UNIVERSITE DE PICARDIE JULES VERNE/ Jacques Beauchamp


  Hydrogéologie

L'EAU SOUTERRAINE
éléments d'hydrogéologie







 

1. QUELQUES DEFINITIONS

Le bassin hydrologique est délimité par les lignes de crêtes topographiques isolant le bassin versant d'un cours d'eau et de ses affluents. Il correspond en surface au bassin hydrographique.

Le bassin hydrogéologique correspond à la partie souterraine du bassin hydrologique

Un aquifère est un corps (couche, massif) de roches perméables comportant une zone saturée suffisamment conductrice d'eau souterraine pour permettre l'écoulement significatif d'une nappe souterraine et le captage de quantité d'eau appréciable. Une aquifère peut comporter une zone non saturée (Margat et Castany). L’aquifère est homogène quand il a une perméaébilité d'interstices (sables, graviers); la vitesse de percolation y est lente. Il est hétérogène avec une perméabilité de fissures (granite, calcaire karstique); la vitesse de percolation est plus rapide.

Une nappe est l'ensemble des eaux comprises dans la zone saturée d'un aquifère, dont toutes les parties sont en liaison hydraulique (Margat et Castany).
 
 

Figure 1 : Bassin hydrologique, bassin hydrogéologique et aquifère.

La surface piézométrique d'une nappe libre est la surface supérieure de la zone saturée de l'aquifère. Les mêmes cotes de cette surface forment des courbes de niveau appelées courbes isopiézométriques car elles correspondent à des points de même charge hydraulique. L'eau de la nappe se déplace perpendiculairement aux courbes isopiézométriques; sa vitesse est inversement proportionnelle à la distance entre 2 courbes consécutives.
 
 


Figure 2 : hydrogéologie de la région d’Amiens.


2. TYPES DE NAPPES

2.1 Nappes libres

la surface piézométrique coïncide avec la surface libre de la nappe qui est surmontée par une zone non saturée.

* Nappe de vallée en pays tempéré

Ce type de nappe est la première directement atteinte par les puits: c'est la nappe phréatique.

Lorsque le sol est uniformément poreux et perméable, l'eau de pluie s'infiltre jusqu'à une couche imperméable et sature la roche jusqu'à un certain niveau appelé surface libre de la nappe. Dans la nappe, l'eau circule jusqu'à des exutoires qui sont dans les points bas de la topographie: sources, rivières. Les courbes isopiézométriques indiquent la pente de la surface libre et le sens d'écoulement de la nappe. Les lignes de crête correspondent aux zones de divergence des courants. L'eau circule dans toute l'épaisseur de l'aquifère, plus ou moins parallèlement à la surface libre sauf au niveau des exutoires et des lignes de crête; les vitesses sont plus élevée vers la surface. Quand l'exutoire n'est pas localisé, on parle de "surface de suintement".
 
 

Figure 3: nappe libre des Sables de Fontainebleau.

La nappe de la craie du nord de la France est de ce type. La partie supérieure de la craie, altérée et fissurée sur quelques dizaines de mètres, constitue l'aquifère. L'alimentation se fait par les plateaux crayeux. Les exutoires sont les vallées des rivières dont le niveau est plus ou moins en équilibre avec la nappe; d'ailleurs, une pollution de la rivière peut contaminer la nappe. Les vallées plus hautes que la surface de la nappe sont sans cours d'eau: ce sont des "vallées sèches".
 



Figure 4: L'aquifère de la craie en Artois
 
 

* Nappe alluviale

L'aquifère est constitué par les alluvions d'une rivière. L'eau de la nappe est en équilibre avec celle de la rivière et les échanges se font dans les deux sens. Les alluvions sont trés perméables; elles peuvent être trés épaisses (une centaine de mètres) et constituer un réservoir trés important qui sert à l'alimentation en eau des villes situées le long de la rivière: c'est le cas du Rhin, du Rhône. Ces nappes, soutenues par l'apport de la rivière (ou d'un lac), sont trés vulnérables à la pollution. L'aménagement du cours des rivières diminuent leur vitesse (barrage) et favorise le dépôt des particules fines qui tendent à colmater le fond du lit et interrompre les échanges avec la nappe.
En pays aride, la nappe alluviale est alimentée par les crues de la rivière (oued) qui est à sec en période d'étiage. Comme l' oued, les eaux de la nappe s'écoulent, souvent vers les dépressions endoréiques où elles s'évaporent (lacs temporaires avec dépôt de sels ou sebkha continentale).

* soutien d’une nappe

Une nappe est limitée vers le bas par un niveau imperméable. Elle peut être alimentée, ou soutenue, par l'infiltration de l'eau d'une rivière. Une nappe est dite perchée si elle surmonte une autre nappe libre qu'elle peut alimenter par drainance. Par exemple, dans la région de Soisson, les nappes du Tertiaire sont dans des nappes perchées; la nappe de la craie et les nappes alluviales sont soutenues par les rivières.
 
 

Figure 5 : aquifères superposés dans la région de Soisson (Aisne).

2.2 Nappes captives

La nappe est confinée car elle est surmontée par une formation peu ou pas perméable; l'eau est comprimée à une pression supérieure à la pression atmosphérique. A la suite d'un forage au travers du toit imperméable, l'eau remonte et peut jaillir: la nappe est artésienne. Le jaillissement peut disparaître par la suite si la nappe est exploitée au point de diminuer sa pression (cas historique du forage artésien de Grenelle).
 



Figure 6: nappe captive des sables tertiaires de Gironde.


3. ALIMENTATION ET STOCKAGE DE L'EAU

3.1 Alimentation d'une nappe

La source d'alimentation en eau d'un bassin hydrologique est fournie par les précipitations efficaces, c'est à dire par le volume d'eau qui reste disponible à la surface du sol après soustraction des pertes par évapo-transpiration réelle. L'eau se répartit en 2 fractions:

- le ruissellement qui alimente l'écoulement de surface collecté par le réseau hydrographique;
- l'infiltration qui alimente le stock d'eau souterrain.

La hauteur d'infiltration est la quantité d'eau infiltrée à travers le sol pendant une durée déterminée. Le taux d'infiltration est le rapport entre la hauteur d'infiltration et la hauteur de précipitation efficace.
 

Les parts respectives du ruissellement et de l'infiltration sont régies par de nombreux facteurs:

Figure 7: bilan hydrique dans le bassin de l'Hallue.
 

Dans le bassin versant de l'Hallue, sous-affluent de la rivière Somme, pour une hauteur de précipitation annuelle de 740 mm, l'ETR a été évaluée à 510 mm et l'infiltration à la nappe à 220 mm.

L'infiltration efficace est la quantité d'eau qui parvient effectivement à la nappe: en effet il se produit de l'évapotranspiration pendant la migration de l'eau vers la profondeur. La vitesse d'infiltration varie de 1 m par an dans la craie de Champagne à quelques m par heure dans un karst.
 

3.2 Eau gravitaire et eau de rétention

L'eau gravitaire est la fraction de l'eau souterraine soumise à la seule force de gravité. C'est elle qui circule dans un aquifère et alimente les exutoires. On peut l'extraire d'un échantillon de roche par égouttage. Son volume dépend de la granulométrie de l'échantillon: il est le plus grand pour des grains grossiers (il y a 3 fois plus d'eau gravitaire dans un gravier que dans un sable fin).
L'eau de rétention est la fraction de l'eau maintenue dans les vides et la surface des grains par des forces supérieures à celle de la gravité. Elle n'est pas mobilisable. Les forces d'attraction moléculaires, consécutives de la polarité de la molécule d'eau, peuvent atteindre 200 000 fois celle de la gravité. On distingue l'eau adsorbée et l'eau pelliculaire.
 
 


Figure 8 : différents types d'eau au voisinage d'un grain dans un aquifère (Polubrina-Kochina in Castany)
 

L'eau adsorbée forme un mince film autour des grains, d'une épaisseur de l'ordre du dixième de micron. Sa quantité augmente en fonction inverse de la granulométrie:

L'eau pelliculaire est une couche d'environ 1 µm d'épaisseur qui tapisse les cavités délimitées par les grains. Elle est moins fortement liée.

3.3 Porosité efficace et coefficient d'emmagasinement

La porosité efficace est le rapport du volume d'eau gravitaire au volume total de la roche saturée en eau:

exemple: un échantillon de craie de 1 000 cm3, prélevé dans un aquifère, libère par égouttage 20 cm3 d'eau: sa porosité efficace est de 2%.
 
 

TYPES DE RESERVOIRS

POROSITE EFFICACE (%)

PERMEABILITE K (m/s)

graviers

25

3. 10-1

sables

15

6. 10-4

limons

2

3. 10-8

vase argileuse

0.1

5. 10-10

calcaires fissurés

2 à 10

 

craie

2 à 5

 

granite fissuré

0,1 à 2

 

basalte fissuré

8 à 10

 

schistes

0,1 à 2

 

TABLEAU A: Porosité efficace et perméabilité moyenne pour les principaux réservoirs.

La teneur en eau volumique est la quantité d'eau totale contenu dans un réservoir rapportée au volume du réservoir. Elle est égale à la porosité du réservoir. La valeur obtenue ne correspond pas à la quantité d'eau effectivement disponible puisque l'eau de rétention est comptabilisée.

La porosité efficace dépend des caractéristiques texturales de l'aquifère qui sont: le diamètre des grains, l'arrangement des grains et leur état de surface. Elle diminue avec le diamètre des grains et lorsque la granulométrie n'est pas homogène: en effet les plus petits grains se logent entre les gros grains et diminuent ainsi les espaces vides. L'arrangement des grains influent également sur la proportion des espaces vides et donc sur la porosité. L'arrangement cubique offre 47,6% d'espaces vides alors que l'arrangement rhomboédrique n'en offre que 25,9%. La profondeur et la pression lithostatique associée produisent des arrangements plus compacts qui diminuent la porosité. La surface des grains enfin influe sur la porosité efficace qui croît avec la surface.

Le coefficient d'emmagasinement d'un aquifère est déterminé à partir de la quantité d'eau libérée pour une perte de charge donnée. Dans un aquifère, la perte, ou le gain, d'une certaine quantité d'eau se traduit par une variation de la charge hydraulique. Celle-ci est mesurée à l'aide de piézomètres. Pour une nappe libre, c'est la gravité qui provoque l'écoulement de l'eau. Pour une nappe captive, l'expulsion d'un petite quantité d'eau provoque une grande variation de pression et donc une forte perte de charge. D'une façon générale, pour une même différence de charge, la quantité d'eau libérée est beaucoup plus grande dans une nappe libre.
 
 


Figure 9: variation de charge et volume d'eau libérée (adapté de Castany).

Le coefficient d'emmagasinement est défini comme le rapport du volume d'eau libérée (ou emmagasinée) par unité de surface sur la différence de charge hydraulique. Dans les nappes libres, le coefficient d'emmagasinement est égal à la porosité efficace; il est compris entre 0,2 et 0,01. Dans les nappes captive, il est beaucoup plus petit, 0,001 à 0,0001. Il est mesuré sur le terrain par des pompages d'essai qui rabattent la nappe.

3.4 Zonalité d'un aquifère

Une coupe depuis la surface du sol jusqu'à la nappe phréatique montre la zonalité suivante:

Figure 7-10: zonalité de l'eau dans un aquifère à nappe libre (adapté de G. CASTANY).
(1) eau de rétention;  (2)  eau gravitaire;   (3) remontée capillaires;  (4) surface piézométrique;   (5) surface de la nappe.


4. DEPLACEMENT DE L'EAU

4.1 Loi de Darcy

(voir chapitre "L'eau et le sol")

 La quantité d'eau transitant dans un milieu poreux est proportionnelle à la section totale traversée A, au coefficient de perméabilité K du milieu et à la charge hydraulique h et inversement proportionnelle à la longueur l du milieu traversé:

La vitesse de filtration V est égale au rapport de la quantité d'eau passant en une seconde sur la surface A. C'est également le produit du coefficient de perméabilité par le gradient hydraulique:


 

Figure 7-11: Loi de Darcy appliqué à un écoulement latéral (cas d'un aquifère).

La loi de Darcy n'est strictement applicable que pour des milieux homogènes où l'écoulement de l'eau est laminaire. Elle ne peut être utilisée en particulier pour les réseaux karstiques.

Le coefficient de perméabilité est propre à chaque réservoir; il dépend notamment de la porosité efficace et de la viscosité du fluide; il augmente avec la profondeur (l'augmentation de température diminue la viscosité).
 

4.2 Application sur le terrain

* Niveau piézométrique.

La mesure du niveau piézométrique est l'opération de base en hydrogéologie; on utilise généralement des sondes automatiques qui enregistrent le fluctuations du niveau de la nappe au cours de l'année. Pour les nappes artésiennes, on mesure l'altitude du jet d'eau au dessus du sol. Le pompage provoque le rabattement de la surface piézométrique.
 
 


Figure 12: cône de rabattement induit par un pompage.

* Gradient hydraulique

On le calcule en plaçant 2 piézomètres distants de L mètres. Le gradient est le rapport entre la différence de niveau Dh des piézomètres et la distance L. On utilise également les cartes piézométriques en mesurant la distance entre 2 courbes isopiézométriques (hydroisohypses) consécutives.
 



Figure 13: calcul du gradient hydraulique avec 2 piézomètres.
 
 

Figure 14: calcul du gradient hydraulique à partir d'une carte piézométrique

* Débit d'une nappe

C'est le volume d'eau traversant une section transversale de l'aquifère en une unité de temps. Son calcul est délicat; il faut connaître l'épaisseur de l'aquifère et l'écartement des courbes isopiézométriques. Pour les grandes nappes, on subdivise la section générale en sections élémentaires équipées de couples de piézomètres (forages d'essai).

Le débit d'une nappe peut être évalué par la loi de Darcy:



                                    Q = K. A. i



K: coefficient de perméabilité

A: section de la nappe

i: gradient hydraulique



* Vitesse d'écoulement

Il est possible d'évaluer la vitesse de transfert de l'eau par utilisation d'un marqueur radio-actif, le Tritium. Cet isotope radio-actif de l'hydrogène est produit naturellement par la composante neutronique du rayonnement cosmique sur l'azote atmosphérique. La teneur induite dans les pluies est de l'ordre de 5 U.T. Mais la production principale de tritium résulte des essais aériens de la bombe H à partir de 1952. La teneur des précipitations a été multipliée par 1000 en 1963 sous nos latitudes. L'arrêt des essais après 1963 a entraîné une décroissance exponentielle de la teneur en tritium: dans les années 90, il y en a encore 15 U.T., soit 3 fois plus que la normale d'avant 1952.

Des eaux depassant 20 U.T. ont un âge de quelques dizaines d'années car elles reflètent le pic de 1963. Des teneurs comprises entre 10 et 20 U.T. indiquent des eaux récentes, infiltrées dans la dernière décennie ou des mélanges d'eaux post-nucléaires, à tritium thermonucléaire, et d'eaux plus récentes. Des teneurs comprises entre 2 et 10 U.T. correspondent à des eaux post-nucléaires mélangées à une eau ancienne. Enfin, des teneurs trés faibles sont celles d'une eau infiltrée avant les essais thermo-nucléaires (il ne subsiste plus que 0,5 U.T. après 42 ans dans une eau primitivement à 5 U.T.); c'est le cas de nombreux aquifères profonds.

Des analyses systématiques de la teneur en tritium des précipitations et de l'eau des sources d'une même région permettent d'obtenir une évaluation plus précise. Les mesures ont été faites à Evian.

En 1963, la source d'Evian-Cachat ne contenait pas de tritium alors que les pluies en avaient 2900 U.T. L'aparition du tritium en 1965 s'explique par une contamination de l'eau ancienne par quelques pourcents d'eau de surface. Le pic du tritium est localisé en 1979 dans l'eau de la source, ce qui implique un temps de filtration de 16 ans. Le trajet parcouru dans l'aquifère est d'environ 4 km depuis la zone d'alimentation: on aboutit à une vitesse d'écoulement de la nappe de 250 m par an.


Figure 7-18: Teneurs en Tritium dans les précipitatione et la source d’Evian.
 



Types d'aquifères

vitesses calculées (m/an)

vitesses par traceurs (m/an)

temps de séjours (an/km)

Sables verts du Bassin de Paris 

3

-

250-300

Continental Intercalaire (Sahara) 

2-3

4

300-500 

Alluvions du Rhin 

1700

100-2000

0,5-1 

Alluvions du Rhône 

-

1800 

0,5 

TABLEAU B: vitesse d'écoulement dans quelques aquifères
 


5. LES NAPPES D'EAU SOUTERRAINE EN FRANCE
 

Figure 15: grandes régions naturelles en France.

On compte environ 200 aquifères importants en France, dont 25 captifs qui contiennent 2000 milliards de m3 d'eau. 7 milliards de m3 sont puisés par an, dont plus de 50 % servent à la consommation humaine.
 

5.1 Régions de socle

Dans les roches cristallines ou métamorphiques: Massif Central, Vendée, Bretagne, Vosges, Ardennes, Maures, Esterel, Corse...) Petites nappes locales dans les zones d'altération, les dépôts alluviaux ou les zones fissurées. Les ressources en eau souterraine sont faibles et l'habitat rural est dispersé. Il faut utiliser les eaux de surface. Ces petites nappes sont trés sensibles à la pollution (pollution par lisier en Bretagne)

5.2 Montagne à terrains sédimentaires plissés

Nappes rares, réservoirs trés fragmentés.

5.3 Plateaux calcaires

Circulation karstique par rivières souterraines en relation avec le réseau de surface (pertes, résurgences). Les réseaux de fissures situées au dessous du niveau des exutoires jouent le rôle de réservoir (eau de fond). Jura, Causses, Vaucluse.

5.4 Bassins sédimentaires

Bassin de Paris et Bassin d'Aquitaine. Ces bassins sont constitués d'un empilement de roches perméables et imperméables qui délimitent une superposition de nappes; la nappe supérieure est libre, les autres sont captives.

5.5 Plaines alluviales

Elles sont contenues dans les alluvions des grands cours d'eau. Elles sont intensément exploitées et trés sensibles à la pollution.
 

Figure 16: bilan de l'eau en France en km3 (d’après Roux).
 
 

 Grandes nappes libres

 4,4 millions de m3 par jour

 Nappes captives

 2,7

 Nappes alluviales

 6

TABLEAU C: prélèvement des eaux souterraines en France (d’après Roux).
 


6. PRINCIPAUX AQUIFERES UTILISES EN PICARDIE

Il y a plusieurs aquifères superposés dans les formations secondaires et tertiaires, séparés les uns des autres par des couches plus ou moins imperméables qui peuvent permettre un transit d'eau d'un aquifère à celui qui lui est inférieur. Lorsque ces transits sont importants, on parle alors d'aquifère multicouche.
 
 

TERRAIN

RESSOURCE

Alluvions des vallées

aquifères productifs 

série tertiaire

aquifère multicouche peu productif

craie crétacée

aquifère productif 

sables verts crétacés

nappe généralement captive 
peu exploitée

calcaires jurassiques

aquifère multicouche exploité au Nord

TABLEAU D: Principaux aquifères en Picardie
 

6.1 Aquifères alluvionnaires

Les alluvions sont des sédiments récents, généralement fluviatiles, qui peuvent reposer sur un substratum imperméable ou perméable:

* dans le premier cas, l'eau ne circule que dans les alluvions et forme une nappe alluviale indépendante, mais alimentée (soutenue) par l'eau de la rivière. La nappe de la vallée de la Marne qui repose sur des formations imperméables dans le Sud du département de l'Aisne présente une minéralisation, une dureté et une alcalinité élevée (en particulier 150 mg/L de sulfate et 24 mg/L de K).

* dans le deuxième cas, le plus fréquent dans la région, l'aquifère des alluvions est confondu avec celui sous-jacent (souvent celui de la craie) et forme un aquifère complexe généralement trés productif. L'eau de la nappe alluviale alimente la rivière et maintien son niveau en période de sécheresse. A l'inverse, lorsque les prélèvements sur la nappe sont importants, le rabattement provoque un apport d'eau depuis la rivière.

Les nappes alluvionnaires sont peu épaisses (moins de 10 m) et la productivité des captages est trés variable, de 1 à 150 m3/h. Le renouvellement de l'eau est rapide et la vulnérabilité aux pollutions forte.

Les champs captants installés sur ce type d'aquifère peuvent prélever avec des débits atteignant jusqu'à 90% du débit de la rivière. L' alimentation de la ville de Soissons demande  2 900 000 m3 par an, celle de l'agglomération de Creil: 7 000 000 m3 par an.

La nappe peut être réalimentée à partir de l'eau de la rivière préalablement traitée si besoin.

6.2 Aquifères du Tertiaire

Ils sont nombreux et superposés, leur épaisseur est comprise entre 5 et 50 m. Les nappes sont libres ou captives,  toutes ne sont pas exploitées. La productivité des captages varie de 10 à 200 m3/h.

* Sables de Fontainebleau (Oligocène) ressource limitée en Picardie du fait de la faible extension du réservoir.

* Calcaires de Brie (Oligocène) Ces calcaires siliceux fissurés et caverneux (meulières) contiennent une nappe de faible puissance et souvent polluée par les infiltrations de la surface; elle est peu exploitée.

* Calcaire de Champigny (Eocène) Aquifère multicouche à perméabilité de fissures (karstification). La source karstique de la Dhuys (02) est captée pour alimenter Paris.

* Calcaires de St Ouen et Sables de Beauchamp (Bartonien; Eocène) Aquifère bicouche donnant des petites nappes perchées; peu utilisé pour l'adduction d'eau potable.

* Calcaires grossiers du Lutétien (Eocène) Aquifère épais (20 m) à perméabilité d'interstices et de fissures (karstification possible): la nappe est généralement libre. Les sources sont nombreuses dans l'Aisne et l'Oise: elles sont captées pour l'eau potable.

* Sables de Cuise (Cuisien; Eocène) Perméabilité d'interstice donnant des débits trop faibles pour être exploité. La nappe est libre ou captive.

* Sables de Bracheux (Thanétien; Eocène) L'aquifère n'est individualisé que lorsqu'il repose sur une couche suffisamment argileuse; sinon il est confondu avec celui de la craie sous-jacente. La nappe contenue qui fournit des débits importants est exploitée.

6.3 La nappe de la Craie

La nappe la plus importante en Picardie par son étendue et son utilisation. L'aquifère comprend les craies du Cénomanien, du Turonien et du Sénonien dans l'Oise et le Sud de l'Aisne. Dans la Somme et le Nord de l'Aisne, une couche marneuse dans le Turonien moyen ("dièves") scinde l'aquifère en deux parties: une nappe dans le Cénomanien, une nappe dans le Turonien-Sénonien. La base est formée par les argiles du Gault. La craie est une roche poreuse et fissurée, mais c'est la perméabilité de fissures qui permet un écoulement important. L'épaisseur utile de la nappe est inférieure à 50 m et la productivité des captages est trés variable (10 à 400 m3/h). Les sources alimentées par la nappe de la craie ont un fort débit (source de la Somme: 300 l/s). La réserve est bien renouvellée par les précipitations locales mais la vulnérabilité aux pollutions est forte.

La nappe de la craie est libre dans la Somme en particulier où elle est alimentée directement par les précipitations. Elle est captive lorsqu'il y a un recouvrement tertiaire (Oise, Aisne). Les eaux ont un faciès bicarbonaté calcique qui leur confère une dureté assez forte et un pH légèrement alcalin. La minéralisation augmente en régime captif et l'augmentation des teneurs en fer et en fluor notamment détériore la qualité.

La nappe de la craie fournit 100 millions de m3 d'eau potable par an en Picardie.

6.4 Les aquifères du Crétacé inférieur

Deux aquifères affleurent en Pays de Bray.

* L'aquifère multicouche des sables verts de l'Albien: formé d'une alternance de couches argilo-sableuses, il contient une nappe captive trés importante et exploitée par forages profonds dans la région parisienne.

* L'aquifère multicouche du Néocomien-Barrémien: plus profond, il est peu exploité.

Les sables verts affleurent également en Thiérache (Aisne). Ailleurs, les aquifères sont captifs.
 

6.5 L’aquifère multicouches des calcaires jurassiques

Les calcaires diaclasés du Jurassique moyen (Bajocien-Bathonien) contiennent une nappe libre importante exploitée dans la région d'Hirson: une source captée fournit 1 200 000 m3 d'eau potable par an, un forage en délivre 1 750 000 m3 (exportée dans le Nord). La nappe est libre et son épaisseur est supérieure à 50 m. L'eau est de bonne qualité et les captages fournissent en moyenne 30 m3/h.

6.6 Utilisation des eaux souterraines

Prélèvement total annuel en Picardie: 232 000 milliers de m3.

Utilisation par type d'usage :
 
 

Alimentation en Eau Potable

58 % 

Industries

35%

Agriculture

7%

Tableau E: utilisation de l'eau souterraine en Picardie (d'après V. FURRY).

Ces chiffres sont relativement anciens (une dizaine d'années): depuis lors, les prélèvements de l'agriculture ont fortement augmenté (irrigation demandée par l'industrie agro-alimentaire).


7. L'EAU DANS LE DEPARTEMENT DE LA SOMME

Les ressources en eau de la Somme sont abondantes. L'eau de surface est surtout prélevée par l'industries (16,88 millions de m3 en 1996) et trés secondairement par l'agriculture. L'eau de la nappe de la craie alimente les collectivités en eau potable (50,26 millions de m3), l'industrie ((36,47 millions de m3) et l'irrigation (24,53 millions de m3 en 1996).

On estime que'en année normale, un peu plus d'un milliard de m3 d'eau des précipitations rejoint la nappe de la craie. D'autre part, il y a environ 6 000 hectares de plans d'eau. Néanmoins au printemps 1997, le préfet de la Somme a émis un arrêté "sécheresse" visant à réduire la consommation de l'eau: il y a donc un problème de quantité. D'autre part certains secteurs du département ont été décrétés "zones vulnérables" par rapport aux nitrates: il y a donc aussi un problème de qualité.
 



Figure 17: volumes prélevés dans la nappe de la craie (d’après l’Agence de l’Eau Artois-Picardie)

La nappe de la craie est facilement accessible par forages. Le niveau piézométrique est à quelques dizaines de mètres de profondeur. Elle est rechargée par infiltration d'une partie des précipitations pendant les mois d'hiver: c'est dire qu'un déficit de pluviosité à cette période produit un abaissement du niveau que ne peuvent remonter les pluies d'été. Le niveau de la nappe peut fluctuer d'une hauteur de 20 m. Une succession d'hivers plus secs entraîne une situation de sécheresse hydrogéologique (nappe trés basse, assèchement des captages) bien que la pluviométrie totale annuelle puisse sembler normale.

La quantité d'eau disponible à partir de la nappe n'est donc pas illimitée et des mesures d'économie doivent être prises obligatoirement en période de bas niveau piézométrique. La consommation d'eau potable est exagérée par l'importance des fuites sur le réseau: 25% de pertes est considéré comme satisfaisant, mais localement les pertes atteignent 50%. L'utilisation de l'eau souterraine pour l'irrigation est en augmentation: un meilleur contrôle des prélèvements est en cours (pose de compteurs sur les forages, mais aussi .vérification et relevé de la consommation...) Un programme d'étude de l'irrigation est mis en place pour mieux gérer la quantité et la qualité (à comparer avec les programmes irrimieux et fertimieux dans d'autres départements).

La qualité de l'eau souterraine est affectée par la teneur élevé en nitrates, tribut payé aux forts rendements agricoles. partout les forages fournissent une eau à près de 25 mg/l de nitrates, valeur maximale recommandée, et certains à 50 mg/l, valeur limite acceptable pour l'alimentation humaine. Bien que les autorités minimisent ces valeurs, s'appuyant sur le fait que le situation est pire dans le Pas-de-Calais (...), la situation est préoccupante quand on sait que souvent la teneur en nitrate augmente d'une année à l'autre par "effet retard" (il faut en viron une vingtaine d'année pour que les nitrates du sol atteignent la nappe). La solution adoptée est de fermer un captage quand la teneur en nitrates dépasse une valeur acceptable et de forer dans une zone plus favorable. Des pesticides comme les herbicides (Atrazine et Simazine) accompagnent la migration des nitrates vers la nappe.

Les mesures à prendre pour lutter contre la pollution de la nappe sont de plusieurs types:

* mieux contrôler les intrants agricoles: bilan azoté du sol en fin de culture, réduction des herbicides (?) et autres produits. Les contraintes sont évidentes dans les secteurs classées zones vulnérables.

* mieux contrôler les autres sources de pollution: décharges sauvages, puits désaffectés, points noirs de friches industrielles, infiltration des eaux usées...

* protéger l'environnement immédiat des captages des sources de pollution éventuelles en définissant des périmètres de protection:

- périmètre immédiat
- périmètre rapproché
- périmètre éloigné.

Fig. 18: Ressources et prélèvement d'eau en France.
 


Retour au sommaire




REFERENCES

AGENCE DE L'EAU ARTOIS-PICARDIE - Documents et plaquettes disponibles à l'Agence (Douai).

BARRE F. (1998) - L'eau en Somme. L'envol en Pays de Somme.Amiens, juin 1998, p. 20-25.

BLAVOUX B. et LETOLLE R. (1995) - Apports des techniques isotopiques à la connaissance des eaux souterraines. Géochronique, 54, p. 12-15.

CASTANY G. (1979) - Principes et méthodes de l'hydrogéologie. Dunod.

CAOUS J.Y., CAUDRON M. et MERCIER E.  (1983) - Atlas hydrogéologique du département de l'Aisne. B.R.G.M.

CAOUS J.Y. et COMON D. (1987) -Atlas hydrogéologique du département de l'Oise. B.R.G.M.

DE MARSILY G. (1981) - Hydrogéologie quantitative. Masson

DIREN et Conseil Régional de Picardie (1997) - L'environnement en Picardie. 20 p.

FURRY V. (1997) - Les eaux souterraines en Picardie. Mém.DESS Environnement, Univ. Picardie.

GUILLEMIN C.et ROUX J.C. (1992 ) - La pollution des eaux souterraines. Manuels et Méthodes, n° 23, éd. BRGM.

ROUX J.C. (1978) - Atlas hydrogéologique du département de la Somme. B.R.G.M.
 

SITES INTERNET

www.aesn.fr/

www.eau-artois-picardie.fr/

www.brgm.fr

www.agora21.org/environnement.html


Jacques Beauchamp