toxiques mais elles entraînent de graves perturbations des cycles biologiques et du milieu naturel lorsqu'elles sont en trop grande quantité: c'est l'eutrophisation.
Dans les conditions normales du milieu marin, la production de matières organiques par photosynthèse est limitée par les quantités des sources d'azote et de phosphore disponibles (nitrates et phosphates). Ces deux facteurs limitants empêchent la prolifération des organismes chlorophylliens et la consommation totale de l'oxygène dissous: les eaux restent suffisamment oxygénées. La dégradation des matières organiques par les bactéries du fond se fait par des réactions d'oxydation qui restituent au milieu le gaz carbonique et les sels nutritifs précédemment prélevés.
Les effluents déversés dans la mer sont également riches en sels nutritifs comme les nitrates, les phosphates, l'ammoniaque. Dans le milieu, l'azote et le phosphore ne sont plus des facteurs limitants, les microorganismes du plancton prolifèrent; la quantité d'oxygène dissous ne répond plus à la demande biologique. Les mécanismes de dégradation bactérienne s'orientent vers l'utilisation de l'oxygène contenus dans les nitrates qui sont réduits en nitrites puis en ammoniaque, puis de celui des sulfates qui sont réduits à leur tour en hydrogène sulfuré et en méthane nuisibles aux autres organismes. De nombreuses espèces planctoniques exigeantes en oxygène, et les organismes supérieurs, disparaissent au profit d'espèces nitrophiles. Les cycles biologiques s'accélèrent, la production de matière organique et de déchets, augmentent; leur dégradation appauvrit encore plus le milieu en oxygène. La production d'oxygène par photosynthèse reste importante en surface seulement, la turbidité de l'eau ne permettant pas la pénétration des rayons lumineux en profondeur. La répartition des espèces du zooplancton et du phytoplancton est profondemment modifiée, les Dinoflagellés prolifèrent au point de donner des phénomènes de "marées rouges" (bloom de Phytoflagellés du genre Phaeocystis en Baie de Somme). Sur les côtes de la Manche orientale, le facteur limitant est l'azote, excepté pour l'embouchure de l'Aa et de la Somme où c'est le phosphore. La lutte contre l'eutrophisation porte sur la maîtrise des apports venant de l'agriculture: mise en conformité des bâtiments d'élevage, stockage et épandage des lisiers, techniques de lagunage, fermentation et méthanisation...Les "zones sensibles" du littoral sont les zones à priori sensibles à l'eutrophisation (estuaires), les zones sensibles à la pollution microbiologiques (zones de pêche et d'élevage de produits conchylicoles), les zones de frayères et de nourriceries.
Figure 5: cycle de l’azote.
FLUX |
NH4+ (tonne/jour) |
NO2- (tonne/jour) |
NO3-(tonne/jour) |
TOTAL (tonne/jour) |
1981-89 |
1.49 |
0.98 |
64.89 |
67.36 |
1989-91 |
0.83 |
0.79 |
42.22 |
43.84 |
(d'après l'Agence de l'eau)
TENEUR de l'eau |
0.14 mg/l |
0.32 mg/l |
15.5 mg/l |
15,96 mg/l |
(d'après RYBARCZYK)
Figure 6: Sels nutritifs azotés en Baie de Somme. Ces teneurs sont supérieures au seuil d'eutrophisation.
Figure 7: teneur en Azote de quelques bassins versants en Bretagne (d'après WATREMEZ et URVOIS).
3.2 Détergents
Ce sont des molécules de synthèse qui diminuent les tensions superficielles aux interfaces eau-lipides. Elles remettent en suspension les particules solides adsorbées par les fibres des tissus, elles émulsionnent les graisses et forment des mousses. La structure de la molécule est formée d'une partie hydrophile et d'une partie lipophile. Selon la nature du groupement polaire hydrophile, on les classe en trois catégories: anioniques, cationiques et non-anioniques.
Les détergents sont toxiques pour certaines espèces comme les mollusques, les crustacés, les poissons, les algues. Leur nocivité tient à leur formule chimique et à leur propriétés tensio-actives: altération de l'aération de l'eau, perturbation des échanges au niveau des branchies... La nocivité des détergents a été mis en évidence involontairement lors de la marée noire produite en 1967 sur les côtes de Bretagne et de Cornouailles par l'échouage du pétrolier Torrey Canyon. Les détergents ont été utilisés d'une façon massive pour nettoyer les côtes. Les organismes benthiques ont été trés touchés au point de disparaître complètement: mollusques, crustacés, coelentérés, algues rouges et vertes. Du fait de l'absence d'animaux brouteurs, les algues vertes (entéromorphes et ulves) proliférèrent l'été suivant. Le plancton et les méduses au large des côtes traitées disparurent alors que les poissons adultes résistèrent bien. En résumé, le remède a été pire que le mal. Le nettoyage des côtes de l'Alaska polluées par l'échouage de l'Exxon Valdez s'est fait à la brosse, la pelle et le seau...
La bio-dégradabilité des détergents n'est pas un critère d’'inocuité: certains sous-produits de dégradation peuvent être trés toxiques. En plus des détergents, les lessives contiennent jusqu'à 50 % de polyphosphates qui contribuent à l'eutrophisation des eaux littorales.
3.3 Hydrocarbures
Origine:
dégazage des cuves des pétroliers ou accident, huiles de vidange ou de fuite des navires, rejet des raffineries, rejets sauvages du continent. Ils sont abondants dans les ports. Les hydrocarbures légers forment à la surface de l'eau un film qui contrarie les échanges gazeux.
Quelques chiffres:
en 1972 une raffinerie rejetait de l'eau à 5 ppm d'hydrocarbure, sa consommation était de 6 m3 d'eau par tonne de pétrole brut traité: en 1 an, pour un traitement de 14 M.t. de brut , le rejet était de 400 tonnes d'hydrocarbures sur le littoral.
Le Rhône apporte chaque jour 20 tonnes de produits pétroliers à la Méditerranée.
Sur 6 millions de tonnes déversés par an dans l’ensemble des mers, il y avait en 1988:
2,7 M.t de rejets telluriques (continentaux)
2,1 M.t de rejets de navires
0,6 M.t de retombées atmosphérique (dues aux combustions automobiles, aériennes, industrielles...)
Effets:
mécaniques (en cas de marée noire): engluage des oiseaux, des crustacées, des coquillages, colmatage des branchies des poissons; souillure des plages (et des baigneurs).
toxiques: empoisonnement et destruction des animaux (en particulier mollusques et poissons) et des algues, surtout les algues brunes qui sont alors remplacées par des algues vertes plus résistantes (Ulva, Enteromorpha).
(*) En 1978, échouage de l'Amoco Cadiz devant Portsall (Finistère): 230 000 t de brut polluent 363 km de côtes et 200 000 ha de surface marine. Désastre écologique (mortalité générale évaluée à 90 %).
(*) en 1999, naufrage de l'Erika: libération 20 000 tonnes de fioul lourd riche en hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) sur 400 km de côtes au Sud de la Bretagne. Sa toxicité, notamment vis à vis des moules et des huîtres, s'est révélé potentiellement grande que celle d'un pétrole brut classique.
La toxicité est fonction des composants:
hydrocarbures aromatiques (benzène, toluène...) sont des poisons violents pour tous les organismes; pour les poissons, dose toxique à 5 ppm pour le naphtalène et l'anthracène. Les HAP comme le benzo-pyrène sont cancérigènes à trés faible dose.
hydrocarbures parafiniques (lubrifiants...), moins toxiques, perturbent certains comportements (quête de nourriture, fuite devant prédateur, comportement sexuel, migratoire...)
hydrocarbures oléfiniques, abondants dans produits raffinés, action comparable à ci-dessus.
En baie de Somme, les concentration d'hydrocarbures dans les sédiments varient de 0,6 mg/g à 3,2 mg/g (poids sec). Les teneurs fortes sont proches de St Valery; elles sont expliquées par la venue d'eaux pluviales en provenance des routes.
3.4 Métaux lourds
Ce sont des métaux de forte masse atomique toxiques, à l'état élémentaire ou combiné, à partir d'une concentration minime. Ils sont présents normalement dans le milieu marin en faible dose. Ces métaux sont trés employés depuis le début de l'ère industrielle et ils s'accumulent dans la mer. Les plus dangereux et les plus répandus sont le mercure, le plomb, le cadmium, le chrome.
a)Mercure
Le mercure est tristement célèbre depuis les graves intoxications survenues à Minimata. La "maladie de Minimata" est apparue au Japon, dans le village de pêcheurs du même nom, à partir de 1954. Elle provoqua la mort de plus d'une centaine de personnes tandis que plusieurs centaines de survivants restaient gravement handicapés (paralysie, déficience mentale) et incurables. Ces habitants se nourrissaient de poissons dont la chair avait accumulé un composé organo-mercuriel (methyl-mercure). L'origine du mercure se trouvait dans les effluents d'une usine chimique produisant de l'acetaldéhyde avec du sulfate de mercure comme catalyseur. Les quantités rejetées étaient trés faibles et bien au-dessous du seuil de détection dans l'eau de mer, mais le mercure était accumulé le long des chaînes alimentaires jusqu'à atteindre le seuil de toxicité pour l'homme (bio-accumulation et bio-concentration dans la chaîne alimentaire). La chair des poissons en contenait de 10 à 20 mg/kg, ce qui correspondait à un facteur de concentration de 100 000.
Le teneur naturelle du mercure dans l'eau de mer est estimée à 0,03 microgramme par litre. Il est utilisé dans la fabrication des biocides, de certaines peintures et intervient comme catalyseur. On a estimé à 5 000 tonnes par an la quantité de mercure d'origine artificielle introduit dans le milieu marin par les effluents industriels et le ruissellement sur les terres agricoles. Sa toxicité est décelable dès 0,1 microgramme /l pour le phytoplancton. Les composés mercuriels sont transformés par les organismes en forme organique (comme le méthyl-mercure) bien plus toxiques. Ces composés lipo-solubles sont principalement des toxiques du système nerveux. Les invertébrés comme les vertébrés y sont sensibles. Episodiquement, des poissons sont déclarés impropres à la consommation à cause de la teneur trop élevée de leur chair en mercure. En France, le taux maximum recommandé est de 0,5 mg/kg dans le poisson.
Les principales sources de pollution sont les piles, les thermomètres au mercure (désormais interdits), certaines peintures marines (contenant en plus des PCB) et certains fongicides. Les rejets industriels sont strictement contrôlés, au moins dans l'Union Européenne (limite fixée à 0,05 mg/l d'effluents). Le mercure est toujours largement utilisé pour extraire l'or des gisements, notamment en Amérique du Sud.
Figures 8: Emissions de Mercure dans l’atmosphère aux Etats Unis. Les combustibles fossiles constituent la principale source d'origine humaine.
Figure 9: Cycle biologique du mercure et bioconcentration.
b)Plomb
La teneur dans l'eau de mer est trés faible, de 0,02 à 0,04 microgramme /litre; cette teneur est plus élevée dans l'hémisphère nord, signe de pollution généralisée. Sa concentration augmente près des côtes: au large de Dunkerque, les sédiments contiennent 1g de Pb par kg. On estime que 200 000 tonnes de plomb sont introduites chaque année dans les océans. Le plomb est principalement produit par les fumées des fonderies, des incinérateurs et des gaz d'échappement des véhicules utilisant du carburant à plomb tétraéthyle; C'est un des composants des batteries de voiture. Il est transporté par ruissellement direct et cours d'eau vers le littoral et par voie aérienne jusqu'à milieu de l'océan. La teneur des effluents industriels est limitée à 0,5 mg/l. La production de polluants par km d'autoroute est révélatrice. La teneur en plomb a beaucoup diminuée avec l'introduction des carburants sans plomb.
gommes de pneumatiques: hydrocarbures oxydes d'azotes plomb zinc cadmium |
0,6 à 1,2 kg / km / jour 11 kg / km / jour 11 kg / km / jour 0,24 kg / km / jour 10 g / km /jour 20 à 90 g / km / jour |
Plomb: 40 % entraîné par les eaux de ruissellement; 60 % dispersé dans l'air
Figure 10: polluants émis sur l'autoroute A6 en 1985 (en rase campagne à 120 km de Paris), d'après LEROY, 1992.
Seuls les composés solubles du Pb sont toxiques pour les organismes; ils sont accumulés dans les tissus durs comme les os. La biocentration du Pb chez les poissons atteint 100 000. Il provoque chez l'homme des atteintes du tube digestif (saturnisme), du sang (anémie), des reins et du système nerveux. La dose hebdomadaire tolérable chez l'adulte est de 3 mg.
c)Cadmium et Chrome
Ces 2 métaux sont abondants dans les sédiments au large de Dunkerque, en Baie de Seine et en Mer du Nord.
Le Cadmium est après le mercure le plus toxique des métaux lourds pour les animaux aquatiques; il est est asssocié au zinc et rejeté notamment par les mines et les usines de traitement du minerai dans l'atmosphère et les eaux superficielles. Il est utilisé dans les pots catalytiques, dans certains accumulateurs.
On estime à 1,8 tonne la quantité annuelle transportées par les eaux usées urbaines en France: elle se retrouve dans les boues de stations d'épuration. Les sources principales sont l'industrie métallurgique et les incinérateurs urbains sans traitement de fumée. La limite de rejet dans les effluents industriels est fixée à 0,2 mg/l.
L'intoxication par le Cadmium chez l'homme produit des atteintes du sang, des reins et du squelette (« maladie d'Itaï-Itaï au Japon »)
Le Chrome est utilisé dans le traitement de surface des métaux. Il est nocif à l'état hexavalent, mais il est rapidement transformé en forme trivalente moins dangereuse dans le milieu marin.
apports (tonne/an) |
Pb |
Zn |
Cd |
Cu |
industries |
5 |
70 |
0,2 |
2 |
cours d’eau |
7 |
169 |
0,4 |
14 |
atmosphère |
6 |
26 |
0,4 |
8 |
dragages |
126 |
308 |
1,5 |
33 |
TOTAL |
144 |
573 |
2,5 |
57 |
Figure 11: Flux de métaux lourds apportés à la mer (Nord-Pas de Calais) en tonne/an (source: IFREMER, 1989).
apports (tonne/an) |
Cd |
Hg |
Cu |
Pb |
Zn |
N |
P |
Méditerranée |
56 |
120 |
4971 |
3200 |
18000 |
1042000 |
358000 |
Atlantique Nord |
70 |
12 |
790 |
1220 |
3700 |
314000 |
19000 |
Figure 11: Flux de polluants d'origine industrielle et agricole apportés par les fleuves en Méditerranée et dans l'Atlantique Nord (en tonne/an; source: Water Research Centre).
Somme |
Mn |
Ni |
Cr |
Cd |
Pb |
Zn |
Cu |
1984 |
214.5 |
36.37 |
60.68 |
0.88 |
21.96 |
88.2 |
13.5 |
1989 |
186.5 |
13.52 |
50.5 |
0.55 |
25.5 |
66 |
11 |
1992 |
230.06 |
7.29 |
47.32 |
0.39 |
13.81 |
48.9 |
9.34 |
Seine (1987) |
447.4 |
32.83 |
92.06 |
2.18 |
53.37 |
169.4 |
34.22 |
Figure 12: Concentration des métaux en Baie de Somme et Baie de Seine (mg par kg de sédiment sec)(source: WILSON et al., 1987; ELKAIM, 1992)
Elément |
Teneur moyenne (mg/kg sec) |
Teneur maximale (mg/kg sec) |
---|---|---|
Arsenic |
22 |
32 |
Cadmium |
0,39 |
1,3 |
Chrome |
67 |
100 |
Cuivre |
50 |
670 |
Mercure |
0,11 |
0,52 |
Nickel |
24 |
35 |
Plomb |
58 |
110 |
Etain |
8,9 |
19 |
Zinc |
162 |
540 |
Figure 13: Teneur en métaux lourds dans les sédiments des ports de Loire Atlantique (1989-1995) d'après Bull. Lab. Ponts et Chaussées, n° 210).
d) Zinc et cuivre
Non lourds sensu stricto et moins toxiques que les précédents, ces métaux sont utilisés en grande quantité par les activités humaines. Ils indiquent une pollution et sont pris en compte par le Réseau National d'Observation de la qualité du milieu marin. En Méditerranée, leur teneur atteint 0,45 mg/l dans les ports polluées.
3.5 Pesticides et autres produits biocides
Un biocide est une substance chimique à vaste spectre d'action capable de détruire des organismes vivants.
Il y a 10 ans, il était consommé en France par an:
500 tonnes d'antibiotiques
100 000 tonnes de pesticides
100 000 tonnes de soufre (déversé sur les vignes)
La plus grande partie de ces produits se retrouvent après usage dans les eaux et dans l'atmosphère, puis dans la mer.
Les biocides sont largement utilisés en agriculture contre les ennemis des élevages et des cultures.Ils sont employés aussi pour détruire les insectes vecteurs de maladies (paludisme, typhus, peste, fièvre jaune). On parle d'insecticides, de fungicides, de moluscicides, d'herbicides... Ces produits ont généralement une grande stabilité chimique qui peut les faire s'accumuler dans le milieu jusqu'à atteindre des doses dangereuses. Ils sont concentré le long des chaînes alimentaires, comme les métaux lourds; le facteur de concentration peut être trés élevé (1 000 000 pour le DDT). Des concentrations significatives d'herbicides persistent dans les eaux estuariennes et contaminent le milieu marin. En Méditerranée, des pesticides organo-phosphorés ont été détectés dans l'eau et dans des poissons.
Les organochlorés, comme le DDT (DichloroDiphenylTrichoréthylène), le lindane, sont trés stables; ils persistent dans le milieu pendant de nombreuses années. Ils sont liposolubles et s'accumulent notamment dans les graisses des vertébrés. En Baie de Somme, les teneurs en DDT sont de l'ordre de 50 microgramme par kg de sédiments secs, bien que ce pesticide ne soit plus en usage depuis plusieurs dizaines d'années. Les organophosphorés sont plus faciles à dégrader, mais les sous-produits qu'ils libèrent peuvent être plus toxiques que le produits d'origine. Les carbamates (fongicides et herbicides) sont moins toxiques. Un herbicide comme l'Atrazine a dû être interdit à cause de la toxicité du produit lui-même et de ses sous-produits.
Une étude statistique menée en 1992 à l’hôpital de Besançon chez les agriculteurs exposés régulièrement aux pesticides a montré une augmentation significative des cancers du sein et du pancréas. Les agriculteurs philippins utilisant de forte dose de pesticides présentent des affections oculaires et cutanées, des troubles respiratoires, cardiaques et gastro-intestinaux, des troubles neurologiques et des affections du sang.
Les PCB (PolyChloroBiphényles) sont des molécules de synthèse proches des organochlorés. Ils sont utilisés comme plastifiants, lubrifiants, isolants électriques. Ils sont toxiques et s'accumulent et se concentrent dans les graisses. En 1986, des teneurs élevées atteignant 270 microgramme/kg ont été trouvés dans les sédiments de la Baie de Somme. L'arrêt de fabrication de ces substances est prévu à l'échelon national et leur utilisation actuelle est limitée aux systèmes clos (installations électriques). De plus, leur destruction doit être effectuéee dans des installation contrôlées. Néanmoins, une gestion efficace des déchets (matériels électriques déclassés) reste à faire. Le phénomène de bio-amplification est particulièrement démonstratif en milieu marin:
Eau de mer: 2.10-6 ppm ==> poisson: 1 ppm ==> goéland argenté: 124 ppm |
En Baie de Seine, les moules contiennent dans leur chair 0,5 ppm de PCB (poids sec).
|
DL 50 (*) |
D.J.A. |
|||
|
poissons |
crustacés |
mollusques |
rat blanc |
homme |
D.D.T. |
0.4 - 12000 |
1.6 - 10 |
9 |
113 |
5 |
Lindane (gH.C.H.) |
30 - 280 |
0.3 |
450 |
125 |
12,5 |
Parathion |
68 - 3000 |
|
1000 |
13 |
5 |
Aldrine |
< 20 |
0,6-50 |
25 |
67 |
0,1 |
(*) DL 50: dose nécessaire pour causer la mort de 50% d'individus.
Figure 14:Toxicité de quelques insecticides; valeur de la DL50 en microgramme/kg. Pour l'homme, Dose Journalière Admissible (d'après G.I.E.P.M., 1973)
Une nouvelle directive européenne sur l'usage des produits biocides porte sur des produits trés divers, outre les pesticides: désinfectants, produits pour la protection des bois, des textiles, des maçonneries, poisons contre les rongeurs...
3.6 Chlore
Il est utilisé comme désinfectant de l'eau, dans les cicuits de refroidissement des installations côtières, comme agent de blanchiment en industrie textile, dans l'agro-alimentaire, dans la fabrication du PVC... La centrale électronucléaire de Penly (Seine maritime) traite ses eaux de refroidissement au chlore pour éviter le développement des organismes dans les canalisations. La combustion des produits chlorés peut former des corps chlorés très toxiques, les dioxines. Dans l'eau, le chlore forme avec certaines corps minéraux (NH3) ou organiques des chloramines et des chlorophénols toxiques. L'empoisonnement par les PCB a été décrit au Japon.
4.CAS DES DECHETS SOLIDES
Ce sont d'abords tous les débris solides qui s'accumulent le long des laisses de hautes mers: bouteille, sacs et autres récipients en matière plastique, bois, débris de filets et de filins... Ces déchets proviennent de décharges, autorisées ou non, le long du littoral et des cours d'eau allant à la mer, des réseaux d'eau pluviale, des rejets directs d'émissaires sans dégrillage, de l'abandon débris sur la plage par les baigneurs et les casse-croûteurs peu scrupuleux, du déversement à partir de navire (commerce et plaisance)...Ces objets constituent surtout une nuisance visuelle qui déprécie l'attrait d'une plage. Flottant au large, ils peuvent constituer une entrave à la pêche et à la navigation. Autres types de gros déchets solides, les épaves de navires s'accumulent sur certaines côtes inhospitalières (comme les côtes de l'ex Sahara espagnole) et à proximité des ports. Elles peuvent être l'origine de pollution par hydrocarbures, mais d'autre part elles constituent souvent un excellent support pour la fixation d'organismes qui sans elles ne pourraient s'installer (cas des côtes sableuses). Dans les laisses de haute mers, les déchets les plus fréquents sont les matières plastiques (plus de 50 %). Ces matières sont fragmentées en grains (« plastic pellets » ou « nibs ») qui sont trouvés sur toutes les plages du monde. Les produits de dégradation des matières plastiques (phtalates) se retrouvent également en grande quantité dans le sable des plages et dans l’eau. Les débris de verre et les mégots de cigarette (!) constituent un autre stock important.
Ces débris sont dangereux pour la vie marine. Les filets perdus et leur débris continuent à prendre des poissons et des oiseaux. Les plastiques sont ingérés comme proie par les poissons, les tortues marines, les oiseaux de mer. Les désagréments sont aussi pour les pêcheurs dont les filets récoltent des débris indésirables.
Un cas plus dangereux est représenté par le stockage sur le fond de déchets toxiques indésirables: gaz de combat des dernières guerres, déchets radio-actifs... Ces substances sont enfermés dans des conteneurs métalliques ou en béton qui finalement présentent des fuites et relachent leur contenu. On peut espérer que leur dilution dans l'eau de mer les rendra inoffensifs. Entre 1967 et 1982, 94 604 tonnes de déchets nucléaires français ont été immergés en mer . L'immersion a été arrêtée en 1983.
La pollution radio-active reste un problème toujours d'actualité. Les centrales nucléaires et les applications militaires produisent une grande quantité de déchets solides irradiés qu'il est tentant de déverser en mer. Les soviétiques ne s'en sont pas privés dans la Mer de Barents. S'ajoutent à cela quelques sous-marins nucléaires coulés à proximité des côtes qui relargueront bientôt leur combustible sous l'effet de la corrosion. L'homme peut subir ces irradiations en ingérant des organismes contaminés qui ont concentré des isotopes radio-actifs comme ils le font pour les isotopes stables: c'est le cas du phosphore et du zinc.
5.POLLUTION MICROBIOLOGIQUE
5.1Microorganismes pathogènes:
Ce sont des bactéries (Salmonella, Staphylocoques, vibrions dont celui du cholera) ), virus (virus de l'hépatite, entérovirus), champignons (Candida, Torula), protozoaires , oeufs de parasites (Ascaris, Tenia). Les bactéries sont des hôtes de l'homme et d'autres mammifères (leptospires de l'urine des rats).
Ils sont apportés par les eaux usées directement rejetées en mer depuis le continent et les navires, ou transitant par les fleuves. Ils accompagnent des microorganismes plus communs, non pathogènes, qui sont de bons indicateurs de la pollution fécale (Coliformes fécaux, Streptocoques; on compte en moyenne une Salmonelle pour 50 000 coliformes fécaux). La durée de survie de ces germes est variable en eau de mer, de quelques heures à plusieurs mois; elle est prolongée dans les eaux riches en matière organique et en particules minérales fines (argiles), et à température élevée (rejets thermiques des centrales nucléaires en particulier). Des souches résistantes peuvent survivre dans les sédiments fins riches en matière organique (vases d'estuaire...)
La contamination a lieu par contact direct avec des eaux polluées (baignades) et par consommation de produits de la mer infectés. Le contact avec l'eau polluée produit des affections cutanéo-muqueuses diverses (rhino-pharyngite, oculaires, otites, dermatoses...)
Les invertébrés marins, comme les bivalves et les oursins, qui filtrent une grande quantité d'eau polluée, retiennent et concentrent en particulier les bactéries et les virus d'un facteur de 10 à 100. Les moules et les huîtres peuvent être infectées par des Salmonelles (typhoïde), le virus de l'hépatite infectieuse, de l'herpès, le vibrion du choléra.
Microorganismes |
Concentration (nombre/ml) |
---|---|
Coliformes totaux |
10 5 - 10 6 |
Coliformes fécaux |
10 4 – 10 5 |
Streptocoques fécaux |
10 3 – 10 4 |
Salmonelles |
10 0 – 10 2 |
Entérovirus |
10 1 – 10 2 |
Figure 15 : Types et nombres de microorganismes présents dans les eaux usées domestiques non traitées (d'après GODFREE).
5.2 Plancton toxique
Le phytoplancton toxique produit des "marées rouges" ou "eaux colorées": sa prolifération (efflorescence ou bloom) est la cause de la coloration des eaux en rouge, vert, brun (...) et de la surconsommation d'oxygène. Il sécrète des substances toxiques qui sont accumulées par les prédateurs (zooplancton, petits invertébrés...) et concentrées le long de la chaîne alimentaire. Les coquillages, qui les accumulent ,ne paraissent pas affectés mais il sont absorbées par l'homme qui est sensible à ces toxines, comme les animaux marins: poissons, mammifères. Certains poissons meurent (harengs, morue, saumons...) d'autres accumulent les toxines dans le foie et d'autres organes et provoquent la mort des prédateurs qui les consomment (poissons, oiseaux, mammifères marins).
En 1987, 14 baleines à bosse sont venues mourrir à Cap Cod (côte atlantique des USA): la cause était une toxine paralysante produite par un dinoflagellé, accumulé dans le foie et les reins des maquereaux trouvés dans l'estomac des baleines. En 1991, des cormorans et pélicans ont été empoisonnés en Californie par une toxine produite par une diatomée.
Les symptômes d'intoxication par les coquillages (palourdes, moules, huîtres, coquilles St Jacques) sont de 3 types:
type paralytique: picotements et engourdissements de la bouche, des doigts, grande faiblesse musculaire, pouvant aller jusquà la paralysie respiratoire et la mort par asphyxie
diarrhéique: vomissements, nausées, diarrhées
neurotoxique: diarrhées, vomissements, douleurs musculaires, angoisses, amnésie, transpiration
En France, de nombreuses zones du littoral sont régulièrement affectées par la présence de toxines diarrhéiques depuis 1984. La présence de toxines paralysantes est observée en Bretagne et en Méditerranée. Des toxines amnésiantes sont apparues récemment en Bretagne.
Beaucoup des responsables sont des Dinoflagellés dont la concentration jusqu'à plusieurs centaines de milliers par millilitre d'eau (ex.: Dinophysis, responsable des intoxication par les huîtres, toxique à partir de 200 cellules par litre d’eau). La stratification des eaux paraît être un facteur favorable. L'action sur les poissons entraîne des morts massives, en particulier dans les élevages où les poissons ne peuvent fuire les toxines (élevage de saumons, dorades...) En Norvège, il existe un réseau de surveillance des côtes pour diminuer les risques. Une nouvelle algue toxique, Heterosigma carterae, a été repérée en 1994 sur les côtes bretonnes; sa prolifération décime les élevage de poissons. |
Figure 15c: Dinophysis (photo IFREMER) |
La cause des proliférations planctoniques est principalement due aux apports sur les côtes de déchets industriels, domestiques et agricoles riches en nitrates et phosphates. Les dinoflagellés, plus souvent toxiques, sont favorisés par rapport aux diatomées dont le facteur limitant est le silicium dans l'eau (la teneur en Si n'augmente pas).
A Hong Kong, entre 1976 et 1986, la population du port a été multipliée par 6, la fréquence des marées rouges par 8.
Figure 16: prolifération des algues vertes sur le littoral breton (d'après WATREMEZ et URVOIS). Comparer avec la teneur en nitrates des bassins versants (Figure 7)
6. QUALITE DES EAUX DE BAIGNADE ET CONCHYLICULTURE
La directive européenne 76/160/CEE définit la qualité des eaux de baignade et des coquillages. La détermination de la qualité de l'eau s'appuie sur ses caractères bactériologiques et physico-chimiques.
Normes de qualité européenne
: Directive 76/160/CEE / Pour plus de 3 prélèvements durant la saison balnéaire (en métropole) : A (bonne qualité), B (qualité moyenne) correspondant à une qualité d’eau de baignade conforme, C (pollutions momentanées) et D (mauvaise qualité) correspondant à une qualité d’eau de baignade non conforme.
|
Figure 17: Réglementation européenne et nationale et classement des plages
Quatre catégories de qualité sont définies:
catégorie A: eaux de bonne qualité
catégorie B: eaux de qualité moyenne
catégorie C: eaux pouvant être momentanément polluée
catégorie D: eaux de mauvaise qualité.
Les plages de la Manche orientale sont surtout classées en catégorie A et B. Le "pavillon bleu" identifiant les eaux de bonne qualité y reste encore rare. En 2002, il a été attribué à Quend Plage. A l'intérieur de la Baie de Somme, les eaux restent de qualité médiocre.
De la qualité sanitaire des eaux depend celle des mollusques qui y vivent et qui concentrent les germes.La qualité des zones conchylicole est surveillée par un réseau de contrôle microbiologique. Les bactéries Escherischia coli sont utilisées comme indicateurs de contamination fécales des zones de production. Une contamination importante des coquillages en E. Coli indique un risque de présence de bactéries pathogènes comme les Salmonelles ou de virus comme celui de l'hépatite A. Le dispositif d'alerte est déclenché lorsque les normes définissant les classes de qualité sont dépassées, lorsque les risques de contamination (rejets polluants, orages) sont importants ou en cas d'épidémie chez les consommateurs de coquillages.
Le littoral du Boulonnais est classé zone insalubre afin d'éviter toute livraison directe à la consommation humaine des coquillages. Une station de purification des coquillages a été mise en service pour rendre commercialisables les moules de la région. Les coques de la Baie de Somme sont également impropre à la consommation. Elles doivent séjourner dans une station de purification avant d'être commercialisées.
Production de moules sur le littoral Nord-Pas de Calais |
moules d'élevage sur bouchots 300 tonnes valeur : 2,5 MF moules d'élevage au sol 185 tonnes : 0,8 MF moules de pêche 153 tonnes : 0,6 MF |
Production de coquillages sur le littoral de la Somme |
coques 6 155 tonnes : 21,5 MF moules d'élevage sur bouchots 748 tonnes : 5,5 MF moules de pêche 359 tonnes : 2,5 MF |
Figure 18: Production conchylicole en Manche orientale (Agence de l'Eau, 1994)
La directive européenne de 1976 est en cours de révision. Principales modifications:
coliformes totaux (indicateurs peu fiables): recherche abandonnée
streptocoques fécaux: recherche renforcée
Salmonelles (non obligatoire dans la Directive): recherche supprimée
entérovirus: les modalités de recherche se révèlent trés coûteuses.
polluants chimiques (ammoniaque, azote Kjedahl, pesticides, métaux lourds, cyanures, nitrates, phosphates): : recherche supprimée sous prétexte qu'ils ne constituent pas un facteur de risque dans le cas d'une utilisation ludique de l'eau pour la baignade.
6 CONCLUSIONS
La mer, et plus particulièrement le littoral, apparaît comme le réceptacle de tous les polluants d'origine tellurique ou marine. La qualité des eaux du littoral est localement préoccupante et seule une politique globale peut remédier à la dégradation progressive du milieu marin. Un effort est fait à l'échelon européen qui se manifeste par des recommandations puis des directives contraignantes qui visent à limiter les sources de pollution: limitation de la pollution agricole (pesticides, nitrates), traitement plus poussée des eaux usées urbaines, des effluents industriels, des émissions aériennes polluantes, des émissions des moteurs à combustion interne ( imbrûlés des diesels, super sans plomb). La limitation des sources de pollution ne peut se faire actuellement que sur le territoire et les eaux territoriales des pays de l'Union Européenne. Les pollutions d'origine marine (pétroliers libériens...) et aérienne (nuage radio-actif de Tchernobyl) échappent au contrôle.
En France, les Agences de l'Eau et les Comités de Bassin, regroupant les Agences et les Usagers, jouent un rôle déterminant dans le contrôle des pollutions à la source (primes à la dépollution, taxation des pollueurs...). Un effort particulier est fait sur les stations d'épuration des eaux usées (entretien, modernisation, augmentation de capacité des stations anciennes, implantation de nouvelles), la limitation de la pollution agricole (stockage, épandage des lisiers, traitement des rejets d'élevages industriels) et la promotion des technologies propres dans l'industrie.
Après des dizaines d'années d'inconscience et d'irresponsabilité, les résultats d'une telle politique ne peuvent pas être immédiat. Beaucoup de polluants restent stockés dans les sédiments, un simple dragage suffit à les faire réapparaître (comme la Lys et l'Aa). Néanmoins, la pollution actuelle semble ne plus augmenter, localement elle décroît, signe que les mesures prises sont efficaces. La qualité des eaux de baignade est un bon critère: le pari sera gagné le jour où le pavillon bleu flottera sur les plages de la Baie de Somme.
« The very survival of the human species depends upon the maintenance of an ocean clean and alive, spreading all around the world. The ocean is our planet's life belt. » J.Y. COUSTEAU (1980).
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IFREMER: plaquettes diverses
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mise à jour: 5 juillet 2003
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