Bien que des preuves convainquantes aient été présentées par plusieurs auteurs montrant que la destruction du couvert forestier a peu d’effet sur les précipitations dans les régions tempérées, les avis sont beaucoup plus partagés sur la forêt équatoriale. Salati et Vose (1984) suggèrent que dans les zones tropicales humides, et particulièrement en Amazonie, l’effet de la déforestation sur l’humidité atmosphérique change radicalement le climat et réduit les précipitation. L’étude suivante met en évidence les changements possibles de l’évapo-transpiration et des précipitations qui peuvent résulter de la déforestation dans le Bassin de l’Amazone et examine si de tels changements peuvent être attendus dans d’autres forêts tropicales.
Le Bassin de l’Amazone, une zone d’environ 5 800 000 km2, est l’un des
plus grand bassins versants du monde. Le fleuve Amazone fournit entre 15
et 20 % du flux mondial d’eau douce, ce qui correspond à une hauteur
annuelle R de 950 mm d’eau répartie sur l’ensemble du bassin.
En prenant une hauteur annuelle moyenne de précipitation P de 2000
mm sur l’ensemble du bassin, l’évapo-transpiration ET est égale
à :
Marques et collaborateurs (1977) ont estimé que 48% des précipitations P, soit 960 mm, dans l’est du bassin proviennent de l’evapo-transpiration du bassin lui-même. Si nous appliquons cette proportion à l’ensemble du bassin, ce sont alors 91% de l’évapo-transpiration du bassin qui sont recyclés (c’est à dire 960/1050 mm) en précipitations.La part de précipitation provenant d’humidité extérieure au bassin serait de (2000-960) soit 1040 mm.ET= P-R= 2000-950 = 1050 mm
Les plus grandes réductions en ET dues à l’abattage de la forêt pourraient varier de 40 à 65 mm par an pour chaque 10% de forêt abattue. Si nous prenons une réduction maximale de 65 mm pour 10% de forêt coupée et que nous considérons que des cultures ou des taillis occupent la zone dégagée, la réduction nette de l’ET devrait être compensée par une ET d’environ 25 mm par an pour chaque 10% de surface affectée.
La déforestation suivie d’une mise en culture de 30% du Bassin
de l’Amazone donnerait le résultat suivant:
réduction de l’ET | (65 - 25) / 10% * 30% = 120 mm/an |
nouvelle ET | 1050 - 120 = 930 mm/an |
contribution de l’ET à P | 91 % * 930 = 846 mm/an |
Humidité atmosphérique pour P | 846 + 1040 = 1886 mm/an |
Eau disponible pour le fleuve R | 1886 - 930 = 956 mm/an |
Ainsi, la conversion de 30% de la forêt amazonienne en culture réduirait les pr écipitations de 6% tandis que le débit du fleuve augmenterait de 1%.
Ce calcul peut être répété pour différents cas de couvert végétal, mais la possibilité de changement majeur dans les précipitations sur le Bassin de l’Amazone comme conséquence de l’utilisation du sol est mineur (voir tableau et figure).
Sur le tableau, le cas A représente le bilan hydrique de la première
année suivant des coupes claires sans repousse
Les conditions du cas B correspondent approximativement à la
conversion de la forêt en taillis ou en culture. Salati et Vose suggèrent
qu’une réduction de 10 à 20% des précipitations serait
préjudiciable à l’écosystème. Pour arriver
à ce stade, plus de 35% du bassin devrait être dénudé
ou plus de 60% converti en culture ou en taillis.
L’effet possible de la déforestation dans les autres régions
tropicales devraient être plus faibles du fait de la proximité
de grands corps d’eau. L’humidité atmosphérique ne devrait
pas être réduite pour la plupart des zones tropicales humides.