Chapitre 7
1. LES MILIEUX LITTORAUX
Le littoral comprend la ligne de côte et une bande immergée
de largeur variable dont la profondeur est inférieure à 200
mètres et qui correspond à la plate-forme littorale. La ligne
de côte comprend les plages, les falaises et la partie du continent
soummise plus ou moins directement à l'action de la mer: duneslittorales,
marais côtiers, estuaires... La nature de la sédimentation littorale,
ou néritique, dépend essentiellement des apports détritiques
du continent et de la productivité biologique, ces deux facteurs dépendant
eux-mêmes de la latitude et du climat. Dans les régions tempérées
et froides, les matériaux détritiques dominent; leur composition
est surtout siliceuse: on parle de sédimentation silico-clastique.
Dans les régions chaudes nombreux sont les organismes qui fixent le
carbonate de calcium ; à leur mort, les éléments carbonatés
s'accumulent au point de constituer la matière principale du sédiment:
on parle de sédimentation littorale carbonatée. Cette dernière
fera l'objet du chapitre suivant. Les estuaires, deltas et lagunes seront
étudiés dans des chapitres distincts .
2. LA LIGNE DE COTE
2.1 Les côtes rocheuses
Les côtes rocheuses et escarpées bordant des mers agitées sont des domaine d'érosion ou du moins d'absence de sédimentation. Les matériaux arrachés sont emportés par les courants littoraux puis s'accumulent dans des "rentrants" protégés de la côte. L'action propre de l'hydrodynamisme marin est important sur les roches tendres. Les îles volcaniques constituées de cendres sont rapidement érodées par les vagues: dans les îles Lipari, le Vulcanello, petit volcan dont l'activité est historique, a déjà perdu la moitié de son cône. Les organismes participent à l'érosion des côtes: les mollusques lithophages, certaines annelides, perforent les roches dures. Des vers, des crustacés, des bivalves creusent desterriers dans les sédiments meubles. La mer agit également par voie chimique; au dessus du niveau de la mer apparaissent des cavités de dissolution surtout importantes dans les roches calcaires et qui sont dûes à l'action des embruns chargés de sels. Ces cavités ou taffoni, quand elles sont nombreuses, confèrent à la roche une structure alvéolaire déchiquetée commune sur les côtes atlantiques marocaines. Les algues participent également à la destruction chimique. L'érosion continentale ajoute son effet à celle de la mer. Le recul des falaises crayeuses du Pays de Caux est en grande partie due à l'action de la pluie et du gel qui minent la falaise et provoquent son éboulement. La mer déblaie les matériaux éboulés, dégage les silex et les usent en galets. Les galets sont entrainés vers le nord par le courant littoral et déposés jusqu'à la baie de Somme; ils constituent des plages particulièrement inconfortables.
2.2 Les plages
Les plages sont des lieux d'accumulation de sables, plus rarement de galets,
situés le long du rivage. Le déferlement des vagues génèrent
des courant locaux qui produisent le déplacement des sables et leur
accumulation en une barre de déferlement, quelquefois plusieurs, parallèle
au rivage
a) Origine des matériaux
Les sables proviennent généralement du continent; ils sont apportés par les fleuves dans les estuaires et les deltas puis dispersés le long du littoral par les courants: c'est le cas des plages de Vendée (Loire) et de Camargue (Rhône). Néanmoins, ils peuvent provenir du remaniement par la mer de sables littoraux: au cours d'une tempête, les vagues et les courants peuvent exporter des pans entiers de plage et déposer le sable plus loin. Aux éléments terrigènes s'ajoutent de éléments calcaires provenant de la destruction des coquillages. Certains sables de plage viennent de l'érosion sous-marine des sables de la plate-forme: le sable des plages picardes au Nord de la Somme ont pour origine les sables éocènes du fond de la Manche. Les galets sont également apportés par les fleuves. Par rapport aux sables, leur dispersion le long de la côte est plus faible et ne dépassent guère que quelques kilomètres depuis l'embouchure. Certains galets proviennent de l'usure même de la côte (cas des galets de silex); ceux du Pays de Caux sont déplacés de plusieurs dizaines de km le long de la côte vers le Nord.
b)Zonation
Le balancement des marées et l'énergie des vagues délimitent un certain nombre de zones d'hydrodynamisme différent dont les noms varient selon les auteurs et le type de sédimentation (Figure 7-1). Schématiquement, l'hydrodynamisme est maximal dans la zone déferlement, les sédiments déposés sont grossiers (sables, galets). En direction du large l'hydrodynamisme diminue et la taille des matériaux également.
2.3 Les vasières
Dans les parties protégées du littoral, l'hydrodynamisme est plus faible et les particules fines se déposent; les estuaires et les fond de baies présentent ces caractères: Baie du Mont St Michel, Baie de Somme, Estuaire de la Gironde, Bouches de l'Escaut, de la Meuse et du Rhin. La morphologie est particulière; deux zones sont distinguées aux Pays Bas.
* Le schorre est la zone supratidale; ce sont des marécages garnis
de végétation herbacée et parcourus de chenaux tidaux
. Il s'y dépose un sédiment silto-argileux laminé, riche
en matière organique appelé tangue dans la Baie du Mont St Michel.
La sédimentation est souvent plus grossière dans les chenaux
(sables) et montre une alternance de lamines sableuses et de lamines silto-argileuses
correspondant à l'action d'un courant fort, en général
le flot, et d'un courant plus faible, en général le jusant.
Ces couplets de marée ("tidal bundles") sont caractéristiques
des milieux marins tidaux.
* La slikke contient la vase de la zone intertidale. Les organismes fouisseurs sont nombreux (annélides, bivalves). Elles est traversée par des chenaux à courant de jusant où se déposent des dépôts sabloneux à structures hydrodynamiques traduisant la cyclicité des marées.
3. LA PLATE-FORME
C'est le prolongement au large de la zone subtidale. L'hydrodynamisme peut y être fort: oscillation et succion sur le fond des vagues, érosion et dépôt par les courants de marées. De plus, pendant les tempêtes, apparaisent des courants "géostrophiques" provoqués par le reflux en profondeur de la masse d'eau poussée par les vents en direction des côtes; le déplacement de l'eau se fait d'abord perpendiculairement à la ligne de rivage, puis la force de Coriolis dévie le mouvement vers la droite dans l'hémisphère nord.
Figure 7-6: Formation d'un courant géostrophique induit par la tempête. (1) le vent souffle en direction de la côte; (2) il cesse et l'eau reflue en profondeur.
Selon la vitesse des courants le fond est érodé ou des sédiments s'y déposent. Ce sont principalement des sables. Les formes principales d'accumulation sont des rubans sableux longitudinaux, des dunes, des mégarides ou vagues sableuses, des rides.
Sur les côtes atlantiques nord-américaines, les accumulations sableuses sont dues aux courants de tempête; elles sont disposées en barres obliques par rapport au rivage. Dans la Manche, les courants de marée sont déterminants; leur vitesse atteint 1 m/s; ils changent périodiquement de sens mais effectuent un circuit de telle sorte que les figures sont souvent unidirectionnelles. En Mer du Nord on trouve des corps sédimentaires alongés, les "bancs", de plusieurs dizaines de km de long pour une hauteur atteignant 40 m, qui portent des mégarides et des rides (exemple Dogger Bank).
Dans les zones plus profondes de la plate-forme et dans les mers picontinentales, l'hydrodynamisme plus faible peut favoriser la stratification de l'eau et l'anoxie. Les débris organiques s'accumulent et sont réduits. Des accumulations de débris phosphatés se produisent actuellement au large des côtes de Namibie. Le dépôt de matière organique réduite et d'argile donne des sédiments noires qui évoluent plus tard en "black shales". Dans les sables accumulés sur les plate-formes se forme un silicate d'alumine proche de l'illite, la glauconie.
4. ROCHES DETRITIQUES D'ORIGINE LITTORALE
4.1 Faciès et structures
Les sables donnent des grès à structures de courant souvent
bidectionnelles; les litages sont plans parallèles, plans faiblement
obliques, en auge et entrecroisés. Les grains sont usés et
bien classés; la matrice est faible. Dans les séries anciennes
on trouve souvent des grès à structures en mamelon (hummocky
cross stratification) comportant des lamines convexes et d'épaisseur
variable. Ces structures sont rapprochées des mégarides actuelles;
elles caractérisent des milieux soumis à l'énergie des
vagues (dépôts de tempête ou tempestites). Les dépôts
des vasières littorales donnent des siltites et shales généralement
noires, rouges après oxydation dia- ouépi-génétique,
et riches en bioturbations ou débris de coquilles.
4.2 Quelques exemples
Les roches détritiques littorales sont abondantes dans les séries géologiques: de nombreuses formations gréseuses sont d'anciens sables de plage ou de plate-forme. Citons à titre indicatif:
* Tertiaire: la molasse marine de la plaine suisse montre des cycles de marée.
* Trias: les quartzites blanches du Briançonnais possèdent de nombreuses figures hydro-dynamiques rencontrées sur les plate-formes.
* Dévonien: les Grès de Vireux de l'Ardenne sont d'anciens sables de plage.
* Ordovicien: les Grès Armoricains présentent des structures en mamelon caractéristiques des plate-formes soumises aux tempêtes.
Les "schistes carton" du Jurassique du Bassin Parisien sont des black shales de plate-forme anoxique.