Les gisements d’hydrocarbures dans le
Bugey
GENERALITES SUR LES GISEMENTS D’HYDROCARBURES
1. Constitution d’un gisement
1.1 Dépôt
Le point de départ est le dépôt de sédiments généralement plus ou moins argileux contenant de la matière organique, continentale ou marine, provenant de la décomposition de micro-organismes et de végétaux, qui s’accumule à l’abri de l’air (sinon oxydation et disparition de la matière organique).
La
proportion de liquides et de gaz générés dépend de la profondeur et de la nature
de la roche mère : 1.2 Maturation
de la matière organique
Sous le poids des sédiments qui s'accumulent,
la pression augmente environ de 25 bars
• si les débris organiques contenus sont principalement d'origine animale
(micro-organismes planctoniques par exemple), elle donnera plus de pétrole que
de gaz ;
1.3 Migration des hydrocarbures.
Les hydrocarbures liquides (« huiles ») et gazeux migrent vers
le haut jusqu’à la surface du sol si leur passage est possible dans les roches
qui les surmontent. S’ils rencontrent une zone poreuse recouverte d’une couche
imperméable (« roche couverture »), ils sont piégés et ils
s’accumulent dans la zone poreuse qui devient une « roche réservoir »
(comme le sable ou le sable consolidé appelé grès.)
Les hydrocarbures solides (« bitumes ») restent dans la roche
mère.
Figure
2 : exemples classiques de piège à pétrole (d’après F. Guillocheau,
université de Rennes).
2. Exploration
et exploitation
2.1. Gisements
conventionnels
La recherche de gisement
d'hydrocarbure se fait généralement par des méthodes variées: études des roches
qui donnent naissance au pétrole, de la formation et de la structure des
bassins pétroliers et des réservoirs, des micro-organismes présents dans les
sédiments, et surtout par des méthodes sismiques qui fournissent un profil des
structures sous-jacentes : des vibrations envoyées dans le sous-sol, en
partie réfléchies vers la surface par les couches géologiques qu’elles
rencontrent, livrent des millions de données qui, traitées par informatique,
révèlent l’image de la structure du sous-sol.
Figure 3 : Profil sismique et interprétation (source: Université du
Québec, Laboratoire de paléomagnétisme sédimentaire).
La confirmation du gisement est fournie par un forage d'exploration. Si
ce dernier atteint une roche réservoir,
suivent des essais d'évaluation de la production. Quel volume global de
pétrole renferme un réservoir ? Comment est-il distribué dans les couches?
Quelles sont sa température et sa pression en haut en bas du réservoir ? Est-il
léger, visqueux, sa composition est-elle variable en fonction de sa position ?
Quelles sont les failles qui bloqueront ou faciliteront sa production ? Les
réponses décideront de la mise en exploitation.
Le gaz et le pétrole montent dans
le tubage du forage sous l'effet de la pression.
Lorsque la pression diminue et devient insuffisante, on peut injecter de
l’eau ou du gaz carbonique sous pression et pomper pour récupérer le maximum d'hydrocarbures
(les techniques actuelles de production permettent d’en récupérer en moyenne 1/3).
L’injection de
CO2 dans le sous-sol est d’ailleurs un moyen de diminuer la teneur de ce
gaz dans l’air (« séquestration » du CO2 pour lutter contre l’effet
de serre).
Figure
4 : Extraction d'huile par injection de CO2 et d'eau (document BRGM).
Figure 5 :Evolution
de la matière organique et gisements traditionnels (document IFP).
2.2. Gisements
non conventionnels
Ce sont des gaz,
des huiles et des bitumes extraits directement de la roche mère ou selon des
méthodes impliquant
un coût et une technologie supplémentaires en raison de ses conditions
d'exploitation plus difficiles (offshore profond, régions polaires). Il s’agit
principalement des schistes bitumineux,
de l’huile de schiste, du gaz de schiste, des
« tight gas » et du gaz de houille.
* Les schistes
bitumineux sont des argiles feuilletées noires très riches en matière organique peu
transformée du fait de son faible enfouissement (inférieur à
* L’huile (ou
pétrole) de schiste (« shale oil ») est générée à une
profondeur de l’ordre de 2 000 à
* Le gaz de schiste
est du méthane généré pour un enfouissement de la roche-mère de plus de
* Les tight gas sont des gaz contenus
dans des réservoirs très peu poreux et très peu perméables qui nécessitent pour
leur extraction des techniques similaires à celles du gaz de schistes.
* Le gaz de houille (ou gaz de couche, gaz de charbon) est du méthane
contenu dans les veines de charbon. Il peut se dégager spontanément, et donc
être directement exploité, des anciennes exploitations minières. Il peut être
également extrait des couches de houille non exploitées et profondes par forage
et fracturation, comme pour le gaz de schiste. L’injection de gaz sous pression
(Azote, CO2) améliore sa récupération.
RESSOURCES
POTENTIELLES EN HYDROCARBURES DU BUGEY
Cette étude est limitée pour l’instant à la partie ouest du Bugey depuis
la vallée de l’Ain jusqu’au plateau d’Hauteville.
1. Données disponibles
* Cartes géologiques :
- Nantua 1/80 000 (3ème édition, 1964)
- Nantua 1/50 000
- Saint Rambert 1/50 000 (1982)
* Profils sismiques : ils ne sont malheureusement pas accessibles au public.
* Relevés de terrain inédits
* Forages profonds
Ils ont été réalisés dès le début du XXème siècle pour rechercher d’abord le charbon puis le pétrole. Les principaux forages connus sont portés sur la figure 8.
Figure 8 :
principaux forages profonds effectués dans l’Ouest du Bugey et le rebord de
a) Dès 1906, de
nombreux forages ont été percés à Vaux en Bugey jusqu’à une profondeur maximale
de
b) A Torcieu, en
1918, un forage de
c) Le forage de
Villette (1961) a traversé une série de
d) Le forage
d’Ambronay en
e) A Jujurieux, un
forage de
f) A Saint Jérôme,
un forage a montré à
g) Les 3 forages d’exploration de Corcelles (1989-1991) ont atteint le socle primaire. Ils ont été arrêté selon les forages :
-
à
-
à
-
à
Ils ont traversé notamment une quarantaine de m d’argiles noires du Jurassique inférieur (Lias).
En Bresse, les sondages ont mis en évidence l’épaisseur de la série tertiaire recouvrant le Secondaire :
- à Curciat Dongalon (1952) sa base
est à
- à Cuisiat (1951), elle est
à
- plus à l’Est, à Journans (1951) elle
est à
Au Sud enfin, à
Blye, les schistes et grès primaires du Permien ont été rencontré en 1961 à
Figure 9 : Quelques données de sondages
(source : BRGM). P-C : Permien-Carbonifère (Primaire) T : Trias ; Ji, Jm, Js : Jurassique inf., moyen, sup. ; C :
Crétacé ; Figure 10: colonne stratigraphique simplifiée du Quaternaire au
Primaire. Les épaisseurs varient selon les régions. P-C : Permien-Carbonifère (Primaire)
2. La succession des dépôts dans le Bugey
Les terrains anciens visibles en surface dans le Bugey ont été déposés pendant l’ère secondaire. Pour la plupart, ils
datent du Jurassique, c'est-à-dire qu’ils ont été déposés entre -200 et –145 millions d’années. Ils sont
généralement calcaires ; leur épaisseur totale est voisine de
3.
La déformation des couches (structure tectonique)
Les terrains de la série secondaires ont été fortement érodés et déformés
pendant le Tertiaire, au cours du plissement alpin. Ils ont été plissés et
fracturés puis décollés du socle primaire pour être poussés vers l’Ouest, sur
la plaine de l’Ain dans la région d’Ambérieu, sur
Figure 11 : Coupe W-E au niveau du col du Berthiand (source : notice de la carte géologique de Nantua). Par manque d’information, les auteurs n’ont pas pu figurer la structure du socle primaire.
Figure 12 : Coupe NW-SE entre Jujurieux et Saint Jérôme ;
structure profonde reconstituée à partir des sondages. Noter le charriage des
couches secondaires sur le Tertiaire.
Figure 13 : Coupe entre Vaux et Torcieu (d’après P. Schoeffler,
1941). Les nombreuses données de forage ont permis de proposer cette
reconstitution.
4. Roches mères potentielles
Elles sont représentées par des couches argileuses suffisamment épaisses et riches en matière organique.
* Jurassique supérieur : les formations marneuses de l’Oxfordien ne contiennent pas suffisamment de matière organique. D’autre part, elles n’ont pas été suffisamment enfouies (un millier de m environ).
* Jurassique
inférieur (Lias) : Ce sont des argiles noires feuilletées (shales) qui
affleurent très localement dans la région de Jujurieux, Saint Jérôme, Saint
Rambert. Ailleurs, elles sont généralement recouvertes par l’épaisse série du
Jurassique moyen et supérieur (
Sur la bordure de
Actuellement, le
Lias est généralement recouvert par l’épaisse série (
Figure 14 : Argiles noires feuilletées à l’affleurement le long du ruisseau de L’Oiselon (St Jean le Vieux).
* Trias
A Vaux, 2 sondages ont rencontré des niveaux de calcaires gris, noirs, à pyrite qui peuvent constituer une roche mère. L’extension de ces terrains à l’origine riches en matière organique n’est pas connue.
* Socle primaire : Carbonifère-Permien :
Le sondage de Torcieu, comme ceux de Corcelles, a pénétré dans des terrains sédimentaires carbonifères contenant des veinules de charbon ; celui de Vaux a fourni du gaz accumulé dans les niveaux triasiques mais pouvant provenir du Carbonifère ou du Permien. Les couches du Carbonifère-Permien comprenant des schistes à veines de charbon sont rencontrées par sondage également dans le Jura, au Nord du Bugey. Leur enfouissement a été suffisant pour que la matière organique évolue en huile et en gaz.
5. Roches réservoir potentielles
Des roches poreuses
surmontées de roches imperméables se trouvent dans le Jurassique (calcaires du
Jurassique moyen sous les marnes du Jurassique supérieur) et dans le Trias
(grès et conglomérat sous des argiles). Lors du sondage de Torcieu, on a trouvé
La déformation des séries avec failles et plis produit des dispositifs qui peuvent constituer des pièges à pétrole.
6. Gisements possibles ou reconnus
6.1 Gisements
conventionnels
La roche-mère est située dans les couches du Carbonifère-Permien ou dans le Lias. La roche réservoir peut être représentée par les grès du Trias ou les calcaires du Jurassique moyen.
La bordure
occidentale paraît peu favorable pour la formation de pièges : charriage
de la couverture sur les terrains récents (Tertiaire) qui peuvent être très épais,
fracturation dense qui fragmente les structures et rend les gisements possibles
trop limités en taille et en réserve exploitable.
Le contexte paraît plus
favorable à partir d’une dizaine de km de la bordure, par exemple à partir de
la chaîne de l’Avocat : structure plissée plus ample, fracturation moins
dense. Les pièges à pétrole dans le Trias, du type de la figure 2, sont possibles
dans le cœur des zones plissées de part et d’autre du plateau d’Hauteville,
comme sur le site de Corcelles-Lantenay.
Néanmoins, le résultats des sondages montre que rien n’est simple en
profondeur : le forage de Corcelles a traversé une lame de calcaires
jurassiques injectée dans les couches du Trias
6.2 Gisements
non conventionnels
Les sites
favorables au prélèvement de pétrole et gaz par des techniques non
conventionnelles sont plus difficiles à caractériser en l’absence de profils
sismiques disponibles. Le prélèvement dans la roche mère du Lias paraît le plus
évident. En revanche l’accessibilité au gaz des couches carbonifère ou
permiennes dépend de structures anciennes non déductibles en surface : ces
couches peuvent être absentes au-dessous du Trias qui repose alors directement
sur le socle métamorphique. Seul les données sismiques ou les forages peuvent
orienter les recherches. On voit ainsi que les sites de Torcieu, Vaux et
Corcelles peuvent être des candidats à l’exploitation du gaz de schistes.
En conclusion, il apparaît que l’Ouest du Bugey possède quelques possibilités de gisements conventionnels en gaz et huiles, mais probablement d’extension limitée, situés dans les calcaires du Jurassique moyen ou les grès du Trias. En revanche, l’exploitation par des techniques non conventionnelles des hydrocarbures contenus dans les argiles du Lias, les grès du Trias et les grès et schistes du socle Carbonifère-Permien peuvent être économiquement rentables en faisant abstraction des aléas environnementaux qui sont associés.
7. Risques environnementaux
En plus de l'atteinte aux paysages, l'exploitation des hydrocarbures peut impacter gravement la ressource en eau de surface et en eau souterraine.
Les argiles, schistes et grès du Lias, du Trias et du Permo-Carbonifère constituent la cible privilégiée des forages. Ils sont en général situés profondément , à près de 2000 m de profondeur à Villette, donc loin des aquifères en exploitation , mais il faut bien distinguer un forage de reconnaissance d'un forage d'exploitation.
En forage conventionnel de reconnaissance, c'est un trou vertical où circule la boue de forage qui lubrifie le trépan; la boue est en quantité faible et elle est recyclée. Le train de tiges traverse les aquifères mais les fuites sont généralement maîtrisées et, si elles existent, la pollution est faible et localisée.
En forage non conventionnel de reconnaissance et surtout d'exploitation, une énorme quantité d'une solution faite d'eau avec divers additifs est injectée sous très forte pression: les fuites possibles sont beaucoup plus dommageables pour les aquifères traversés et la diffusion des polluants est encore accélérée dans les fissures des aquifères karstiques.
La fracturation hydraulique réalisée sur la partie horizontale du forage crée des fissures qui suivent les zones de faiblesse de la roche (stratification, joints tectoniques) et peuvent réactiver le fonctionnement de fractures qui se propagent jusqu'en surface; la solution injectée dans le puits atteint alors tous les aquifères. Quand on voit la densité de fractures visibles en surface dans la région, on comprend la réalité du risque.
En surface enfin, le stockage, le transport et le recyclage des milliers de m3 de solution d’injection ne peuvent pas être effectués sans quelques incidents de parcours avec infiltration à la nappe.
Tous ces risques peuvent être considérés comme faible à l’échelle d’un seul puits, mais quand est-il à l’échelle de dizaines ou centaines de puits ?
REFERENCES
Bichet V. et Campy M. (2008) - Montagnes du Jura – Géologie et paysages.
Bregi L. (1909) – Présence de gaz naturel dans un sondage à Vaux (Ain). Ann. Soc. Géol. Nord, 38, p. 23-27.
Schoeffler P. (1941) – Les sondages aux gaz de Vaux en Bugey. Ann. Mines Françaises, 17, p. 205-252.
Seranne M., Pistre
S., Soliva R. et Elbaz Poulichet F. (2011) – Gaz de schistes dans le Sud de
R. Vially R. (2011) - IFP Energies nouvelles.
Vincienne H. (1932)
– La structure en écailles de la région d’Ambérieu et l’âge des derniers
mouvements jurassiens. C.R. acad. Sci., Paris, 195, p. 258.
Banque du Sous Sol, BRGM
Liens internet :
http://www.planete-energies.com/
www.geosciences.univ-rennes1.fr/.../guillocheau_ST_Init_Petrole_co ...
http://planet-terre.ens-lyon.fr/planetterre/XML/db/planetterre/metadata/LOM-gaz-schiste.xml
http://www.connaissancedesenergies.org